Littératie ou littérarité numérique
Servanne Monjour
Cet article a pour objectif d’interroger le rapport entre littératie et littérarité numériques : quelles doivent être les compétences de l’écrivain sur le web ? En quoi ses qualifications strictement informatiques participent-elles de son autorité ? Notre hypothèse est que l’importance accordée à la dimension technique des œuvres numériques répond d’abord à un besoin de légitimation, et non à des critères de littérarité. Là où l’éditeur assumait autrefois un rôle de garant, ce sont aujourd’hui les compétences numériques de l’écrivain qui assurent la qualité littéraire d’une œuvre - au risque de la sur-valoriser ou au contraire de la sous-estimer. Ces compétences numériques sont en effet notamment évaluées en fonction des connotations symboliques associées à l’usage de certains outils et plateformes. Ces connotations deviennent d’autant plus importante à l’heure où les GAFAM semblent imposer un nouveau monopole éditorial, fondé sur des outils et des plateformes ne requérant que des compétences informatiques minimales. Massivement investis par les écrivains, ces nouveaux dispositifs éditoriaux (CMS, réseaux sociaux) permettent l’émergence d’une génération qui est loin de partager la même littératie numérique que celle qui l’a précédée : dès lors, aurions-nous affaire à une génération d’écrivains “analphabètes” ? On démontrera plutôt l’existence d’un déplacement du sens même de nos “compétences numériques”, qui désormais ne se fondent plus seulement sur un savoir technique, mais aussi sur une culture (laquelle suppose, notamment, la maîtrise de ces connotations associées aux technologies numériques).
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S’attaquer à la question de la littérarité des écritures numériques semble constituer un défi quelque peu hasardeux : pourquoi, en effet, courir le risque de tomber dans le piège essentialiste tendu par ce concept sur lequel les théoriciens n’ont jamais réussi à s’entendre, après plus d’un siècle de débats1 ? Force est de reconnaître, tout d’abord, l’actualité d’une problématique à l’origine de nombreuses tensions dans le champ de la littérature contemporaine, et en particulier de la littérature numérique, encore en quête de légitimation malgré déjà plusieurs décennies d’existence.2 Comme l’a souligné Gilles Bonnet :

“La légitimation s’invite au rang des questions épineuses, dans le quotidien même des écrivains contemporains. Elle s’impose dans le même temps aux écranvains, fréquemment accusés de privilégier le support Internet car permettant une autoédition synonyme de désintermédiation, c’est-à-dire de stratégie d’évitement des filtres traditionnels mis en place par la chaîne du livre. Pas une discussion au sujet des blogs qui n’interroge in fine, et parfois avec virulence, la littérarité problématique de leurs contenus.” (Bonnet 2017, 54)

Pour tout chercheur dont les travaux portent sur les expérimentations poétiques, éditoriales et transmédiatiques de l’ère numérique, la question de la littérarité doit d’abord être intégrée à une réflexion d’ordre épistémologique. Formulons ainsi un premier constat : nous travaillons sur un corpus contemporain que nous contribuons fortement à institutionnaliser – en même temps que nous recherchons d’ailleurs, pour nous-mêmes, une forme de légitimation dans un contexte académique et disciplinaire dont les frontières sont encore, malgré tout, relativement strictes. Ce corpus, pourtant, s’avère bien éphémère et fragile. Chaque année, nous en perdons des pans entiers pour des raisons très diverses : obsolescence technique, oubli de renouvellement d’un nom de domaine, suppression volontaire de la part de l’auteur qui, après quelques années d’activité, finit par se tourner vers d’autres horizons sans plus jamais faire parler de lui… Ce phénomène a tendance à se répercuter sur nos propres travaux, dont l’ancrage dans le contemporain va de pair avec une validité conçue à court terme.

Chercheurs, bibliothécaires et institutions culturelles ont bien pris conscience de la nécessité de trouver des solutions adaptées pour archiver et indexer ce patrimoine littéraire des premiers temps de l’ère numérique. Mais quelle sera la validité de ce patrimoine dans 50, 100 ans ? Sera-t-il vraiment étudié pour ses qualités littéraires, ou bien témoignera-t-il d’abord d’un moment de transition et d’exploration médiatique ? Poser cette question revient d’abord à plaider pour une réflexion épistémologique3 sur les approches méthodologiques, théoriques et critiques de ce que l’on appelle la “littérature numérique”, alors même que la définition de celle-ci est loin d’être arrêtée - pour ne pas dire qu’elle fait débat. En termes de littérarité, on ne manquera donc pas de rappeler la formule d’Antoine Compagnon, aussi lucide que problématique et polémique : “La littérature, c’est la littérature, ce que les autorités (les professeurs, les éditeurs) incluent dans la littérature. Ses limites bougent parfois, lentement, modérément […], mais il est impossible de passer de son extension à sa compréhension, du canon à l’essence.” (Compagnon 1998, 49). Or justement, quels sont les critères retenus dans le domaine émergent de la littérature numérique ? Par quels canaux les chercheurs vont-ils trouver et choisir les “oeuvres” numériques qu’ils étudient ? En résumé, comment ces nouvelles pratiques littéraires s’institutionnalisent-t-elle aujourd’hui et, surtout, quel rôle le chercheur joue-t-il dans cette institutionnalisation ? Pour ouvrir ce chantier épistémologique, ma contribution portera sur la question de la technique, ou plus précisément de la valeur que nous - chercheurs ou chercheurs-créateurs - accordons au critère technique qui a très largement occupé le terrain de la réflexion sur les écritures numériques.

