Palimpseste perpétuel
un mémoire de Livre et Médiations
Emmanuelle Lescouët
Département des littératures de langue française
2104-3272
Sens public

Parcours de lecture en environnement numérique : exploration plurielle d’un environnement anthologique

Ce mémoire a été rédigé sous STYLO, outil de rédaction sémantique qui sera présenté en deuxième partie. Sa mise en page est issue de l’outil Export de cette plateforme, par un export XML mis en forme sous InDesign. Les annotations y sont toujours actives pour poursuivre la discussion, et accéder aux liens, images, etc. dans de meilleures conditions.

Il est donc consultable en ligne : https://via.hypothes.is/https://stylo.ecrituresnumeriques.ca/api/v1/htmlArticle/5bfd6e96560a91001754d567?preview=true

Dans le développement qui suit, j’emploierai l’écriture inclusive et le pronom ielle pour désigner les êtres humains.

Introduction

Je suis une « grande lectrice » engloutissant une quarantaine d’ouvrages par mois. J’ai eu la chance de grandir dans une « maison pleine de livres » (comme le dirait Cornélia Funke), nourrie de Claude Ponti et Ungerer : mettant la patience de ma mère à rude épreuve, j’étais Blaise le poussin masqué… Je mettais mon « costume de loup pour faire une bêtise, puis une autre, et encore une autre » (Sendak 1973)… Si apprendre à lire était une évidence, j’ai peiné à mon tour.

J’ai grandi et me suis plongée dans Harry Potter, puis les littératures de l’imaginaire qui ont construit mon amour pour la lecture. J’ai construit ma vision du monde et mon engagement au contact des romans de science-fiction : une bonne dystopie post-apocalyptique forge très efficacement une conviction écologique ! Si je me suis ouverte au fil de mes études à la poésie et à des formes plus expérimentales de narration, notamment sur smartphone et supports web, je garde le même moteur : la curiosité de plonger dans de nouveaux univers. J’aime par-dessus tout qu’on me raconte une bonne histoire, finalement peu m’importe si elle est dans un in-folio sentant la poussière, mon portable, une série, que je la trouve dans une salle obscure, dans une librairie confidentielle ou que je la parcours une manette entre les mains.

J’ai effectué l’un de mes stages de DNAT auprès d’Étienne Mineur aux éditions Volumiques, j’ai ainsi pu travailler sur des technologies hybridant le livre imprimé et des propositions numériques. L’équipe travaille actuellement beaucoup sur des jeux de société mêlant jeu de plateau avec une forte dimension sociale (bluff, persuasion, etc.) et jeu vidéo (avec des inventaires, missions, cartes, etc. uniquement disponibles sur l’écran du joueur). Une part des travaux des artistes graphiques de la maison est centrée sur l’exposition : comment rendre ludique des espaces, y faire interagir création virtuelle et physique ? Ces travaux m’ont permis d’intégrer l’équipe de la Lune en Parachute, centre d’art contemporain à Épinal pour poursuivre le questionnement entamé aux côtés de Julie Stephen Chhen et Thomas Pons quant aux possibilités offertes par la détection visuelle dans l’habitation de l’espace muséal. Ces expériences m’ont permis d’approcher le code comme technique de production artistique. Ce qui m’a amené à découvrir des productions plus expérimentales, mettant à profit des technologies en perpétuelle évolution, que nous pouvons modeler quasi à l’infini.

J’ai poursuivi mon parcours en Livres et médiation où j’ai eu la chance d’effectuer un stage à l’Université du Québec à Montréal, au NT2, sous la direction de Bertrand Gervais, aux cotés de Sylvain Aubé, Benoit Bordeleau et Robin Varenas. J’ai pu y approcher les pratiques d’annuarisation et de référencement de la littérature hypertextuelle ainsi que sa possible mise en espace dans des lieux d’exposition. Ils m’ont appris les bases du travail sous Drupal (CMF auquel il sera fait référence dans le développement de ce mémoire), et des questionnements sur le référencement et la diffusion de revues culturelles et scientifiques. Ce qui m’a permis de travailler sur la plateforme Opuscules, et d’en devenir plus qu’une simple usagère.

J’ai simultanément effectué un stage à l’Université de Montréal, sous la direction de Marcello Vitali-Rosati, aux côtés de Catherine Brissonnette, Enrico Agostini Marchese, Margot Mellet, Servanne Monjour (entre autres). J’ai alors pu plonger dans le développement d’outils de rédaction (il sera ici question de Stylo) et dans les éditorialisations possibles, je prendrai ici l’exemple de l’Anthologie Palatine.

Je vais ici m’interroger sur la construction de notre parcours de lecture : si le mien est assez banal pour ma génération, si nous partageons des codes fictifs forts, je suis curieuse d’étudier comment chacun forge sa propre route à partir de là. L’enjeu contemporain me semble être de penser le texte comme une mise en relation, une interaction entre textes, commentaires et traditions, mais aussi avec d’autres objets culturels qui peuvent lui être liés. Les exemples choisis me placent à plusieurs reprises dans la peau d’une lectrice et d’une développeuse : cela permettra de comparer ces différents ressentis. Toutefois, le travail quotidien au cours de longs mois sur certains d’entre eux m’ont éloigné de mes premières expériences, je me baserai alors sur les notes prises en amont de mon départ pour Montréal pour retrouver ce regard.

De nouveaux ponts (pour nous) s’ouvrent sur les conseils que nous recevons en ligne : de nombreuses plateformes les rassemblent, et pléthores d’auteurs renvoient directement dans leurs textes à d’autres œuvres. Nous n’avons qu’à suivre les liens qu’ils offrent pour créer notre propre parcours de lecture, sur les traces de ces nouveaux prescripteur•ice•s. Dans la multitude produite, il est nécessaire de trouver des moyens de baliser (comme un GR) cet espace. Entrent alors en jeu des prescripteur•ice•s, des personnes se faisant médiateur•ice•s et présentateur•ice•s des œuvres disponibles, selon des critères particuliers. Ces dernier•e•s leurs sont propres, qu’ils reposent sur leurs goûts, leurs attentes, une problématique qu’ils poursuivent ou un besoin de documentation.

Ce rôle pouvant être assumé par des passionné•e•s et/ou par des universitaires ; nous questionnerons la place de ce•ux•lles-ci dans cette nouvelle économie du savoir. Nous passons ainsi à d’autres objets littéraires, plus ou moins surprenants, directement liés aux précédents ou non. L’infléchissement ne venant pas du lecteur•ice, ielle doit faire confiance. Le choix d’accepter le conseil, la proposition, est à prendre comme on suit (ou non) un panneau indicateur le long d’un chemin de randonnée. La multiplication des outils intertextuels ouvrent de nouvelles façons de construire les parcours de lecture de chacun•e.

Le lien électronique change radicalement l’expérience du texte en changeant ses relations spatiales et temporelles aux autres textes. (Landow 1990, 412)

Si ce n’est dans le concept même, puisque nous passons d’un texte à l’autre depuis que les textes sont plus seulement de deux ; ces outils accélèrent et intensifient le processus. Le changement se situe au niveau de la mécanique : nous n’avons plus à chercher la référence embusquée dans les connotations mais simplement à suivre les liens : à réagir et non à chercher (j’exagère).

Nous définissons le numérique, à la suite de Milad Doueihi (2013, 22) comme « un écosystème dynamique animé par une certaine normativité algorithmique et habité par des entités polyphoniques capables de produire des comportements contestataires ». Comme dans tous les aspects culturels de notre quotidien, l’interaction se fait à plusieurs voix s’entremêlant. Le virtuel vient se placer en interface, en facilitateur des échanges. Il nous apparait ici principalement comme un moyen d’effectuer les mises en relations mentionnées précédemment. Il permet de connecter instantanément (ou presque) les différents éléments : il est la matière dont est bâti le pont de l’intertextualité, et dont il sera question dans ce mémoire.

La curiosité est intrinsèque à la construction d’internet, d’abord pensé comme un espace de circulation libre des informations, alternatif aux universités et aux cercles sociaux clos de chacun•e. Il devait tendre vers une décentralisation du savoir permettant, par l’accessibilité au réseau, de ne plus être limité par la géographie (Cardon 2019, 41). Le slogan hippie « changer de société sans prendre le pouvoir » y avait toute sa place : en accédant au savoir, en se formant et s’informant, chacun devait pouvoir mieux influer sur la société. Si cet idéal a rapidement été abandonné, au moins par la majorité des utilisateur•ice•s se plaçant davantage en consommateur•ice•s des flux qu’en militant•e•s, nous verrons qu’il en reste des échos dans de nombreuses pratiques.

Les universités peuvent prendre un rôle tout particulier ; elles ont pour mandat de questionner leur ouverture et la mise à disposition de leurs productions sur les réseaux. Elles peuvent se faire diffuseurs de savoirs, s’ouvrant ainsi à tou•te•s. Les propositions qui seront présentées vont dans ce sens : en trouvant une force de proposition, elles peuvent retrouver un rôle de prescripteur, du moins de référenceur et de médiateur de la production de savoir en ligne. Les capacités de ceux qui y travaillent permettent une approche particulièrement riche de la littérature numérique.

Nous verrons ensuite comment il est possible de mettre en relation les diverses œuvres disponibles en ligne, notamment sous la forme d’anthologie, et ce qu’apporte cette pratique. Nous essaierons de comprendre comment chacun•e forge son parcours de lecture, se fraye un chemin à travers les possibilités de la littérature numérique. Pour cela nous devrons nous questionner sur l’accessibilité de ces œuvres : pour pouvoir lire quelque chose il faut l’avoir sous les yeux. Or, par son infinité, le web nous offre des possibilités en perpétuelle expansion, qui se chevauchent, se recouvrent voire s’annulent les unes les autres.

Nous allons parler dans le développement qui suit de plusieurs laboratoires et chaires de recherche. Notamment le laboratoire NT2 (nouvelles textualités et nouvelles technologies), dépendant de la Chaire de Recherche Art et Littérature Numérique (ALN) à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Ce laboratoire est lié à la Chaire de Recherche Figura, centre de recherche sur le texte et l’imaginaire, basée à Montréal. Elle étudie l’esthétique, la recherche-création et l’interprétation des productions culturelles. Ce qui implique non pas uniquement d’étudier le rapport entre les signes et le monde, mais d’agir sur lui dans une approche dynamique ; de concevoir ce rapport comme une interface. La chaire a plusieurs antennes dans les universités Québécoises. Ses principaux objectifs sont :
  • Étudier les pratiques artistiques et littéraires déployées en contexte numérique ;
  • Témoigner des manifestations d’une culture de l’écran et de son impact sur l’imaginaire contemporain ;
  • Développer des outils, des méthodologies et des stratégies de recherche en arts et lettres, reposant sur les technologies contemporaines.