“Si t’es pas codeur, t’es pas auteur” : des écrivains analphabètes ?

Dans un billet de blogue au titre percutant - “si t’es pas codeur, t’es pas auteur” (Crouzet 2011a), publié en 2011 - l’écrivain Thierry Crouzet dessinait une relation conditionnelle entre les compétences informatiques de l’écrivain et son statut d’auteur. La formule était volontairement provocatrice, et elle suscitera d’ailleurs des réactions assez vives - de l’aveu même de l’intéressé : « On m’a répondu “T’es pas boulanger, t’es pas auteur” » (Crouzet 2011b). Cette position, que certains écrivains et lecteurs ont pu trouver radicale, fait pourtant écho à une définition canonique de la littérature électronique, qui place au premier plan la dimension technique et dispositive de l’œuvre, et que l’on retrouve dans les grands textes fondateurs de notre champ - citons par exemple Kathryn Hayles (2007), Philippe Bootz (2017) ou Jean-Pierre Balpe (1991). Cette même définition s’est par ailleurs avérée décisive dans les initiatives d’anthologisation, de légitimation et de conservation de la littérature numérique que l’on retrouve dans les grands répertoires qui lui sont consacrés (celui d’ELO ou, dans le domaine francophone, du NT2, et bien d’autres encore).4 Il est en effet important de souligner combien les pionniers de la littérature numérique ont été une génération de “bricoleurs”, à l’origine de nouvelles pratiques d’écriture et de formes littéraires expérimentales. Bricoleurs donc, mais aussi explorateurs d’horizons éditoriaux inédits, à commencer par le web. À propos de cette “époque” où les écrivains ont commencé créer leurs propres blogues et leurs sites, Arnaud Maïsetti écrit ainsi :

Le code était notre alphabet désormais. On dessinait. La page de nos sites était à notre main, comme autrefois la plume qu’on taillait pour convenir à la vitesse relative et toujours singulière de nos poignets. Des heures sur quelques lignes de code pour modifier tel interligne, et qui pour s’en apercevoir ? On se refilait les lignes de code comme des secrets, des formules vaguement magiques. (Maïsetti 2018)

La consubstantialité entre littérarité et littératie revendiquée par certains écrivains, chercheurs et chercheurs-créateurs, n’est pourtant pas sans risque5. D’une part, elle a tendance à survaloriser des objets numériques particulièrement originaux et aboutis au niveau technique, mais parfois assez pauvres d’un point de vue narratif ou même stylistique (la question de la “forme” étant alors essentiellement reportée sur le code). D’autre part et inversement, elle occulte tout un corpus probablement trop peu “spectaculaire” techniquement pour susciter l’intérêt d’une approche qui se fonde, en premier lieu, sur les caractéristiques médiatiques des objets étudiés. Ce corpus “oublié”, ou largement sous-évalué, rassemble une large part de la littérature qui s’écrit et se publie aujourd’hui sur le web.

Si, à la fin des années 1990, la littérature web faisait encore appel à des compétences informatiques assez pointues - dont l’acquisition n’était pas chose aisée, comme en a témoigné Philippe de Jonckeere, dans un fabuleux texte intitulé “Comment j’ai merdé dans la construction de ce site” (Jonckeere s. d.) - l’émergence progressive de solutions peu contraignantes techniquement (tels que les CMS, les réseaux sociaux et autres plateformes de publication, désormais majoritaires), a conduit à une démocratisation de la publication de contenus en ligne, en créant un corpus qui a tendance à échapper à nos catégories et qui questionne les premières typologies de la littérature numérique. Ainsi, ce que Serge Bouchardon, dans La Valeur heuristique de la littérature numérique, rangeait à la fin de son inventaire des formes littéraires numériques sous l’expression de “littérature blog”6 - juste après les grands classiques du genre : les générateurs de texte, les hypertextes, etc. - apparaît désormais comme une véritable “troisième vague” de la littérature numérique, pour reprendre l’expression proposée par Leonardo Flores (Leonardo Flores s. d.). Cette vague, aussi massive qu’hétérogène, donne à ce problème littératie/littérature un tour nouveau tant elle implique des pratiques d’écriture, de publication et de lecture encore radicalement différentes. La décontraction avec laquelle le critère de “facilité” technique est désormais assumé et même revendiqué par une partie des écrivains en ligne - soutenus en cela par certaines grandes plateformes éditoriales, comme par exemple Wattpad qui a adopté pour slogans “Don’t think, write!” ou encore “#JustWriteIt” - remettent en cause le rôle de la technique au sein de la définition même de la littérature numérique.

Comment qualifier en effet ces écrivains qui ont recours à des solutions informatiques requérant si peu - voire aucune - connaissance technique ? Des écrivains pour certains complètement “analphabètes” d’un point informatique, mais pour qui, de toute manière, le coeur même du travail littéraire se situe moins dans le code que le texte affiché, dans le flux continu des conversations numériques et dans l’échange permanent sur les réseaux d’écrivains et de lecteur ? Comment ne pas se méfier, pourtant, devant les dispositifs de publication convoqués - Facebook, twitter, etc. - dont la fonction première n’est pas vraiment esthétique et dont l’éthique est parfois douteuse ? En même temps, si ce n’est pas dans le code, où ces écrivains vont-ils donc chercher leur autorité, et en quoi cela peut-il nous permettre d’élargir notre compréhension de la littérature numérique ? Poser la question de la “valeur” de la littérature numérique est complexe et n’appelle certainement pas de réponse univoque : c’est fort heureusement le propre de la littérature de toujours se dépasser les catégorisations, de leur échapper tout simplement. En revanche, on se doit d’interroger l’origine et la validité des critères techniques que nous avons mis en avant ces dernières années pour penser la valeur même de la littérature numérique. Distinguer, en d’autres termes, la technique des discours que l’on consacre à la technique. Cette réflexion critique est d’autant plus nécessaire qu’un déplacement semble s’être opéré avec cette troisième vague de la littérature numérique, en même temps que le débat sur les outils de production et de diffusion de la littérature numérique7 a fait émerger de nouvelles tensions. J’en prendrai pour preuve un événemment somme toute anecdotique, qui pourtant illustre une situation récurrente dans les événements institutionnels consacrés à la littérature numérique.

Du paratexte numérique au texte littéraire : la mort de la littérature “numérique”

En mars 2018, à l’occasion d’un colloque consacré aux rapport en littérature et design numérique8, un débat assez virulent fait jour entre plusieurs intervenant - au premier rang desquels on retrouve d’ailleurs Thierry Crouzet - au sujet des licences utilisées par les écrivains sur le web : encore une fois, une question de technique conçue comme une question de “principe”. La discussion se poursuivra en ligne, avec la publication sur le site de Thierry Crouzet d’un billet de blogue au titre encore une fois retentissant: “La littérature numérique est morte”(Crouzet 2018)9. Au-delà de la provocation (qui n’en est pas vraiment une comme on va le voir), l’écrivain s’adresse directement à nous, chercheurs, et nous donne une leçon plutôt sévère. J’en reproduis ici les meilleurs extraits :

Est-ce qu’au XIXe siècle il y avait des colloques sur l’auteur à l’ère de la plume d’oie taillée, ou des colloques sur l’auteur à l’ère de la plume Sergent-Major (1856) ou de la machine à écrire (1872) ? Personne n’a eu cette idée saugrenue.

Parler des auteurs à l’ère numérique, d’auteurs numériques ou de littérature numérique nous enferme, nous étouffe, nous arrache au champ de la littérature. Nous nous en excluons nous-mêmes, et pour cause nous ne nous mélangeons presque jamais à ceux qui ne sont pas de notre paroisse.

Cet auto-enfermement, dont je ne peux accuser les universitaires puisque nous en sommes nous-mêmes les premiers coupables, conduit les analystes à parler de notre posture d’auteurs, de nos techniques de publication, de promotion, parfois de travail, mais presque jamais de nos textes. On dirait que nous n’écrivons pas, on dirait que ceux qui parlent de notre travail ne nous lisent pas.

Vos collègues célèbrent nos autres contemporains, ceux bien au chaud dans la chaîne confortable du vieux livre, portée par son économie et ses dorures clinquantes, imitez-les, ne vous étonnez plus de nos tours de passe-passe technologiques, essayez de vous émerveiller des émotions que nous tentons de saisir pour éprouver sans cesse davantage et éviter que l’habitude n’affadisse nos existences. Et si vous nous trouvez indignes du titre d’écrivain, dites-le avec franchise. (Crouzet 2018)

Il peut sembler paradoxal de lire ce discours sur le blogue de l’auteur de La mécanique du texte, qui a su parfaitement revendiquer et démontrer l’importance de la technique sur le sens même de l’écriture. Mais le plus surprenant vient peut-être du passage suivant :

J’ai imprimé l’intégralité de mon blog il y a quelques mois pour me prouver à moi-même qu’il était une œuvre comme une autre, pour le ranger à côté de mes autres livres, le ranger à côté des livres des autres, pour l’inscrire matériellement dans l’histoire de la littérature.