Nous nous concentrerons dans ce mémoire sur des formes courtes, parfois fragmentaires, de la littérature. La position d’anthologiste sera ici prépondérante : nous verrons comment, en compilant, ordonnant et présentant des fragments, nous pouvons faire sens et en donner l’accès à un plus grand nombre de lecteur•ice•s. Nous nous concentrerons sur des œuvres narratives, cependant le fonctionnement décrit fonctionne de manière similaire pour des fragments poétiques, ou toute autre forme non narrative. Dans ce cadre nous parlerons de deux de leurs projets. L’application Opuscules1 réalisée avec Littérature Québécoise Mobile ; et le projets SARCQ (dans le cadre du CO-SHS) visant à offrir des supports web fiables, représentatifs, fidèles et simples d’utilisation aux revues culturelles et scientifiques québécoises et canadiennes.

Littérature Québécoise Mobile (LQM) est un développement de partenariats entre plusieurs universités. Il vise à accroitre notre compréhension des formes actuelles de mobilité de la littérature québécoise et à assurer sa visibilité sur de nouvelles plateformes ainsi que la création de communautés littéraires entre le monde universitaire, les acteurs de la chaîne du livre et les lecteur•ices. Le projet a débuté en 2016 et se poursuit encore aujourd’hui. Il est coordonné par Benoît Bordeleau.

Il sera également question du travail de la Chaire de Recherche Canadienne en Écritures Numériques (CRCEN) qui questionne la place du web comme instance d’éditorialisation. Elle développe sa réflexion sur de nombreux média, les confrontant à ce que Marcello Vitali-Rosati nomme “conjoncture médiatrice”. La lecture non-linéaire, hybride, augmentée et/ou hypertextuelle, ainsi que les systèmes d’annotations, sont au cœur de ces réflexions ; nous encourageant à revoir notre modèle de diffusion des connaissances. L’équipe produit ainsi de nombreuses propositions d’applications concrète de leurs recherches. Il sera ici question de l’AP Pop, une version contemporaine de l’Anthologie Palatine.

Lire en numérique : exploration des flux et liens

On lit énormément de choses, quelles que soient leurs formes et leurs supports, par obligation (contrats, étiquettes, panneaux d’informations…) et/ou par plaisir. Je vais me concentrer sur une pratique de lecture non forcée, effectuée par un•e lecteur•ice à l’aise avec cette opération ; qui trouve du plaisir dans son rapport aux textes.

Marielle Macé parle d’un « phénomène d’attraction » (Macé 2011). Nous envisagerons une lecture effectuée volontairement, pour le plaisir, et non dans une approche analytique. Nous considérerons un•e lecteur•ice virtuel•le, présupposé•e par l’auteur•ice, proche du Lecteur Modèle défini par Eco : un•e lecteur•ice idéal•e et productif•ve qui actualise le texte (ou l’entité textuelle). Ici il s’agira d’un·e lecteur·ice qui suit les liens proposés, qui maitrise suffisamment les codes de la culture numérique pour percevoir ce qu’on attend d’ielle, et qui s’y abandonne. Ielle maîtrise le « gameplay », l’ensemble de règles d’usages lui permettant d’appréhender l’œuvre.

Nous le comparerons pour chaque œuvre avec l’expérience de lecture que nous en avons. Nous tenterons de prendre en considération l’habitude de lecture forte qui rend certains codes évidents, et facilite la manipulation des outils numériques, notamment par une connaissance même partielle de leur fonctionnement. Ces partages d’expérience essaieront quand cela est possible d’évoquer les processus créatifs permettant l’existence de ces œuvres.

Le texte est pour Barthes un objet nouveau au croisement des disciplines, entre dissolution et mutations d’anciennes pratiques. « De même, en littérature, [nous devons] relativiser les rapports du scripteur, du lecteur et de l’observateur (du critique). En face de l’œuvre – notion traditionnelle, conçue pendant longtemps, et aujourd’hui encore, d’une façon, si l’on puit dire, newtonienne –, il se produit l’exigence d’un objet nouveau, obtenu comme glissement ou renversement des catégories antérieures. Cet objet est le Texte. » (Barthes 1984, 70) C’est un nouvel objet littéraire non excluant : « le texte se démontre » (Barthes 1984, 72). L’œuvre ne se réalise que dans la lecture, devenant l’interprétation du texte, en accord ou non avec celle traditionnellement admise (Archibald 2009, 38). À cette définition nous ferons répondre celle de Charles dans Introduction à l’étude des textes (1995) :

« Mon intervention sur le texte, qu’elle soit simple lecture ou travail d’analyse, non seulement le fait varier, mais le fait exister. Pour rester dans l’espace d’une critique élaborée (qui est celui où l’idée prend toute sa force), on dira, selon une définition parfaitement traditionnelle : le texte, c’est ce que l’on commente ; il n’y a pas de texte, mais toujours une interaction du texte et du commentaire » (p.47)

Ce que Barthes appelle le « tissu » (Barthes 1984, 73), désignant davantage un texte-processus, en cours d’actualisation, d’interprétation par le•a lecteur•ice, qu’un texte-résultat : plutôt signifiant que signifié. Il est alors surprenant que Barthes, contrairement à d’autres théoriciens du texte comme Eco, ne parle pas de musicalité ou d’apports visuels. Nous prolongerons alors sa définition du texte comme « un espace où aucun langage n’a barre sur un autre » (Barthes 1984, 77), vers ces média. « Un second aspect, capital, de cette ouverture du texte sur d’autres textes, c’est l’idée que le texte examiné n’est lui-même qu’un ensemble d’énoncés, que le rapport entre ses parties est, du point de vue de la lecture, ni plus ni moins pertinent, a priori, que le rapport de telle ou telle de ses propres parties à telle ou telle partie d’un autre texte » (Charles 1995, 49). Ce que Kristeva appelle dans Sèméiôtikè « une mosaïque de citations » (1969, 85).

En droit civil, une œuvre doit répondre à deux critères : être originale (on doit y voir l’empreinte de la personnalité de son•a auteur•ice et la marque de son effort intellectuel) et avoir une mise en forme particulière (ne sont considérées que les œuvres exprimées dans une structure singulière, susceptible d’être trouvée rapidement).

Sarzana (2011, 67‑69) définit le livre en tant qu’œuvre selon plusieurs critères :

Cette définition s’applique aussi bien à un livre imprimé que numérique, homothétique ou non. Nous accepterons comme œuvre un ensemble d’entités textuelles sélectionnées, organisées, compilées en une hyperstructure cohérente. Elle répond à un contrat de lecture, ensemble de conventions permettant la réception, valable pour toutes ses entités. Ce dernier comprend en lecture numérique le procédé de navigation choisi, l’ensemble des gestes permettant de naviguer dans l’œuvre et les signes qui les indiquent.

Nous considérerons la lecture plaisir, évoquée précédemment, comme une activité ludique, une sorte de jeu prolongeant la pratique enfantine de découverte des textes. Huizinga définit le jeu comme :

« Une action libre, sentie comme « fictive » et située en dehors de la vie courante, capable néanmoins d’absorber totalement le joueur ; une action dénuée de tout intérêt matériel et de toute utilité ; qui s’accomplit dans un temps et dans un espace expressément circonscrits, se déroule avec ordre selon des règles données et suscite dans la vie des relations de groupe s’entourant volontiers de mystère. » (Huizinga 1938, 35)

La lecture assimilée au jeu est active : abandonnée car tendue vers l’univers offert par l’auteur•ice, mais active dans notre projection en elle, dans une dynamique d’appropriation. Comme le jeu, la lecture est une activité symbolique aménageant la réalité2. Cet abandon est présent également dans le choix de suivre les liens proposés par l’auteur•ice : nous nous abandonnons à lui•elle, lui faisons confiance, pour nous emmener à sa suite sur le web.

Barthes situait également le littéraire dans le domaine du jeu. L’opposition du lisible (regroupant l’Idéologie, la consommation, la passivité, la monosémie relative) et du scriptible (l’art , la production, l’activité, la polysémie véritable) inscrit la littérature dans une forme de jeu sérieux (Barthes 1970). Il oppose les textes « modérément pluriels » (donc modérément polysémiques) à ceux « absolument pluriels » qui procurent le plaisir du texte. Ces derniers incarneraient la jouissance de l’âme toujours future dans sa réalisation, sidérée par l’Écriture, qui est intrinsèquement liée à la lecture. Le plaisir de lire, comme le plaisir du jeu, serait donc dans la projection, dans la multiplicité des sens possibles.

La lecture est le moyen pour une personne de décoder, de prendre connaissance de la pensée d’un autre individu. Elle réalise une liaison entre les deux. À la suite de Michel Picard dans La lecture comme jeu (1986, 8), nous considérerons cinq acceptions du mot « lecture » :

Nous nous concentrerons sur la troisième, bien que nous évoquerons les autres au besoin. Nous admettons aisément la multiplicité des activités lectrices et donc la difficile généralisation à l’ensemble des lecteurs•ices de leur rapport avec le texte. Il est alors proche du rêve : plus qu’un transcodage ou une traduction mais une mise en correspondance pourtant avec notre expérience propre. « La lecture serait au rêve ce que le jeu est au travail. » (Michel Picard 1986, 99)

Un environnement de lecture plurielle

Il existe une infinité de modes de lectures, du « dévorage boulimique » à la lecture scientifique (Manguel 2000). Ce plaisir repose sur un rapport à l’espace-temps particulier, comme l’explique Michèle Petit :

« La lecture ouvre sur un autre univers, où l’on se sent suffisamment paisible, protégé, pour avoir l’esprit ailleurs. Elle introduit également à une autre façon d’habiter le temps pour soi repris au temps social, à l’écart de l’agitation du quotidien, où la rêverie a libre cours et permet d’imaginer d’autres possibles » (Petit 2016).

Ce rapport au temps est particulier en lecture numérique : le·a lecteur·ice ayant accès à tout moment aux textes, et fragmentant son expérience de lecture. Ielle se saisissant de son support de lecture quand ielle le veut, l’ayant souvent sur ielle en permanence (par exemple lorsqu’il s’agit d’un smartphone). Chaque lecteur•ice trouvera un sens qui lui est propre, une intimité particulière avec ce qu’ielle lit. Nous tenterons de dégager des perceptions communes, partageables, de ces expériences particulières. Chacun·e inscrit le texte dans son système individuel de références, dans sa propre intertextualité, ses répertoires, ses critères et ses valeurs, liées à son histoire personnelle. Ielle se bâtit son propre usage de la production textuelle qu’ielle parcourt. Cette actualisation personnelle est encouragée par la possibilité de connecter, de lier matériellement (en l’inscrivant dans le code, en périphérie, au cœur même de l’œuvre).

Aucune révolution n’est à proprement visible ici, le numérique offrant principalement des moyens et supports permettant de prolonger et d’ouvrir des pratiques déjà à l’œuvre.
Nous nous concentrerons sur le•a lecteur•ice devant le numérique, au décalage du point d’équilibre entre les différents acteurs de la chaîne du livre, principalement entre auteur•ice et lecteur•ice qu’ielle met en relation plus ou moins directe.
« Le numérique dévoile une grande arène de médiation où se multiplient les interfaces et les formats inédits, un métasupport d’hybridation où les formats textuels, graphiques, sonores et visuels s’allient en des configurations complexes et variables. » (Archibald 2009, 18)

Ces configurations, potentiellement en évolution permanente, offre des possibilités de retours sur les œuvres multipliées. De nouvelles mises en relation, peuvent apporter de nouveaux éclairages, l’ajout de liens vers d’autres œuvres peut ouvrir des perspectives différentes et des suites de lecture autres à la relecture. La lecture plurielle est une lecture comprenant des retours sur le texte, après une première approche naïve, se concentrant sur l’articulation des anecdotes, des « faits racontés ». Elle intègre une polysémie : entre ce qui est écrit, ce qui est symbolisé et ce qui est perçu par le•a lecteur•ice, se concentre sur l’effeuillement de ces signifiances (Barthes 2014).

Elle est favorisée par le web : l’œuvre est prise dans un maillage culturel dense, offrant une infinité de signifiants à tout instant. Elle s’ancre dans des réseaux de sens : ce que Roland Barthes nomme « lecture disséminante » (Barthes 1970). Nous ne cherchons pas alors à dégager les œuvres de leur extérieur, mais au contraire à les y inscrire. En suivant les liens nous disséminons notre lecture, nous connectons sans cesse des entités textuelles les unes aux autres, qu’elles se fassent suite dans une lecture linéaire, inscrite dans la chronologie d’une narration3, ou non. Le•a lecteur•ice perçoit l’œuvre entourée de liens, de références, d’annotations, de signes, qu’ielle comprend comme renvoyant à d’autres lieux. S’ielle parvient à mettre de côté les stimulations n’ayant pas de lien avec sa lecture (notifications de messages, alertes de réseaux sociaux, informations liées à l’interface de son support de lecture comme l’heure, les alarmes, l’état du réseau ou de la batterie…), ielle reste dans un acte de lecture. Ce dernier est cependant ouvert à des rebonds, signalés (codés) par l’œuvre elle-même comme autant de fenêtres vers des œuvres de traverses. Ces dernières, à la façon de chemins adjacents, enrichissent la perception de l’œuvre de départ par des points de vue différents (en opposition ou non), des surprises, des détours. Elles peuvent détourner définitivement de l’itinéraire choisi (la poursuite d’une lecture linéaire).

En tant que lecteur·ice nous construisons un parcours, d’une entité textuelle à l’autre au sein d’ensembles construits et d’une œuvre à l’autre, créant ainsi l’ensemble unique de nos lectures. Nous passons d’un livre à l’autre ou d’un site à l’autre ; d’un mode de lecture à l’autre (d’un article de presse à un chapitre de roman ; de posts sur les réseaux sociaux à des blogs, à des livres numérisés ou des articles de presse…). Une part du plaisir vient de cette immersion, de ces sauts permanents. Nous explorons un univers de mots apparemment infini. Le web offre une multitude de possibilités de lectures disponibles en permanence. Le•a lecteur•ice se fait museur•se :

« Le museur déambule le museau en l’air, comme le flâneur de Baudelaire, décrit par Benjamin, sauf que la ville de mon flâneur est un dédale de pensées, une agglomération d’idées et de voies de l’esprit. C’est cependant la même ivresse » (Gervais 2007, 1:47),

piochant dans les univers fictifs qui l’entourent pour se bâtir son propre parcours ! Nous allons nous intéresser à ces rebonds. Nous opposerons ce mode de lecture par exploration, et lecture fragmentaire à un mode de lecture linéaire, cherchant à percevoir l’intégralité d’une œuvre avant de passer à la suivante. Ces deux modes peuvent se compléter dans le parcours global du lecteur·ice. Nous nous attarderons ici tout d’abord sur son cheminement à l’intérieur d’une œuvre comme ensemble, puis sur ses allers-retours d’elles à d’autres œuvres dans une dynamique de navigation. Ce que Hans Robert Jauss exprime ainsi :

« La littérature en tant que continuité événementielle cohérente ne se constitue qu’au moment où elle devient l’objet de l’expérience littéraire des contemporains et de la postérité – lecteurs, critiques et auteurs, selon l’horizon d’attente qui leur est propre. » (1978, pp.48‑49)

L’hypertexte comme page suivante : approche tabulaire

Nous pourrions définir l’hypertexte comme « un texte ayant besoin de l’action humaine pour être parcouru, sélection du prochain fragment par clique, touch… » (définition développée par Archibald 2009). Le·a lecteur·ice doit fournir un effort sémantique, une interprétation. L’hyperlien est un signe technique. Nous ne pouvons cependant nous arrêter à cette constatation : un•e simple opérateur•ice n’en ferait qu’un fait technique, pour que cela fasse texte, il faut un·e lecteur·ice conscient·e. Nous pouvons prendre l’exemple des liens bleus de wikipedia.org (devenant violets lorsqu’ils ont été activés une première fois), le·a lecteur·ice sait qu’en cliquant dessus, ielle trouvera une page semblable, développant la notion en bleu : le code technique se charge de sens. Ces liens sont dits « forts ».

La rencontre de ces objets textuels et des objets matériels (visuels) crée l’expérience lecturale. Le·a lecteur·ice devient « médiateur du signe et de la technique » (Hottois 1984, 180), l’opération n’étant jamais une simple équivalence.

L’hypertexte nous apparaît comme fondamentalement tabulaire, puisqu’il forme des hyperstructures rassemblant des éléments distincts en ensembles interconnectés.

Dans le régime de textualité tabulaire, l’appropriation du texte n’est plus balisée par les notions de début, de milieu, de fin, mais par l’organisation spatiale du matériau signifiant. On peut considérer comme tabulaires les textes composés de modules plus petits, qui peuvent être sémiotiquement hétérogènes mais à dominante linguistique, et dont la combinaison forme un texte, c’est-à-dire un tout qui représente plus que la simple somme des parties qui le composent. (Florea 2009)

L’organisation spatiale pensée par l’auteur·ice n’est pas visible comme une carte unique pour le·a lecteur·ice, qui la perçoit cependant, créant sa propre orientation, ses propres routes sur elle. Chaque élément a une localisation physique, sur des serveurs, visibles par les hyperliens qui permettent d’y accéder.

L’hypertexte permet de se libérer de l’impératif de classement des informations. L’auteur·ice (celui ou celle qui établit les liens du moins) peut renoncer à les ordonner, et préférer laisser le·a lecteur·ice naviguer à sa guise entre eux, libre alors de re-tisser leurs correspondances. Un·e documentaliste omniscient·e n’est plus nécessaire : l’auto-organisation peut être une manière de musement entre les textes. Le·a visiteur·e est libre de suivre ces liens, quitte à délaisser l’œuvre originale (Cardon 2019, 78).
L’hypertexte est en cela héritier de l’esprit libertaire des premiers temps d’internet : chacun•e va où ielle veut au rythme qu’ielle choisit (à condition d’avoir un bon VPN et une connexion suffisamment puissante).

Les hyperliens se classent en trois catégories principales, notamment développées par Jean Clément (2015) :
  • Les liens manuels ou calculés : respectivement mis en place manuellement ou automatiquement ;
  • Les liens commandes : qui exécutent un programme ;
  • Les liens référentiels ou d’annotations : renvoyant vers des commentaires, autres œuvres, s’approchant d’une référence ou d’une note de bas de page. Ce sont eux qui vont particulièrement nous intéresser par la suite.

Lorsque ces liens mettent en relation des entités textuelles, nous nourrissons notre approche de l’intertextualité : une relation de coprésence entre deux ou plusieurs textes. C’est-à-dire de la présence de l’un dans l’autre, au moins par une résonance, selon une relation de citation, plagiat ou allusion (Kristeva 1969). Ce dernier mode de connexion sera développé dans les exemples étudiés dans la suite de ce mémoire.

L’intertextualité a permis une approche fructueuse de ces phénomènes littéraires.

“L’intertextualité est la perception par le lecteur de rapport entre une œuvre et d’autres, qui l’ont précédées ou suivie” (Feuillebois, s. d.).

Le·a lecteur·ice perçoit des rapports entre des œuvres qui ont précédé et suivi la production de celle qu’ielle consulte, non selon un ordre chronologique de publication mais au sein de son univers culturel personnel (Riffaterre 1980). Ce mécanisme est propre à la lecture littéraire, produisant une signifiance évocatrice.

Cette intertextualité se nourrit de contagion, d’imitation, de désir d’exploiter ou de détourner (Genette 1982, 287). L’hypertextualité fictive est décrite par Gérard Genette, comme « tout texte dérivé d’un texte antérieur par transformation simple ou indirecte nous dirons imitation » (1982 pp. 16-17).

Nous différencions de l’hypertextualité décrite dans ce mémoire comme matérielle puisque reposant sur la matérialité des liens, le concret des connexions qu’ils mettent en place. Elle est visible, et non uniquement allusive. Elle peut être perçue comme un signe éditorial, au même niveau que le titre, sous-titre, notes de bas de page ou de fin de volume. Les liens appartiennent donc explicitement au paratexte.

L’hypertexte a souvent valeur de commentaire, pouvant être critique. Genette prend l’exemple de Pierre Ménard et de son Quichotte décrit par Jorge Luis Borges dans Fictions, il commente à l’extrême en recopiant systématiquement le texte de Cervantes. Ces textes s’unissant en une « métaphore des relations, complexes et ambiguës, de l’écriture et de la lecture […] l’âme même de l’activité hypertextuelle » (Genette 1982, 362). Pour être auteur·ice hypertextuel•le il faut d’abord être lecteur·ice : il faut s’être nourri d’un grand nombre (ce qui est relatif et propre à chacun•e) pour donner corps à ces liens. L’hypertexte est un mouvement de translation proximisante : qu’il change le lieu ou l’époque de son œuvre d’origine pour en permettre une actualisation nouvelle ou le révèle sous l’éclairage d’une ou plusieurs autres œuvres, il permet au lecteur·ice de s’en approcher différemment, de le faire sien•ne dans une autre perspective de son paysage culturel. Cette seconde approche pourrait être comparée au collage, chaque entité acquérant de nouvelles façons d’être perçue en fonction de ce qui l’entoure, d’où elle est collée. Les emprunts sont multiples et peuvent piocher dans des imaginaires très distants, tant que leur juxtaposition est créatrice de sens.

Iser4 considère que « la littérature a lieu aux limites des systèmes de sens qui dominent son époque » elle devient ainsi une suite de réponses : de connaissances, et d’échos de ces connaissances dans tous les domaines.

Nous espérons à la suite de Genette que ces dynamiques aboutissent à une transvalorisation des œuvres mises en jeu. L’hypertexte appelle l’hypertexte. Lorsqu’une œuvre commence à être mise en écho, d’autres liens apparaissent, ce qui est particulièrement valable en ligne : quand le premier lien est mis en place, il reste rarement le seul de l’œuvre (ce « premier lien » inaugure souvent une fonctionnalité technique initiant la possibilité d’ajouter des hyperliens, comme cela peut être le cas lors de l’ajout d’outils d’annotations sur un blog, ou de l’ouverture d’une section de commentaires). Chaque ajout hypertextuel est un supplément, enrichissant l’ensemble littéraire disponible (Genette 1982, 526).

La chasse à ces coprésences est intrinsèquement ludique. Le plaisir de l’exploration, de la découverte et de la construction de sens est un jeu en soi. Le·a lecteur·ice se place dans le rôle de l’amateur·ice, du connaisseur•se, actant la validité des liens qu’ielle établit. Cette figure du « fan » érudit•e sera développée plus bas lorsqu’il sera question des liens faibles.