J’anticipe un prochain colloque où un universitaire fera le parallèle entre cette version papier de mon blog et sa version en ligne… Je l’arrête tout de suite. Les mots sont les mêmes, l’intention identique, la forme s’altère, mais pas davantage que quand je fais évoluer le template de mon blog, ajoutant quelques lignes de code pour qu’il suive l’évolution technologique. Je ne dis pas que tout cela est sans signification, bien au contraire, mais la signification doit être cherchée dans le texte, pas dans le paratexte dont la critique universitaire se gargarise un peu trop à mon avis. (Crouzet 2018)

On peut, bien évidemment, ne pas adhérer à tout ce qu’écrit ici Thierry Crouzet - dans un contexte bien précis où, rappelons-le encore une fois, l’écrivain avait dû justifier l’usage de ses propres outils d’écriture. Mais cet élan de protestation a le mérite de souligner une question fondamentale : quand pourra-t-on enfin considérer la littérature numérique d’abord comme de la littérature, et non comme une pratique d’écriture numérique à vocation poétique, esthétique, conceptuelle ?

Tout se passe en effet comme si le paratexte numérique (dont il n’est pas question évidemment de nier l’importance) devenait le sujet des travaux consacrés à la littérature numérique, au dépend du texte lui-même. Ce détournement s’explique simplement : c’est dans ce paratexte que les chercheurs - suivant d’ailleurs en cela une tendance initiée par les écrivains eux-mêmes (quand il ne s’agissait pas des mêmes)10 - ont d’abord tenté de trouver la spécificité, et donc la légitimité de la littérature numérique. Mais ce faisant, le texte lui-même est parfois devenu un épiphénomène dans nos travaux. Ceci étant dit, la mort de la littérature numérique invoquée par Thierry Crouzet sonne donc comme un appel à une “normalisation”, à une sécularisation des pratiques littéraires numériques, dont l’originalité n’est plus seulement à chercher en premier lieu dans les techniques qu’elles convoquent. La conclusion de ce texte nous semblera dès lors bien moins polémique : “La littérature numérique est morte. Vive la littérature”.

Comment parler des oeuvres (électroniques) que l’on a pas lues ?

Nul besoin de procéder à une analyse systématique des pratiques des chercheurs en arts et littératures numériques pour relever un paradoxe important: la majeure partie des oeuvres dont nous parlons dans nos travaux théoriques et critiques n’est plus accessible, parfois partiellement, parfois entièrement. Aussi, Thierry Crouzet est loin d’avoir tort sur un point : nous ne lisons pas (ou plus) toujours les oeuvres dont nous parlons. Et pour cause, nos sources sont pour l’essentiel fragmentaires, composées d’abord de traces de littératures numériques : des captures d’écran, des morceaux de texte ou de code copiés-collés. Lorsque l’on a suffisamment appris de nos erreurs pour devenir particulièrement précautionneux en téléchargeant l’intégralité de nos sources, nous pouvons toujours en afficher une copie locale. La Wayback machine se révèle une bonne alliée, aussi, mais pour bien des oeuvres elle n’est pas complète, et ne permet pas toujours une navigation fluide, et donc une lecture aisée. Nous demandons à nos collègues et à nos étudiants de se contenter de ces extraits et de l’analyse que nous en livrons : impossible pour eux de s’approprier certaines oeuvres pour s’en forger une autre opinion. La littérature numérique est donc aussi, à cet égard, un récit que l’on produit. Je n’ai jamais vu de mes yeux (et donc encore moins lu) nombre d’oeuvres électroniques canoniques, mais on me les a racontées.

En vérité, parler de littérature numérique en revient très souvent à réaliser ce tour de force autrefois revendiqué par Pierre Bayard dans Comment parler des livres que l’on a pas lus ?, à savoir que “contrairement aux idées reçues, il est tout à fait possible d’avoir un échange passionnant à propos d’un livre que l’on n’a pas lu, y compris, et peut-être surtout, avec quelqu’un qui ne l’a pas lu non plus.” (Bayard 2007) La provocation de Bayard est le lot quotidien des chercheurs en littérature numérique. Et, d’ailleurs, nous avons prouvé que Bayard avait raison : notre “expérience approfondie de non-lecteur” (Bayard 2007, 13), comme il l’appelle, a eu le mérite de stimuler notre pensée théorique et critique, en nous faisant repenser les fondements même de la littérature. Mais cette “non-lecture” pose malgré tout un certain nombre de problèmes méthodologiques, surtout lorsque l’enjeu est de favoriser la reconnaissance d’une pratique littéraire foisonnante mais en mal de légitimité - l’enseignement encore très marginal de la littérature numérique, surtout dans les cursus en littérature, en témoigne. Cette non-lecture d’abord subie n’a d’ailleurs paradoxalement fait que renforcer l’influence du critère technique, sur lequel l’attention du chercheur tend à se focaliser en premier lieu, puisqu’il s’agit là de l’aspect le plus problématique à court terme de nos objets d’étude. On ne raconte pas l’histoire d’une oeuvre de littérature numérique, on raconte son dispositif. Dans ce récit de légitimation qu’est la littérature numérique, le personnage principal a longtemps été, et reste peut-être encore, la technique. Ce qui signifie que la technique est elle aussi, entre autres choses, le résultat d’une construction imaginaire qui vient influencer notre réception de la littérature numérique.