Les œuvres hypertextuelles matérielles (que nous appellerons simplement hypertextuelles dans la suite) ont profondément modifié notre approche de la lecture, tendant désormais à une tabularité5, une « hybridation généralisée » (Doueihi 2011, 13) (ce qui pose également des questions d’interopérabilité et de conservation, nous y reviendrons). Ces modifications des habitudes de lecture s’accompagnent d’une curiosité, d’un attrait pour de nouveaux territoires : le vocabulaire employé se base sur la navigation et l’exploration. Il induit ces nouveaux espaces ouverts au lecteur•ice, et sous-entend un enthousiasme.

La discontinuité existe à l’intérieur du texte mais également lors de nos passages de l’un à l’autre. Elle existe d’ailleurs dans toutes nos pratiques : nous sommes obligés de gérer en même temps un grand nombre d’informations et de passer en permanence d’un médium à l’autre, que ce soit pour des activités culturelles ou non. Les œuvres chevauchent notre réalité quotidienne, devenant omniprésentes et tout-terrains. Cela brise l’image du rituel de lecture (visualisons un corps lové dans un fauteuil profond, une pipe à la main). Cependant nous conservons le mouvement saccadé des yeux, la « valse lente » (Michel Picard 1986, 46) des lignes et de l’enchaînement des entités textuelles. Le corps reste présent, il ajoute de nombreux gestes aux manipulations permises par un livre imprimé : tape, clique, touch, swipe, agrandissement, glissement, inclinaison, adaptation à l’écran…

« Tous nos objets nous appareillent au monde et participent phénoménologiquement, à des degrés divers, au processus ontophanique du réel » comme l’exprime Stéphane Vial (2013). Cette habitude prise dans nos conversations quotidiennes qui peuvent commencer sur une plateforme de chat, se poursuivre de vive voix, continuer par mail ou texto, se prolonger lors d’un appel vocal, etc. est (encore) inhabituelle dans notre rapport à la littérature. Nous avons l’habitude de lire du début à la fin (de manière linéaire) des récits ou des ensembles de textes. Cette habitude valable pour des livres papier se poursuit dans la plupart des eBooks (ePub) diffusés. Ils ne sont en fait que des transcriptions en numérique de l’ouvrage imprimé : même si une table des matières comportant des hyperliens peut être ajoutée, elle reste peu usitée si ce n’est pour retrouver plus rapidement le passage où on s’était arrêté lors de la précédente lecture. Ce sont ces pratiques que la littérature hypertextuelle questionne.

Jean Clément parle de « délinéarisation du discours narratif auctorial [des hypertextes] et de relinéarisation par un lecteur particulier » (Clément, s. d.), puisque l’œuvre ne présente plus en elle-même un ordre défini, fixé, par l’auteur•ice, c’est une part de la coopération qu’il demande à son•a lecteur•ice que de se bâtir un ordre de lecture. Ce•tte dernier•e est certes guidé•e, mais ses choix n’appartiennent qu’à lui•elle ; d’un•e lecteur•ice à l’autre ielle peut alors y avoir une grande variation dans la perception chronologique de l’œuvre.

La progression dans l’œuvre n’est plus matérielle, ne se quantifie plus à la masse de papier retourné, mais s’effectue toujours par une danse des mains du lecteur·ice autour et sur le support de lecture. Cette implication du corps lisant est importante pour l’appropriation de l’œuvre, le corps vivant se fait alors médiateur de l’expérience.

Ouverture des œuvres : les liens faibles

« L’hypertexte s’inscrit dans la lignée des textes fragmentaires. En renonçant à la linéarisation des discours, il fait du fragment l’unité minimal d’écriture. […] Cependant l’hypertexte ne peut être assimilé à une simple collection de fragments indépendants les uns des autres, qui pourraient être lus dans un ordre aléatoire. L’hypertexte se présente comme un dispositif semi-construit » (Clément 2015). Certaines œuvres, par les liens qui les constituent, reforme un propos linéaire, une narration pouvant être chronologique. Le lien se fait porte, permettant le passage d’un morceau d’espace textuel à l’autre. Nous utilisons ici l’intertextualité définie par Genette, évoquée précédemment.

En sociologie on considère deux types principaux de liens sociaux au sein d’un groupe humain : les liens forts et les liens faibles. La force des liens est définie en fonction de la quantité de temps partagé, de l’intensité émotionnelle et de l’intimité entre les individus. Ces critères sont indépendants mais fortement corrélés. Les liens forts sont ceux que la personne entretient avec sa famille proche, ses ami•e•s et certain•e•s collègues de travail. Des personnes qu’ielle voit plusieurs fois par semaine. Les liens faibles sont ceux qu’ielle a avec les autres membres de la communauté, qu’ielle voit plus rarement, avec qui ielle partage moins de choses. Un•e collègue d’un autre bureau, un•e ami•e d’ami•e, etc.

Comme l’explique Mark Granovetter (1973), ce sont par ces liens faibles que circulent les informations, les relations fortes menant à partager les mêmes sources et donc à être informés des mêmes choses. L’exemple développé dans La force des liens faibles est celui de l’emploi : c’est par les relations légèrement distantes que l’individu trouvera le plus sûrement un nouvel emploi. Ses proches auront plus de difficultés à lui soumettre des opportunités, ils partagent les mêmes cercles et se connaissent suffisamment pour que l’information soit déjà passée. Au contraire de quelqu’un vu moins souvent qui aura plus de chance d’avoir, par d’autres cercles, connaissance d’une possibilité.

Ici les liens faibles sont des mises en relation, des médiateur•ice•s permettant la circulation des informations entre différents groupes sociaux. Nous nous proposons d’appliquer ces termes de « force » aux liens hypertextuels. Les liens forts seraient alors ceux qui renvoient à des éléments internes à l’œuvre elle-même. Le classement est libéré de l’impératif des métadonnées (auteur•ice•s, date de publication…) et peut se faire purement par association d’idées. Ces liens permettent de construire le passage d’un texte à l’autre, de le réaliser techniquement.

Ils sont « transévénementiels » au sens de Paul Ricœur, plus encore que les textes imprimés :

Ils sont les liens qui entourent l’œuvre, renvoyant ailleurs sur le web. Les liens faibles sortent de l’œuvre. Ils enrichissent l’expérience de lecture par d’autres œuvres, qui sont mises en écho avec elle. Nous pourrions les inclure dans l’appareil de notes allographes accompagnant le texte comme définit par Gérard Genette (1987, 339‑41).

Il s’agit alors plus de résonances que de suites ou de réponses directes.

AP POP

L’Anthologie Palatine est une œuvre à la généalogie complexe, je me contenterai d’en retenir quelques points. Elle se compose de deux corpus : le Codex Palatinus 23 (aussi appelé Anthologia Palatina) et l’Anthologie Grecque (Anthologia Graeca). C’est un recueil d’épigrammes, qui a subi de nombreux ajouts, retraits, modifications et traductions (ainsi sans doute que des pertes) au fil du temps. Nous avons trace de nombreuses versions : la plus complète est le Codex Palatinus datant de 940 après J.-C., découvert en 1606 et conservé à la bibliothèque Palatine à Heidelberg en Allemagne. Nous disposons également de la version de Constantin Cephalas (vers 900 ap. J.-C.), qui rassemble principalement (en dehors d’ajout de la main de Constantin) les épigrammes de la Couronne de Méléagre de Gadara, recueil daté de 100 avant J.-C. ; la version d’Agatias date de 553 avant J.-C. et celle de Philippe de Thessalonique du Ier siècle après J.-C.

Les épigrammes qui y sont rassemblés ont été rédigés sur 16 siècles : entre le VIème siècle avant J.-C. et le Xème siècle après J.-C. ; par plus de cent auteur•ice•s, ce qui pose la question de l’unité de l’œuvre. De plus, la forme de l’épigramme n’est pas stable, et n’est pas considérée dès le départ comme une pratique littéraire : elle est instituée par Méléagre lorsqu’il les rassemble, choisit et compile. Il les manipule et les acte comme matière poétique. C’est par cette sélection, et l’organisation qui l’accompagne que nous la considérons comme une œuvre : un tout composé de nombreuses entités textuelles distinctes, à la façon d’un recueil de nouvelles ou de poèmes.

L’objet est donc mouvant dès son origine. L’Anthologie Palatine a cependant de nombreux échos dans les imaginaires : de la culture grecque archaïque à la société byzantine. La structure de l’anthologie est innervée de liens intertextuels, ce que Margot Mellet nomme « dialogue épigrammatique », notamment par la reprise de topoï littéraires entre les épigrammes, encourageant une lecture par bonds thématiques entre eux. Anthologia, ou florilège en latin, signifie « tressage de fleurs », l’imaginaire étymologique rejoint la notion de bouquet, d’ensemble intriqué d’éléments formant un ensemble cohérent que nous rencontrons dans le texte.

Chaque fragment se veut représentatif de l’ensemble de l’anthologie dans une dynamique métonymique. L’anthologie peut alors être lues par fragments, quelques entités à la fois. Ce qui crée une tension avec l’idée de l’œuvre en tant qu’unité mais en font le pré-texte d’un imaginaire collectif ouvert. Elle pose la question des liens transhistoriques entre corpus antique et imaginaire moderne, ainsi que celle de la place de l’édition savante numérique dans ces connexions. Ce en quoi ce projet rejoint l’affirmation de Milad Doueihi de l’anthologie comme « la forme et le format par excellence de la civilisation numérique » (Doueihi 2011, 105) et fonde l’idée d’une édition numérique collaborative.

La Chaire de Recherche sur les Écritures Numériques de l’Université de Montréal (CRCEN) s’attelle actuellement à en construire une version web : l’AP Pop pour Anthologie Palatine Plateforme Ouverte des Parcours de l’imaginaire (Mellet 2018). Elle vise à réfléchir sur les résonances dans notre imaginaire de ces textes, dans leur diversité et leur hétérogénéité. Cette plateforme ne se veut pas objet d’érudition mais ouverte à un large public, son but n’est pas uniquement de comprendre les sources de l’anthologie mais également ses réceptions multiples ainsi que de proposer de nouveaux échos, de prolonger sa résonance, notamment par les liens faibles. Cette plateforme est basée sur une base de données relationnelle construite sur la notion d’entité. Une unité textuelle (une épigramme) est une entité, il lui est assigné un identifiant dans cette base de données. Chacune de ces entités est associée et enrichie par divers éléments : ses version textuelles (grecques et traduites en français, anglais et italien) ; les scolies : les métadonnées (auteur•ice•s, époque de rédaction, mots clés thématiques). Cette base de données est consultable sous plusieurs plateformes :
  • Un JSON donnant accès aux données brutes ;
  • Une API qui permet d’afficher et d’enrichir la base de données une fois l’usager connecté. Elle permet notamment l’ajout de liens faibles dans le champ « external reference » ;
  • Un compte Twitter ;
  • Une plateforme de visualisation, qui offre l’expérience de lecture réelle.

Ces entités sont ré-organisées en parcours de lecture thématiques, appelés « parcours d’imaginaire26 » permettant différentes approches de l’œuvre par thématiques larges : « les Héros » qui rassemblent les hauts faits d’Achille, Hercule et consorts ; « bestiaires » rassemblant tous les fragments évoquant des animaux, réels ou fictifs ; « figures de poètes » dont le titre parle de lui-même ; ou beaucoup plus précises : « les lampes témoins de l’amour » ne rassemble que des fragments évoquant des lampes dans des chambres à coucher… Ces parcours visent à permettre une approche plus ciblée et plus digeste de l’ensemble, bien trop vaste pour être lu de bout en bout. Ils apportent de plus une forme de narrativité. Ils rassemblent les fragments relatant un même épisode, souvent par plusieurs auteur•ice•s différent•e•s, assemblant ainsi les versions, permettant une approche polyphonique de ces mythes. Chaque fragment est une brique (un nœud) employé dans plusieurs parcours. Le projet combine les deux approches tabulaires dont je parlais précédemment : à la fois encyclopédique par l’immensité du savoir rassemblé, catalogué et une proposition narrative étrange (sortant de l’ordinaire).

Chaque entité est entourée de liens faibles, qui, contrairement aux liens forts qui donnent accès à l’entité suivante du parcours, renvoient à d’autres textes mais aussi à des images, extraits de films, œuvres musicales… ; toute forme d’expression pouvant entrer en résonance avec elle. La connexion est alors purement métaphorique (et non métonymique). Chacun•e est invité•e à apporter ses propres références : à compléter ce panorama culturel par son point de vue personnel. Si pour l’instant seul les membres de l’équipe de recherche sont en mesure de compléter l’anthologie, à terme le but est de l’ouvrir à tous ceux qui tomberaient dessus au cours de leur navigation web. Cet investissement dans le texte, pour lui trouver des résonances est une forme d’appropriation. En réfléchissant à ce qu’il nous évoque, nous l’intégrons à notre paysage culturel. Suivons un exemple ensemble : le début du parcours « traversée vers la mort ». Ce parcours nous permet de suivre une traversée du Styx vers l’enfer et ses dernières demeures, et peut-être d’en ressortir.

Sommaire du parcours “traversée vers la mort”

Le 7ème élément de ce parcours est le « 7.68 » : Conducteur des morts pour Hadès, qui te plais aux larmes de tous, qui traverses cette eau profonde de l’Achéron, quoique ton esquif ploie sous les ombres des trépassés, ne laisse pas là Diogène-le-Chien : c’est moi. J’ai avec moi une gourde, un bâton, un manteau double et, pour te payer du passage, une obole. Même vivant, cela seulement que mort j’apporte ici encore fut mon avoir, et sous la lumière du soleil je n’ai rien laissé.

Visualisation de l’entité 7.68

Il évoque la descente aux enfers, le topoï de la catabase et la figure du nocher. Les liens faibles (cases sombres en carrousel en dessous de l’épigramme) renvoient à des objets littéraires : un extrait de l’Énéide de Virgile (le chant VI) ; un extrait de la Divine Comédie de Dante (le chant III) ; mais aussi à un objet cinématographique : l’Orphée de Jean Cocteau (1950) ; un objet pictural : Charon traversant le Styx de Joachim Patinir (1520-1524) ; un objet musical : The Sail of Charon de Scorpions (1977) ; mais aussi un détournement de Charon sous forme de GIF. Cette liste aurait pu inclure des éléments plus personnels : un•e lecteur•ice pourrait inclure dans les liens faibles une photographie de sa belle-mère si elle lui évoque le funeste nocher.

Lien faible vers la Divine Comédie
Lien faible vers The Sail of Charon
Lien faible vers le GIF de Charon

L’idée de vérité du texte n’est pas l’objectif recherché, le but est de faire émerger la pluralité de perceptions du matériel textuel, de s’approprier l’œuvre et de l’associer à nos propres chimères.

L’ouverture du texte à une infinité de suites, de « pages suivantes », pose la question de sa clôture, de ses limites. Si on pousse le concept, on peut se demander si en agrégeant ainsi toutes ces œuvres nous n’en constituons pas une nouvelle, immense, potentiellement infinie et les regroupant toutes. Elle serait alors une version contemporaine du principe même de l’anthologie antique… mais sans les contraintes techniques de limitation d’espace du support. Ce qui est à nuancer, puisque ni les serveurs ni les capacités d’affichage ne sont actuellement infinies. L’anthologie serait théoriquement infinie, mais limitée dans l’expérience qu’en fait le•a lecteur•ice par ses outils techniques.

Le web offre un espace-temps infini : accessible de partout à tout moment. On pourrait voir une mise en espace éclatée de cette nouvelle anthologie entre les diverses œuvres liées par les bonds des lecteur•ice•s entre elles.

Il revient aux éditeur•ice•s de médier ces œuvres sur ces supports afin de ne pas tomber dans un attrait technophile du désir de clic. L’interactivité de ces fictions hypermédiatiques peut mener à une forme de Sensure : privant le texte de sa substance au profit de sa matérialité.

La Sensure est ainsi définie par Bernard Noël : >La censure bâillonne. Elle réduit au silence. Mais elle ne violente pas la langue. Seul l’abus de langage la violente en la dénaturant. Le pouvoir bourgeois fonde son libéralisme sur l’absence de censure, mais il a constamment recours à l’abus de langage […] – d’où une inflation verbale, qui ruine la communication à l’intérieur d’une collectivité, et par-là même la censure. Peut-être, pour exprimer ce second effet, faudrait-il créer le mot SENSURE, qui par rapport à l’autre indiquerait la privation de sens et non la privation de parole. (Noël 1990, 157‑58)

Si certaines œuvres n’échappent pas à l’appel de la nouveauté gadget, et ne s’y adaptent que superficiellement ; d’autres sont conçues intrinsèquement avec elle. L’attrait technologique de la lecture numérique, notamment lorsqu’elle met à profit des modes de navigation émergeants, existe. Ces nouveaux gestes qui entrent dans notre quotidien pour d’autres buts que la lecture, peuvent lui être appliqués si cela nourrit l’expérience que nous avons du texte. La fluidité du swipe (geste de balayer un écran tactile pour révéler ce qui est « en dessous » de ce que nous avons sous les yeux, impliquant généralement une continuité entre ces éléments) a par exemple été adopté comme moyen de « tourner la page ». Ce geste n’apporte rien de plus que le geste physique effectué sur un livre imprimé. Au quotidien, nous cliquons, balayons, soufflons, inclinons, etc. nos écrans ; toutes ces interactions peuvent être vectrices de sens, ou simple « décorations », habillage technophile poussant à l’acquisition d’une application supplémentaire.

La Sensure n’est ici qu’un possible : comme elle l’est lorsqu’on évoque la « surproduction littéraire », la menace de la sérialisation pour le cinéma, ou plus anciennement des images animées pour la radio ou la lecture. Chaque médium développe ses propres possibilités d’expression, et donc ses propres sens. Le risque existe mais nous ne parlerons que des œuvres qui sauront faire sens des particularités narratives offertes par chaque support. Le•a lecteu•ice-joueur•se, lecteur•ice-spectateur•ice ou encore lecteur•ice-auditeur•ice peut à son tour devenir un•e lecteur•ice attentif•ve : la lecture indicielle le•a poussant de gros titre en hashtag lui permet de s’arrêter dans sa dérive pour se plonger dans une œuvre. L’immersion qu’offre ces supports est un outil narratif fort, notamment pour écrire le réel ou médier des œuvres immenses.

En ouvrant l’œuvre sur une multitude d’autres, les liens faibles proposent de nouveaux parcours de lecture : ils suggèrent de nouveaux itinéraires à travers le maillage culturel. Il est alors aisé de se perdre d’un lien à l’autre, quitte à ne plus revenir à l’anthologie de départ que pour entamer une nouvelle dérive… ou y revenir et poursuivre sa route par les liens proposés sur d’autres pages, ailleurs. Le plaisir d’explorer peut alors prendre le pas sur celui de la lecture linéaire de l’œuvre de départ : trouver la connexion, comprendre le lien qui a été fait par un•e des lecteur•ice•s qui nous a précédés est une énigme en soi. Cela nous permet également d’apercevoir les multiples réceptions d’un même texte, d’autant que ces fragments sont plus évocateurs que purement narratifs.

Ici la coopération entre l’auteur·ice et le•a lecteur·ice, formulée par Umberto Eco pour les textes narratifs (Eco 1989) trouve tout son sens. Il n’est plus uniquement question d’interpréter un texte fixé par un·e auteur·ice et de lui donner un sens allant plus ou moins dans celui prévu par l’écrivant. Ce•tte dernier•e est alors en position d’indiquer un parcours, de suggérer des embranchements. Ielle ouvre des ponts et des passages vers d’autres possibles textuels, qu’ils soient de lui•elle ou non. Au lecteur·ice de s’en saisir ou de poursuivre l’actualisation du texte en cours. En lisant ielle acte les liens : ielle fait sien le rapport suggéré entre les textes. Une nouvelle linéarité, unique, se crée alors.

Cette fois les pistes ouvertes, mise à disposition par celui, celle, ou ceux, qui ont constitué l’œuvre ne sont plus que des directions, des ouvertures sur des parcours multiples. Il n’est plus simplement question de mettre du sens derrière les mots et de tourner la page mais de mettre du sens dans cet acte de passer à l’élément suivant. Les bonds alors effectués ne le sont plus sur les ellipses narratives, qu’Eco appelle des “blancs”, dans le texte mais dans les multiples liens pouvant exister entre les deux œuvres mises en rapport. Le•a lecteur•ice plaque alors des points de concordance qu’ielle perçoit, que ce soit effectivement ceux vus par l’auteur•ice ou non, ielle ne sera pas détrompé•e : là n’est pas l’important de la démarche ! Quel que soit le sens trouvé il n’y a pas de « bonne réponse » comme dans un roman policier, pas besoin de trouver le sens coupable de ce lien : quel qu’il soit ou ait été, l’important est de se construire un sens pour soi, pour nourrir son parcours propre.

Cette exploration place le·a lecteur·ice dans une dynamique de dérive. Cette dernière est définie par les situationnistes : >« Entre les divers procédés “situationnistes”, la dérive se présente comme une technique du passage hâtif à travers des ambiances variées. Le concept de dérive est indissolublement lié à la reconnaissance d’effets de nature psychogéographique et à l’affirmation d’un comportement ludique-constructif, ce qui l’oppose en tous points aux notions classiques de voyage et de promenade ».

La poétique devient le carburant du déplacement, de la poursuite d’actualisation des textes, la « sortie du monde plat » dont parle Segalen (cité par Bouvet 2008). Kenneth White considère la littérature comme un moyen d’exploration (White 2008), aussi bien pour l’écrivant•e qui défriche les territoires, qui peuvent tout aussi bien être physiques qu’imaginaires, que pour le•a lecteur•ice qui suit la piste ainsi ouverte.

On retrouve ici la figure du « museur•se » développée par Bertrand Gervais (2007) : sorte de flâneur•se irrésolu•e. Le•a lecteur•ice se laisse entrainer par le plaisir de sa lecture d’un texte à l’autre, nourrissant un sentiment de quête. Le tissage de liens faibles permet d’augmenter les potentiels de cette dérive, l’ouvrant à une forme de sérendipité intrigante.