En 2011, Alexandra Saemmer a mené une enquête sur les critères qui ont conduit à la constitutions des répertoires d’oeuvres numériques réalisés par ELO et par le NT2. Son étude commence par souligner le principal défi de cet exercice d’anthologisation (et à plus forte raison du travail de conservation auquel il aspire) : le principe de stabilisation des textes - qui se trouve au fondement même de l’établissement du canon littéraire dans le système éditorial traditionnel - est rendu largement inopérant avec la littérature numérique qui, techniquement, repose notamment sur une labilité constante - on pourra aussi parler d’un phénomène d’éditorialisation11 dans le cas de la littérature web. Alexandra Saemmer montre bien comment, afin d’asseoir la légitimité de la littérature électronique, les chercheurs ont dû inventer de nouveaux critères. De son propre aveu, ces critères ne sont peut-être pas d’ailleurs si inédits, puisqu’il rappellent assez largement les intérêts des avant-gardes : outre un principe d’innovation technologique, sont ainsi valorisés les effets de “discordance avec la tradition”, d’“écart esthétique” ou de “déviation”. Tous ces termes (qui ne sont pas les siens, mais ceux des concepteurs des différents répertoires de littérature numérique) connotent une idée de rupture, et spécifiquement d’une rupture avec les valeurs issues du modèle éditorial traditionnel. C’est d’ailleurs probablement en raison de leur proximité avec une pensée d’avant-garde que ces critères s’attachent d’abord au dispositif technique, aux questions de matérialité et de support d’écriture ou de lecture. De fait, on comprend bien que l’idée de technique, et plus tard le principe de littératie numérique, sur lesquels s’est appuyée la légitimation de la littérature électronique n’est pas tout à fait neutre : elle s’inscrit dans une préoccupation conceptuelle qui précède le fait numérique, et repose sur une certaine idée de l’outil numérique.

En résumé, il me semble donc que l’importance accordée à la dimension technique des œuvres numériques répond probablement d’abord à un besoin de légitimation, et non à des critères de littérarité, même si nous avons parfois tendance à considérer ces deux aspects comme concomitants. Là où l’éditeur traditionnel assumait autrefois un rôle de garant, ce sont aujourd’hui les compétences numériques de l’écrivain que l’on a mis en avant pour assurer la qualité littéraire d’une œuvre - au risque de la sur-valoriser ou au contraire de la sous-estimer. Et si la question de la littérarité numérique n’a pas de réponse simple et univoque, on peut encore se poser la question suivante : cette conception de la technique retenue il y a quelques années pour penser la valeur même de la littérature numérique, est-elle encore valable ? Les mutations rapides et spectaculaires du fait numérique nous poussent à engager une réévaluation de cet imaginaire technologique et, dans son sillage, d’un grand nombre d’objets littéraires (blogues, “twittérature” (Bonnet 2017) et autres textes publiés sur des plateformes comme Wattpad) qui, bien que natifs numériques, ne correspondent pas exactement aux critères canoniques de la littérature électronique des grands répertoires et se trouvent encore trop souvent marginalisés.

Les fondements idéologiques de la littératie numérique

Ce débat sur la littérarité cache en fin de compte une autre question: que signifie être compétent numériquement ? Ou encore : que valorise-t-on exactement à travers ce critère technique tel qu’on le retient dans la définition traditionnelle de la littérature numérique ? Une chose est sûre : le principe de littératie numérique n’a pas su échapper lui-même à certaines idées préconçues qui ont du même coup influencé notre réception des oeuvres de littérature électronique.

En 2013, Étienne Candel et Gustavo Gomez-Mejia avaient d’ailleurs déjà relevé le problème, en suggérant qu’« au-delà de la compétence technique de l’auteur, la valeur littéraire relèverait en particulier des connotations attribuées au prestige d’une technologie ou d’une marque à laquelle il associe son nom. Dans ce cadre, l’œuvre littéraire apparaîtrait comme indissociable de la strate des discours tenus à son sujet comme production technique » (Candel et Gomez-Meija 2013, 70). Afin d’affirmer la littérarité de son travail d’écriture numérique, l’auteur aurait donc tout intérêt à s’associer explicitement à certaines marques plutôt qu’à d’autres. Car « ce n’est pas tant “lire“ qui compte que “lire sur iphone“, ni tant “écrire“ que “écrire sous Java“ » (Candel et Gomez-Meija 2013, 70). Ainsi, la technique n’est donc pas qu’une seule question de code et de programmation, elle comprend aussi une part discursive et culturelle majeure. Les codes, les logiciels, s’inscrivent dans un imaginaire qui a forgé un système de valeur. Tout ceci a tendance à nous rappeler le capital symbolique que certaines maisons d’édition ont exercent : publier chez Minuit reste quoiqu’on en dise un gage de légitimité majeur.

Maîtriser cette culture numérique, avec son système de valeurs qui repose sur des principes plus ou moins discutables, est aujourd’hui devenu essentiel, puisque cela participe à la construction sémiotique de plusieurs oeuvres de littérature numérique. L’enjeu n’est d’ailleurs pas seulement symbolique, il est aussi politique, à l’heure où les GAFAM semblent imposer un nouveau monopole éditorial, fondé sur des outils et des plateformes qui “mâchent” grandement le travail de conception informatique. Massivement investis par les écrivains, ces nouveaux dispositifs éditoriaux (CMS, réseaux sociaux) permettent l’émergence d’une génération qui est loin de partager la même littératie numérique que celle qui l’a précédée. Mais avons-nous pour autant affaire à une génération d’écrivains “analphabètes”, pour reprendre une question soulevée plus tôt ? La réalité est bien plus complexe.

D’abord, il existe tout un mouvement dans lequel les écrivains, loin d’adhérer naïvement à ces formes éditoriales, les questionnent, les prennent à parti, et surtout les détournent telles des contraintes créatives. C’est le cas par exemple de l’écriture “profilaire”12: investissant les plateformes conçues pour créer des “profils” d’usager, les écrivains ont largement joué des contraintes techniques, plastiques ou institutionnelles de ces objets très formatés. Là où les plateformes attendaient la création de profils “réels” (n’hésitant pas d’ailleurs à faire la guerre aux “faux” profils), les écrivains - mais aussi les amateurs - envahi les réseaux sociaux à des fins esthétiques - voir politiques. Il y ont créé des personnages, des fictions, y ont forgé de nouvelles figures autoriales, singulières ou collectives, qui ont parfois largement dépassé leurs attentes. À propos de son “avatar” Dita Kepler, Anne Savelli reconnait par exemple :

Quand j’ai créé mon avatar sur Second Life Dita Kepler, en 2009, je savais que je ne voulais pas en faire un personnage dans l’acception classique du terme. Je voulais simplement qu’elle reste le plus libre possible, non liée à la publication : je lisais mes textes en public, au Cent Quatre ou à la Bellevilloise, mais ne les postais pas sur Fenêtres, n’en faisais pas un ensemble à soumettre à un éditeur. Je ne pouvais pas prévoir que Pierre Ménard allait la faire parler sur Twitter – ce que j’avais pourtant implicitement mis en route en disant un jour en public que tout le monde pouvait s’emparer d’elle. A partir de là, Dita Kepler est restée « mon » personnage, mais elle a, sans le dire, été voir ailleurs, du côté d’autres auteurs. Sur Twitter, c’est parfois moi qui tient le compte, parfois non. Chez Christophe Grossi, on trouve un texte qui parle d’elle… Etc. (Queyraud 2016)

Dita Kepler intervient souvent quand je n’arrive plus à m’exprimer, quand quelque chose se met à se gripper. Elle se met à parler à ma place. (Marcandier 2017)

L’écriture profilaire relève en fait des tactical media (Lovink 2002) : c’est-à-dire une stratégie de type “cheval de Troie”, qui consiste à investir la plateforme pour mieux la torpiller, de l’intérieur. Cette stratégie révèle, je crois, un déplacement du sens même de nos “compétences numériques”. Celles-ci ne se fondent plus seulement sur un savoir technique, mais aussi sur une culture, qui suppose notamment la maîtrise des connotations associées au web. L’autorité de l’écrivain en ligne se joue donc désormais sur cette culture, cette compréhension d’enjeux historiques, politiques, identitaires, des nouvelles technologies.

La littératie numérique a donc évolué et l’enjeu n’est plus seulement de penser le texte natif numérique, mais aussi la culture propre à une génération d’écrivains et de lecteurs natifs de l’ère numérique. Pour cette génération, un effet de sécularisation s’est produit : le rapport à l’outil est complètement différent.

Écrire pour dé-coder

Les enjeux de la littératie numérique ont été abordés tout récemment par Serge Bouchardon et Victor Petit – le sujet de leur article ne concerne pas à strictement parler la question de la littérarité et de la littéature, mais le propos peut servir notre réflexion :

pour comprendre le fonctionnement du numérique, il faut comprendre l’articulation, non pas de deux, mais de trois niveaux : il y a ce qu’écrit la machine, il y a ce qu’écrit le programmeur de cette machine, il y a ce qu’écrit l’utilisateur de cette machine. Lire un document numérique quelconque, c’est lire ces trois niveaux, quoique seul le dernier soit visible. […] L’enjeu pédagogique est de faire émerger une littératie numérique, au-delà de l’alphabétisation classiquement prise en charge par les formations traditionnelles à l’utilisation des outils. Les élèves sont souvent des alphabétisés du numérique, mais ne sont pas toujours des lettrés du numérique. Par exemple, ils savent poser techniquement un lien hypertexte, mais ne maîtrisent pas forcément la sémantique et la rhétorique du lien hypertexte. (Petit et Bouchardon 2017)