Le pouvoir de mettre en relation : annotations omniprésentes

Marc Jahjah aborde la performativité offerte comme geste distinctif, identitaire (Jahjah 2012). Développer nos liens sociaux par interfaces narrativisées : manière de vivre à l’état gazeux (Ardenne 2009). C’est-à-dire que tout devient évanescent, présent partout et tout le temps sans plus avoir de présence physique précise correspondant à un lieu réel, physique. Tout existe dans des endroits dématérialisés, stockés comme dans un palais de la mémoire collective.

La hiérarchie entre texte et annotations est ici évidente : l’important est le texte et ce qu’il véhicule, le reste n’étant que complément, explication (Derrida 2004). Cependant elles reposent sur le même rapport que les liens intertextuels décrits précédemment. Le sens est à l’intérieur de la relation entre elles et le texte : il est dans le dialogue ainsi ouvert. Au sens strict ce ne sont pas des digressions mais bien des prolongements dont le but est de faire savoir, d’indiquer l’existence de liens et de réflexions complémentaires.

Nous distinguerons avec (Mazoud, Pascual, et Virbel 1995, 129) les objectifs d’annotations suivantes :
  • Hiérachiser : caractériser les passages par jugement de degré ;
  • Architecturer : différencier les passages “définition”, “illustration”… ;
  • Contextualiser : mettre en avant les termes caractéristiques, passages pertinents ;
  • Programmer : planifier des opérations à effectuer à côté de la lecture ;
  • Reformuler ;
  • Commenter ;
  • Documenter ;
  • Corréler : établir des renvois et références.

En numérique le texte tend à perdre sa matérialité propre27 (une liseuse ou une tablette ne prendra pas les plis de manipulation d’un livre de poche promené au quotidien) tendant à une standardisation pour qu’on puisse accéder au texte sur nos divers supports. Les annotations prennent une nouvelle forme. Elles peuvent alors être accessibles partout, et non plus dans une seule et unique édition. La flexibilité graphique est moins grande mais les chances de perte sont également réduites.

« Un lien se définit par rapport à son contenu et à la relation qu’il institue entre deux ou plusieurs entités. Il est un contenu parce qu’il dispose d’un sens propre – c’est une unité signifiante – et d’un sens par rapport au contexte dans lequel il s’inscrit – c’est une entité émergente. » (Ertzscheid 2003)

La matérialité même de ces annotations est modifiée (voir l’exemple des annotations Hypothesis sous Stylo). Sur papier elles sont soit en regard (dans les pages ou les blancs tournants accompagnant la page de texte), soit en fin ou début d’ouvrage (Lefebvre 2004). En numérique elles peuvent se superposer au texte par l’ouverture d’une nouvelle fenêtre ou l’accompagner. Hypothesis, par exemple, ouvre un volet à droite de la page web où se retrouvent toutes les annotations ainsi que leurs réponses. Cependant si elle renvoie à un élément tout à fait autre, répondant à une autre interface, un autre site ou une autre application, elle prendra toute sa place dans un nouvel espace qui lui sera propre, sortant alors totalement le•a lecteur•ice de l’interface de lecture d’origine. Pour les parcourir, il faut les faire défiler. Ce qui masque les commentaires précédents : nous ne pouvons pas tous les consulter dans un même mouvement. Des annotations papiers (type post-it) pourraient le permettre si toutes étaient étalées sur une même surface, leur organisation serait cependant plus compliquée.

La proximité spatiale entre les éléments est laissée au lecteur•ice qui, si ses supports le lui permettent, peut les mettre en regard. Ielle peut également choisir de revenir de l’un à l’autre, de multiplier ces allers-retours, ou de se laisser entraîner par la nouvelle proposition. Chaque type d’écran, et chaque système d’exploitation, permettant la connexion aux sites ou documents annotés a sa propre présentation, ce qui rend l’éditorialisation délicate. Chaque utilisateur·ice a ses propres habitudes, selon les applications qu’ielle utilise le plus : si certains sont communs et normalisés, d’autres sont particuliers. Les principales différences, sur mobile devices, viennent de l’antagonisme Apple/Google. Les différences d’icônes et de gestes peuvent créer des surprises si elles ne sont pas prises en compte28.

Selon les supports, nos ajouts seront publics ou non. Nous pouvons très bien choisir de conserver pour nous seul notre travail d’ajouts autour d’une œuvre ; nous pouvons le mettre en ligne avec des paramètres de confidentialité tels que seul•e•s ce•ux•lles à qui nous donnons l’accès peuvent les lire ; ou bien enfin l’ouvrir à tou•te•s. Ce choix décide également de l’outil d’annotation. Pour nous seul, pas besoin de les poster en ligne. Pour les ouvrir à tou•te•s, il est nécessaire qu’elles soient disponibles sur des serveurs. Certains outils comme Hypothesis permettent néanmoins toutes ces possibilités.

D’après Milad Doueihi (2011), nous sommes passés d’une « culture de la chaise », une culture que l’on s’appropriait en lisant et en écrivant assis à un bureau, à une « culture mobile », que l’on peut emmener partout avec nous, parce qu’accessible en ligne, donc consultable sur n’importe quel mobile device.

Or, en quittant le confort et le calme des bureaux, nous fragmentons nos moments de consultation. Nous pouvons certes lire un article scientifique dans le métro, mais nous courrons le risque d’être interrompu à tout instant (par un accident de personne par exemple) et d’être bien moins attentif•ve à son contenu. Cette fragmentation du temps, que Milad Doueihi développe dans Qu’est-ce que le numérique ? (Doueihi 2013), rejoint « l’hémorragie de durée » dont traite Marielle Macé (Macé 2011). Nous nous arrangeons pour faire concorder la temporalité de notre vie quotidienne avec celle de nos lectures. Si Marielle Macé l’applique à la lecture de fiction, expliquant que nous conservons en nous l’intrigue entre deux moments de lecture, que nous faisons nôtres les expériences qui y sont présentées ; nous pouvons élargir ce concept à toutes nos lectures. Nous conservons en nous ce qu’il faut pour pouvoir les reprendre. Nous switchons entre elles de la même façon que nous fragmentons toutes nos activités.

L’excès d’expérience ainsi accumulé en nous est facilement déversable sur les réseaux. D’où la tentation, si forte, de partager nos lectures. Nous sommes tentés de simplement les relayer sur nos réseaux ou d’écrire dessus. Nous plaçant dans la peau du lecteur•ice-écrivain•e décrit par Gac.

Glose29 est également le nom d’une librairie/ application de lecture, disponible en ligne et sur mobile, fondée par Nicolas Princen, ex-conseiller numérique à l’Élysée. Le principe, en dehors de la simple vente de livres numériques, avec tout de même 10% de consultation gratuite sur les 800 000 (environ) références au catalogue, est de permettre la création de groupes de lecture partageant leurs annotations et leur avancement dans les textes. L’application a été utilisée dans plusieurs classes de collège et de lycée, permettant aux étudiant•e•s de s’entraîner dans leurs lectures et/ou de communiquer avec leur enseignant•e.

Sur des lectures « libres » (la professeure laissait libre le choix de l’ouvrage pour chaque groupe mais imposait une lecture) ont montré que les échanges étaient fournis et l’application était plus facilement prise en main. L’aspect réseau social prend alors une grande place dans la lecture : l’aspect compétitif de l’avancement dans le texte, les conversations naissant en marge (Mazin 2016). Cet aspect réseau social a d’ailleurs été appuyé par l’embauche d’une booktubeuse, Margaud Liseuse30 qui est libraire par ailleurs, pour communiquer autour du lancement et avec les lecteur•ice•s. Elle réalisait des vidéos pour la chaîne de Glose, animait des groupes de lectures etc. Activité qu’elle a quittée pour des raisons personnelles, d’après ses posts sur les réseaux sociaux. Glose a également une chaîne Youtube31, bien qu’elle soit peu active depuis un an, rassemblant des listes de lecture et des coups de cœur, des ateliers avec des professeur•e•s et une série de vidéos « glose expliqué par les professeurs ». La plateforme met également en place un système de récompenses selon les lectures (nombre de pages, d’ouvrages, de commentaires, etc.), grâce à une interface de statistiques, de compteurs et autres tableaux de scores. C’est une approche de la lecture basée sur les systèmes de récompenses des plateformes de jeux vidéo (ici assez proche de celle de Steam32).

Le catalogue est tourné vers un public jeune (collégien•ne•s et lycéen•ne•s) avec un grand nombre de romans Young Adulte ou jeunesse et des classiques.

Le texte n’étant pas ce langage communicatif que la grammaire codifie, il ne se contente pas de représenter – de signifier le réel. Là où il signifie, dans cet effet décalé ici présent où il représente, il participe à la mouvance, à la transformation du réel qu’il saisit au moment de sa non-clôture. En d’autres termes, sans rassembler – simuler – un réel fixe, il construit un théâtre mobile de son mouvement auquel il contribue et dont il est l’attribut. (Kristeva 1969, 11)

Le texte numérique est d’autant plus mouvant, qu’il peut être édité en permanence sans conserver ses formes précédentes. La lecture sur les Réseaux Sociaux suit tout à fait cette définition du texte-théâtre en mouvement. Ces flux tendent (tentent) de saisir et d’exposer un instant de l’état de notre monde, nôtre au sens de celui que nous partageons avec notre bulle de filtre.

Quand on parle de littérature sur internet on pense en premier lieu aux blogs d’écrivain·es. Ils se sont multipliés au cours des années 2000. Les auteur·ices y partagent des textes inédits, des travaux en cours, présentent leurs prochains projets et relayent leur actualité. Le format blog permet des posts longs, augmentés de divers médias. Sur la scène contemporaine francophone on pourrait citer les blogs (ou interconnexions de blogs) d’Arnaud Maïsetti33, Joachim Séné34 ou Guillaume Vissac35, par exemple. Ces blogs peuvent être lus comme des ensembles de fragments, organisés par ordre chronologique d’écriture ou par thématiques ; ou naviguer de lien en lien à travers la trame de concordances et renvois qu’ils développent.

Les réseaux sociaux prennent maintenant une grande part dans ces activités, servent aussi aux auteur·ices à partager leur quotidien, dans une pratique plus commune de ces outils. Ielles ouvrent alors leurs ateliers, donnant à voir leurs processus de création, des fragments de travaux en cours, etc. Leurs textes s’incluent dans le parcours de nos flux (murs, thread, journal…) entre photographies de vacances ou résumé de la dernière rupture du cercle proche. Le même mécanisme est à l’œuvre que pour les notifications d’Enterre-moi mon amour, cette imbrication de l’intime et du littéraire crée une proximité neuve. Ils nous ouvrent vers d’autres entités textuelles, du même auteur·ice (ou sur le même compte) ou non.