Cette distinction entre analphabétisme et illetrisme numérique est probablement le véritable enjeu de notre culture numérique contemporain. Ainsi, pour Serge Bouchardon et Victor Petit, tout l’enjeu est désormais de “développer une littératie numérique sans avoir nécessairement recours à l’écriture du programme. Mais cela est impossible si l’on ne comprend pas l’articulation des trois niveaux de l’écriture numérique, et donc la manière dont l’écriture informatique conditionne l’écriture numérique.” (Petit et Bouchardon 2017)

Cette préoccupation est centrale dans le travail mené par de nombreux écrivains qui, aujourd’hui, questionnent les effets d’éditorialisation sur le web. On pensera par exemple à deux projets bien connus de Cécile Portier : Étant donnée (Portier 2012), ou encore Traques Traces (Portier 2010) (lequel a justement été réalisé avec des élèves du secondaire). Ces projets interrogent notre capacité à maîtriser nos propres écritures numériques, qui désormais passent par des outils, des plateformes et des interfaces qui ont tendance à effacer l’impression de la technique. Des applications que nous utilisons au quotidien - Google Street View, notre réseau social ou notre moteur de recherche favori - et se posent en « fenêtre sur le monde », alors même qu’elles ont un effet structurant ou plutôt déstructurant du réel. Principales tension du moment : l’exploitation des données, cette écriture latente dont le sens et la portée tendent à nous échapper, mais que d’autres utilisent pour nous profiler, nous calculer, et surtout nous influencer :

Si nous sommes les premiers producteurs des traces numériques qui nous concernent, nous en sommes très peu auteurs. Les données produites à notre insu sont quantitativement plus importantes que celles que nous pensons maîtriser, dans un discours, une rhétorique consciente et personnelle. De plus nous sommes des « auteurs » quasiment analphabètes : nous avons peu accès, nous ne savons que très peu lire les données qui nous définissent. Et pourtant, d’autres savent lire et exploiter ces données. (Portier 2010)

En investissant ces plateformes, et en créant notamment une série de personnages-profils comme dans Traque-Traces, Cécile Portier pratique une forme d’écriture littéraire des données. Le principe est simple : créer, via la fiction, de fausses données numériques venant s’ajouter à la masse des données « réelles ». Inventer, publier et relayer partout la fiction, véritable cheval de Troie pour tromper la machine et fausser le calcul, « écrire sur les sismographes sociaux qui nous écrivent ». Reprendre le contrôle en écrivant par-dessus nos données, pour y ajouter une strate fictionnelle, mais aussi poétique.

Cécile Portier cherche ainsi à lutter contre cet analphabétisme numérique ou en l’occurence algorithmique, en s’appuyant sur un renversement du processus que l’on pu penser en littérature numérique : ce n’est plus le code que l’on doit apprendre pour façonner une nouvelle forme d’écriture littéraire ; c’est l’écriture littéraire, fictionnelle et poétique qui permet de prendre conscience et, peut-être, d’influencer cette écriture latente de nos traces numériques. Un brin moins « spectaculaire » techniquement, cette littérature ne joue peut-être pas autant des potentialités du code que les œuvres de littérature électronique qui l’ont précédée. Mais elle vient témoigner d’autre chose : des enjeux sociétaux posés par la transition numérique, de la manière dont notre identité se forge désormais, de ce que veulent dire aujourd’hui les concepts d’amitié, d’amour, de temps et d’espace : ce sont-là, en fait, des préoccupations qui ont traversé l’histoire de la littérature. On ne poursuivra pas cependant davantage l’analyse : problème technique, DNS probablement non-renouvelé, Traques-Traces, comme tant d’autres oeuvres de la littérature numérique, n’est aujourd’hui plus accessible sur son site.

Conclusion : Effacer l’impression de la technique ?

En écho au post Thierry Crouzet cité plus tôt (“La littérature numérique est morte”), Arnaud Maïsetti résumait en ces termes son propre rapport à la technique :

Puisque nos écritures sont nativement numériques, doivent-elles n’être envisagées qu’à cette aune ? Étranges tensions. Pour ma part, je n’aurais fait du code que pour effacer l’impression de la technique : page blanche (en fait, pas tout à fait blanche : un peu grise ; la technique nous apprend que le blanc sur noir est difficilement lisible, qu’un dégradé imperceptible est nécessaire). Il en est du design (la mise en forme des objets pour l’usage ?) comme de la langue […], non pas pour se demander comment le fond témoigne de la forme (vieille question), mais dans quelle mesure le nouage pouvait conclure à la singularité des écritures et de notre époque. (Maïsetti 2018)

Langue et technique apparaissent ainsi comme des “sables mouvants”, pour reprendre la formule de Bataille,13 dont la maîtrise n’est jamais totalement assurée. Comme la langue, la technique est loin d’être figée, elle se transforme sous l’action de ses usagers, elle conduit à des partis-pris et fait l’objet de nombreuses désaccords.

À l’heure où un nouveau rapport à la technique se dessine pour toute une vague d’écrivains et de lecteurs (on préférera le terme “vague” à celui de “génération”, qui pourrait donner l’impression d’un conflit générationnel, ce qui n’est pas tout à fait le cas), ces désaccords promettent des débats cruciaux, notamment en ce qui concerne la légitimation de la littérature numérique - dont la définition même semble en jeu. Ces débats, comprenons-le bien, ne sont qu’un déclinaison des discussions sur le capital symbolique des maisons d’édition plus traditionnelles. Aussi est-il temps, pour les chercheurs, de prendre en compte davantage l’imaginaire de la technique et son système de valeur associé. Loin de se débarrasser de la question technique, il s’agit plutôt de la réintégrer dans une réflexion épistémologique. C’est ainsi que l’on pourra, espérons-le, en revenir aux textes qui forment la littérature numérique:

Curieux anachronisme, ces questions autour de « L’avenir du livre » quand on tâchait de parler du présent de l’écriture ; même pas de l’écriture : l’écriture, c’était seulement le prétexte : le présent du monde, c’était seul ce qu’on voulait nommer, et cela d’ailleurs est ce qui demeure encore, demeurera. (Maïsetti 2018)

Bibliographie

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  1. Par littérarité, on se réfère au concept d’abord introduit par Jackobson - même si les discussions sur la nature du fait littéraire, en particulier la poétique, remontent au moins à l’antiquité. Le concept de littérarité a fait l’objet de nombreux travaux tout au long du XXe siècle, parmis lesquels on citera notamment ceux de Marghescu (Marghescu 2012), de Julia Kristeva (Kristeva 1978) et d’Antoine Compagnon (Compagnon 1998, 2013).↩︎

  2. On ne se risquera pas à dater précisément la naissance de la littérature numérique, comme de son précédent davantage “électronique”, mais précisons que les premiers générateurs de textes datent des années 1950. La BPI, en collaboration avec Philippe Boots, a proposé une chronologie utile pour comprendre les origines et l’évolution de la littérature électronique : http://balises.bpi.fr/culture-numerique/lhistoire-de-la-litterature-numerique.↩︎

  3. Je précise à cette occasion que cet article est issu d’une réflexion menée lors du Congrès ELO 2018, au sein du panel “Quelle littérature numérique pour demain ?” organisé en collaboration avec Anaïs Guilet et Nicolas Sauret (voir en ligne : https://sites.grenadine.uqam.ca/sites/nt2/fr/elo2018/items/304). La réflexion que je présente ici leur doit beaucoup.↩︎

  4. La plupart projets de répertoire de littérature numérique et électronique se sont fédérés autour du projet CELL. On en trouvera une liste sur le site du projet : http://cellproject.net/↩︎

  5. Arnaud Maïsetti le souligne d’ailleurs très bien lui-même : >C’était l’autre biais, l’autre malentendu. Ces débats sur l’Histoire empesaient tout. Il fallait se justifier : rupture, nouveauté ? Dire que les inventions d’inconnu exigent des formes nouvelles ne suffisait bientôt plus. Il nous fallait avouer : révolution numérique ou pas ? Certains donnaient dans la surenchère formelle et technique, tentaient de se donner des brevets de technicité — le texte n’était plus là vaguement que pour donner le change, remplir l’écran (qui défilait et se reconfigurait automatiquement : au fond, ils assumaient le fait que le texte n’était pas là pour être lu, plutôt pour être regardé dans son effacement. (Maïsetti 2018)↩︎

  6. « En ligne également, de nombreux auteurs venant de la littérature imprimée, incarnée notamment par François Bon, [qui] font vivre ce que l’on pourrait appeler une littérature blog, à la frontière de la littérature numérique et de la littérature traditionnelle », (Bouchardon 2014, 90)↩︎

  7. La littérature numérique n’est pas la seule à accueillir ce débat, que l’on retrouve aussi dans le milieu de la recherche et de l’édition savante, ou dans d’autres formes d’expression artistique.↩︎

  8. “L’auteur•e à l’ère numérique”, colloque organisé par Marcello Vitali-Rosati et Stéphane Vial, Université de Nîmes, 27-30 mars 2018.↩︎

  9. C’est à la suite du même événement, et en réponse ou plutôt en écho à Thierry Crouzet, qu’Arnaud Maïsetti a publié le texte précédemment cité. On peut par ailleurs visionner une vidéo publiée sur le vlogue François Bon, lui aussi présent lors de ce colloque.↩︎

  10. Soulignons en effet combien la littérature numérique, ou plutôt la littérature électronique, a été massivement produite (et étudiée) par des chercheurs-créateurs. La communauté ELO, qui a joué un rôle essentiel dans l’institutionnalisation de la littérature électronique et numérique, illustre tout particulièrement ce phénomène - sinon ce biais.↩︎

  11. Voir Vitali-Rosati (2016) et Monjour, Vitali-Rosati, et Wormser (2016).↩︎

  12. Sur cette question, je me permet de renvoyer à deux articles déjà parus (Monjour 2017, 2015).↩︎

  13. Georges Bataille, L’expérience intérieure, Paris, Gallimard, 1954, page 26.↩︎