Prenons l’exemple d’André Markowicz, qui est traducteur et auteur : sur son mur Facebook36, il partage tous les deux ou trois jours un texte. Il peut s’agir d’une traduction en cours, d’une création personnelle, d’une réaction à un fait d’actualité… En somme, il parle de ce qui a marqué sa vie sur la période en question. Il soumet son travail et/ou son ressenti à une communauté qui va le commenter, ainsi il affirme lui-même que certaines remarques ont fait évoluer ses traductions, l’ont aidé à trouver le mot ou le rythme juste (voir introduction Markowicz 2014). Ce qui est particulièrement valable (toujours d’après lui) pour son travail sur la poésie, notamment sur Ombres de Chine (Markowicz 2015), un recueil de poésie chinoise médiévale qu’il a re-traduit sans parler un mot de chinois mais en comparant les différentes versions disponibles des textes, en les ajoutant, les mixant… jusqu’à aboutir à des textes qui sont autant de lui que de l’auteur d’origine, bien que ce dernier garde le crédit de l’idée originale.

Ses tribulations sur Facebook ont donné lieu à des publications en (markowicz_partage_2014?) et 2016, chaque volume rassemblant ses publications d’une année.

Cette forme d’exploration par rebonds, par dérive, est particulièrement présente sur les réseaux sociaux. Que l’on navigue par scroll, passant d’un élément à l’autre sans autre forme d’éditorialisation que la chronologie des posts et le supposé intérêt que nous devrions leur accorder selon l’algorithme de mise en avant ; que nous passions d’un profil à l’autre ; que nous ouvrions les liens partagés sur ces divers murs : nous sommes dans une position d’exploration fragmentaire. Nous n’avons accès qu’à des bribes de la réflexion de ce•lui•lle qui partage. Qu’ils soient limités ou non dans leur nombre de caractères, les commentaires sont généralement courts, concis, visant une certaine efficacité.

Cette accumulation s’approche d’une anthologie instantanée. Nous avons sous les yeux ce que notre entourage considère comme définissant nos existences à un instant T très précis. Cette anthologie est en évolution permanente, en dissolution perpétuelle (Manovich 2001).

Place des réseaux sociaux

Lorsque nous lisons, nous nous approprions les textes. Nous apprenons ce qu’ils contiennent, nous faisons nôtres les expériences qu’ils transcrivent. En espace numérique nous avons l’avantage de pouvoir annoter à peu près tout ce qui nous passe sous les yeux (et ce sans avoir à écrire sur des livres qui ne nous appartiennent pas forcément) et ainsi devenir contributeur•ice d’une glose étendue et accessible potentiellement à tou•te•s.

Bien avant le tournant numérique, les industries culturelles ont découvert que les fans n’étaient pas des individus naïfs vouant un culte silencieux à leur objet d’adoration et elles ont vu l’intérêt qu’elles pouvaient tirer de ces modes d’expression amateurs. Le·a fan est expert•e : ielle a une connaissance très vaste de l’univers culturel qu’ielle chérit. Ielle est très productif : ielle fabrique des objets, vêtements, contenus, collections… Ielle est également réflexif•ve : ielle maîtrise si bien son objet qu’ielle peut entrer en débat avec ses créateurs. Si Umberto Eco (1989) disait que l’œuvre est ouverte et ne se ferme qu’après sa réception ; nous avons ici la preuve qu’elle peut rester ouverte tant que le•a lecteur•ice a un pied dedans.

Selon les supports, nos productions seront publiques ou non (ce qui est également à questionner). Nous produisons du contenu en ligne qu’il soit simple commentaire ou fanfiction construite. Ces communautés permettent parfois des traductions, la construction d’univers étendus (nous pouvons citer Star Wars, Dune ou Harry Potter) ou l’étude approfondie de points de ces univers (comme les langues construites du Seigneur des Anneaux ou de Star Trek par exemple). Ce que Roberto Gac appelle « lecteur•ice-écrivain•e ». La distance entre le•a lecteur•ice et l’auteur•ice décrite par Vincent Jouve (1993), est alors réduite : l’un•e et l’autre peuvent interagir quasi directement. Si l’asymétrie du rapport est conservée, puisque l’auteur•ice produit le texte et que le•a lecteur•ice y réagit, elle n’est cependant plus à sens unique : l’un•e ayant connaissance de la réaction de l’autre. Dans le cas de littérature produite sur les réseaux, tou•te•s deux peuvent également partager le même cadre, abolissant ainsi la distance, l’autonomie du texte. La pluralité des interprétations provient alors de la culture de chacun•e, de ses émotions du moment et non de la distance entre les situations de l’auteur•ice et du lecteur•ice.

Nous pourrions y ajouter la figure du lecteur·ice-médiateur·ice. Certains textes font appel à des citations non explicites, ou difficilement trouvables, l’annotation les rassemblant peut alors en permettre une meilleure compréhension. Erik Ketzan affirmait ainsi qu’Eco se prête particulièrement bien à l’exercice : pour comprendre profondément ses textes il faut avoir accès à un grand nombre de sources. Si celles-ci sont directement liées autour du texte il est beaucoup plus simple de les prendre en considération lors de la lecture (Ketzan s. d.). Il plaide pour la mise en place de « Literary Wikis », des guides permettant d’appréhender des textes ardus. Si l’expérience n’a rassemblé que peu d’utilisateur•ice•s, principalement déjà dans des démarches universitaires ou de recherche, elle prouve la faisabilité d’une telle entreprise.

La participation et l’investissement dans les univers littéraires créent des communautés. Nous pourrions y voir la sortie de l’isolement du lecteur•ice définie par Marielle Macé (2011). Nous ne sommes plus seul•e•s, enfermé•e•s dans notre chambre avec une mauvaise édition de poche ; ou si nous le sommes nous avons au bout des doigts le moyen de communiquer avec une foule d’autres lecteur•ice•s, et leur partager notre expérience. Les relations sociales en jeu sont centrées sur ces œuvres et passent à travers les mêmes biais que les œuvres elles-mêmes. Comme les bibliothèques des bureaux d’avocats, nous affichons les nôtres sur les réseaux pour affirmer notre appartenance à une certaine culture. Nous partageons les contenus qui reflètent le mieux, selon nous, cette appartenance. Nous nous identifions par nos goûts, aussi bien littéraires que cinématographiques, musicaux ou sériels.

Lorsque nous lisons, quel que soit le support nous pouvons faire le choix d’annoter le texte. Nous pouvons penser au travail des étudiant•e•s entre surligneurs et soulignés. Nous mettons ainsi en valeur les éléments que nous aurions besoin de retrouver rapidement plus tard. Nous pouvons écrire dans les marges ou sur des collants à insérer entre les pages ce qui nous vient en tête au fil de notre lecture. Au-delà de cette pratique, nous savons d’expérience que nous ne nous concentrons pas de la même façon sur un texte que nous annotons pendant notre lecture et lorsque ce n’est pas le cas. C’est une façon de mettre en place, en espace, le savoir que nous trouvons dans ce que nous lisons. Les codes sont alors personnels, plus ou moins graphiques, plus ou moins développés. Frédéric Kaplan parle « d’enluminures » (2012). Nous « décorons » ainsi les espaces qui nous sont laissés sur les pages : les blancs tournants, marges, parfaitement inscrits dans la topologie éditoriale. Nous stockons notre mémoire, notre expérience particulière de ce texte dans sa matérialité. Ce qui nous permet de naviguer plus rapidement quand nous relisons, ou avons simplement besoin d’un texte déjà lu. Les annotations aident à retrouver les informations, même lorsqu’elles ont été rédigées par quelqu’un autre (voir l’expérience développée par Frédéric Kaplan (2012) qui étudie la compréhension de textes scientifiques par des groupes de lecteur·ice·s ayant annoté ou non le texte, ou ayant lu le texte annoté par leurs camarades).

Ce qui apparaissait comme des écritures entre fans a pris suffisamment d’importance grâce aux réseaux sociaux que les producteur•ice•s, éditeur•ice•s, auteur•ice•s et distributeur•ice•s des franchises ou séries qui en font l’objet peuvent être contraintes d’en tenir compte (bien que cela ne soit pas nouveau puisque Conan Doyle en faisait déjà les frais).

Twittérature

Certains auteur·ice·s s’emparent des réseaux sociaux directement pour produire des textes. Par exemple sur Twitter des tentatives de Twittérature (Bataillon 2011) ont vu le jour avec plus ou moins de succès. Elle s’attaque à tous les pans de la littérature, nous n’en verrons que trois exemples : un pour la fiction, un pour la poésie et un pour les carnets de voyage. Chaque plateforme impose ses formats aux textes qu’elles accueillent, les normalisant (voir captures d’écran) en une anthologie géante, en perpétuelle expansion.

Les nanofictions de Patrick Baud sont des récits extrêmement courts, contenus dans les contraintes de nombre de caractères de la plateforme (soit depuis la mise à jour 280), le compte (@ nanofictions37) rassemblant 71 436 abonnées le 27 février 2019, nous pouvons considérer l’entreprise comme une réussite. Patrick Baud est connu pour son travail de vidéaste sur l’étrange38, les lieux improbables et inquiétants, les cabinets de curiosités… Nous retrouvons cet intérêt dans ces amorces narratives : un grand nombre d’entre elles pourraient être qualifiées de fantastiques ou d’horrifiques. Par le choix de la brièveté il fait aussi le choix d’avoir une chute marquante, un twist, pour ne pas laisser le·a lecteur·ice sur sa faim.

Exemple de Nanofiction sur Twitter

Ce voyageur temporel se retrouva au beau milieu d’un champ de bataille. Le cadran de sa machine indiquait : 1340.
- Je suis au tout début de la guerre de Cent ans ! s’exclama-t-il.
Un des soldats médusés s’approcha et lui demanda : “Vous avez dit combien ?” (Baud 2018, 79)

Le projet a d’ailleurs donné lieu à une publication papier chez Flammarion à l’été 2018. Le livre a un format assez classique, un peu plus petit que les grands formats de la maison. Cependant, ce passage au papier s’accompagne de l’ajout d’une préface de Bernard Werber et d’illustrations de Yohan Sacré. Il est à noter que la version enrichie, multimédia, n’existe que sur papier et non sur le web ! C’est ainsi que le passage à l’objet imprimé trouve son sens : les textes sont et resteront disponibles en ligne sur le compte Twitter qui les a vu naître. Bien qu’il faille le retrouver et remonter le flux des parutions, elles sont lisibles. Le travail éditorial consiste ici à nourrir cet univers avec les œuvres de Yohan Sacré et son univers sombre mais humoristique. Le ton des deux auteurs fonctionne à la perfection ensemble, l’illustrateur se permettant des clins d’œil à d’autres productions de Patrick Baud, notamment à sa chaîne Youtube Axolotl, un Dieu axolotl à moult bras se promenant dans certaines illustrations (voir p.17, par exemple).

Dès qu’il entra dans la confrérie des monstres, le petit golem posa la question :
- Y a-t-il un monstre dans le Loch Ness, oui ou non ?
- Pas du tout, mais nous entretenons la rumeur.
- Pourquoi ?
- Tant que les humains se concentrent sur ce lac, ils ne cherchent pas dans les autres.
(Baud 2018, 24‑25)

Nanofictions p.24-25 Nanofictions p.80-81: exemple des pieuvres

Les ironèmes sont des formes de jeux de mots, de jeux sur et avec les expressions qui pullulent sur Twitter. Si certains comptes sont particulièrement actifs sur le #ironème, comme celui d’Étienne Candel (@ etienne_cdl39) ou Emmanuel Vaslin (@ emmanuel_vaslin40), ils font vivre tout une communauté en re-twittant les productions qu’ils trouvent sous le hashtag. Ils constituent ainsi des collections de bons mots, d’évocations poétiques.

Exemple d’Ironème sur Twitter

Nous pouvons, par l’outil de recherche de Twitter, remonter les posts, mais encore une fois, leur multiplicité enterre les plus anciens, les rendant difficiles à retrouver. Si l’instant joue beaucoup dans cette forme humoristique, comme une blague, il faut trouver le timing parfait pour décrocher un sourire ; certains se détachent de la nécessité de contexte temporel immédiat. Il est alors dommage de ne pouvoir les relire.

Le projet a donné lieu à un livre-objet chez Peuple Caché : un rouleau, comme ceux des imprimantes thermiques des caisses de supermarché, dans un réceptacle évoquant une boîte de conserve, reprenant le fil Twitter d’Étienne Candel avec les dates, les heures, fuseaux, etc. (ce qu’on obtient quand on fait un export ou une récupération de données auprès de la plateforme). On déroule ainsi, sur 50 mètres, ce qui couvre environ une année, ses créations verbales. La boîte est conçue comme un produit alimentaire (et je rêve de la croiser au rayon petits pois) : elle indique sur l’étiquette qui est collée sur elle, sa longueur, son poids, etc. Elle s’ouvre d’ailleurs aussi difficilement qu’une vraie boîte de conserve. L’impression à l’imprimante thermique sur papier très fin et glacé est exactement le même dispositif que celui servant à imprimer les tickets de caisse. Tout dans l’objet évoque la conservation, ici d’un morceau de la vie de l’auteur ; c’est une sorte de capsule temporelle que l’on pourrait enterrer dans le jardin en espérant que les archéologues du futur retrouvent ainsi une trace de notre humour… À son tour, cet objet a donné vie à la communauté qui s’est ingéniée à créer des systèmes DIY pour pouvoir manipuler le rouleau sans être enseveli•e sous les mètres de mots. Les ironèmes ayant chacun peu de réactions (mentions favoris ou retweets) ils disparaissent rapidement des flux, cet objet pose alors la question de la sauvegarde, de la conservation de ces anthologies temporaires.

Photographie du rouleau d’Ironèmes déroulé Photographie de la boîte contenant les Ironèmes

Le #dérive poursuit cette réflexion, cette fois en sauvegardant temporairement le quotidien. Il est présent sur Twitter et Instagram, de plus en plus sur ce dernier qui est moins limitatif sur le texte et repose beaucoup plus sur l’image. Le but est de partager un instant vécu, que ce soit par le texte ou l’image, animée ou non. Nous pouvons mentionner les comptes de Benoît Bordeleau (@ bbordeleau41), de Yan Saint-Onge (@ ysoboy42), d’Anick Bergeron (@ anickbergeron4243), entre autres. La pratique est au départ québécoise mais se répand dans la francophonie touchant parfois des auteurs comme Arnaud Maisetti ou Pierre Ménard. Ce hashtag est à la fois une forme de carnet des lieux parcourus, souvent de voyage : on y référence ce qui nous touche, nous marque ; mais c’est aussi un carnet des « petits riens écœurants44 » : une action d’un enfant, un repas, une lumière ou un oiseau. Le jeu est de capturer ce que l’on vit en quelques mots parfois accompagnés d’une image. Ouverte à tou•te•s cette pratique permet des communications, des mises en parallèles d’expériences très concrètes, très quotidiennes, d’un continent à l’autre et entre des personnes différentes.

Dérive de Benoît Bordeleau

J’ai enfin trouvé l’outil qui donne à la banane sa courbe, rue #Ontario. #dérive (Benoît Bordeleau, 2 mai 2019)

il faudrait tracer des jeux de marelle sur le sol du métro
#LucienLallier #dérive (Yan Saint Onge, 8 mai 2019)

Ce projet a donné naissance à un atelier coordonné par Benoît Bordeleau et Yan Saint-Onge, durant les Journées de la culture 2018 au Canada. Des centaines d’auteur•ice•s écrivaient des fragments sur divers lieux, le tout géolocalisé. Une carte45 rassemblant tous les points d’écriture, des frises chronologiques46 est disponible en ligne sur le site des Journées de la culture (voir captures d’écran). L’interface web rassemble toute les participations sur Facebook et Twitter sous le hashtag particules et les hashtags des régions. Un espace « correspondances inattendues » met en avant des réponses, des conversations, en accolant des tweets présentant les mêmes hashtags secondaires.

Toute l’interface du site est pensée pour mettre en avant cette multiplicité des interventions : chacune étant symbolisée par un point de couleur constituant des foules de particules animant les pages (il est même possible de dessiner avec sur la dernière page de l’interface si on la parcours de façon chronologique). Le contenu de ces points est disponible quand nous les survolons, ce qui permet de lire des fragments au hasard (leurs mouvements étant déterminés par un algorithme) en dehors des catégories principales que nous choisissons sur l’interface.

Particules, interface d’entrée Particules, interface chronologique Particules, interface par région Particules, correspondances inattendues Particules, interface gribouillage Particules, interface gribouillage

Ces productions donnent également lieu à des “mises en performances”, comme les désigne ce•ux•lles qui les mettent en voix, incluant des projections de flux, des périodes de live tweet, des lectures à haute voix… Tout ce qui peut permettre de donner accès à ces courts textes.

Les réseaux servent aussi aux auteur•ice•s pour partager leur quotidien, dans une pratique plus commune de ces outils. Ils ouvrent alors leurs ateliers, donnant à voir leurs processus de création, des fragments de travaux en cours, etc.

Au-delà de la production littéraire sur les réseaux les lecteur•ice•s les investissent également. La multiplication des blogs de chroniques/critiques littéraires en est un marqueur, autant que la foison de #littérature, #lecturedujour, #instabook… Plus que le simple affichage de notre culture, la revendication d’appartenance à tel ou tel groupe de lecteur•ice•s dont nous partagerions les goûts ; une vraie dynamique de prescription s’est mise en place. Certain•e•s « influenceur•se•s » ont su gagner suffisamment la confiance de leur lectorat pour que leur avis impactent les ventes. Ce qui explique la part de plus en plus importante qu’ils occupent dans les services presse des maisons d’édition. Des réseaux sociaux leur sont d’ailleurs consacrés, comme Babelio47 ou Livr’addict48.

Ces réseaux sont également utiles pour échanger lors d’évènements de recherche. Ils sont de plus en plus utilisés pour réagir à des interventions lors de colloques ou de conférences. Ils permettent aussi bien la rediffusion en directe que les réactions de ce•ux•lles qui y assistent. ÉCRIDIL 0 est un bon exemple : le colloque traitait d’éditions numériques et d’éditorialisation, entre autres. L’équipe éditoriale de la Chaire de Recherche sur les Écritures Numériques a fait un ouvrage (principalement web, mais également disponible en print on demand) rassemblant certaines de ces interactions, principalement publiées sur Twitter (média social de prédilection de l’équipe), des citations, des résumés de conférences ou de rencontres, des slides de certaines présentations, des hashtags correspondant aux keywords des réflexions menées pendant l’évènement : Version 0 : Notes sur le livre numérique (2018).

De nombreux chercheur•se•s dont (et non exclusivement) Enrico Agostini-Marchese, Marc Jahjah, Fabrice Marcoux, Arthur Perret, Stéphane Vial, Marcello Vitali-Rosati, se sont soumis à l’expérience, répondant directement aux réactions suscitées par leurs interventions. Se rendre à l’évènement pouvait poser problème à un grand nombre de personnes pourtant intéressées (parce que c’est loin, cher, parce qu’y sont présents majoritairement des universitaires, parce qu’il faut du temps…) ; la rediffusion web permet d’assister aux conférences et de prendre part aux discussions. Il suffit d’être au courant de l’existence de l’évènement et d’avoir une connexion internet pour participer, c’est un grand pas pour l’accessibilité du savoir ! Cependant, pour profiter pleinement de l’expérience il fallait maîtriser à fond les outils employés des réseaux sociaux (Youtube, Twitter, Instagram, etc.) et les logiciels Frama (suite de logiciels libres) et avoir une installation permettant de tout garder à l’œil. La gymnastique est évidente pour les organisateurs, pour qui elle fait partie du quotidien mais peut être rebutante pour d’autres.

Le contenu publié sur les réseaux sociaux a pour vocation d’être recouvert par les posts plus récents. C’est le principe de flux (de mur ou de journal). Or, en les sauvegardant, en les archivant par des hashtags précis et correspondant à ceux utilisés pour les articles, ils peuvent devenir des données à part entière, utiles aux chercheur•se•s ou à toute personne s’intéressant aux questions dont ils traitent.

Conclusion

La littérature numérique est la continuation de l’intertextualité croissante des œuvres culturelles. Les outils qu’elle convoque permettent la mise en relation directe des œuvres entre elles, des auteur•ice•s et des lecteur•ice•s et des lecteur•ice•s entre eux. L’outil et la littératie qui l’habite sont intimement liés, s’influençant au fur et à mesure de leur développement. Ils offrent de nouveaux moyens pour les textes d’entrer dans notre quotidien et notre intimité, notamment en envahissant les objets qui nous sont les plus familiers. Leur omniprésence nous pousse à des confrontations inhabituelles avec des littératures hors du livre, leur permettant de toucher des publics différents, moins captifs et parfois réticents aux livres imprimés classiques de par son poids symbolique. Les productions disponibles sur internet sont annotables, commentables, réutilisables facilement. Chacun·e peut mettre en avant, signaler, ce qu’ielle trouve intéressant et important. Ielle peut partager les réflexions qu’elles font naître en ielle.

Si certain·e·s auteur·ice·s ont beaucoup pratiqué l’intertextualité, comme Montaigne, et s’en sont nourri dans leurs pratiques auctoriales, l’environnement numérique permet de rassembler et de mettre en évidence ces liens. Il accélère l’accès, devenu quasi instantané aux différentes entités mises en dialogue. Les liens créent l’évidence de la toile, de l’intertextualité. L’allusion devient un jeu visuel entre auteur·ice, éditeur·ice et lecteur·ice, les styles permettant des cachettes, des activations et des gestes multiples et toujours évolutifs.

Les entités se répartissent alors en trois dimensions, et non plus en strates : nous avons la possibilité de consulter en même temps les différents éléments. Les contraintes matérielles d’enchainement chronologique s’effacent pour une simultanéité (utopique, les interfaces et configurations matérielles restant limitées). Quel que soit l’espace de visualisation, la possibilité de naviguer entre différentes fenêtres, pouvant être côte à côte, empilées, se recouvrant partiellement… simplifie les confrontations et les rencontres à une allure toujours plus rapide. L’organisation visuelle, spatiale, permet des rebonds mentaux forts entre les œuvres.

Certaines fictions jouant sur les codes de nos objets connectés et de nos pratiques en ligne les soulignent : à nous de comprendre ce qu’elles en disent et ce que cela révèle de nous, et de nos liens entre nous. Les interfaces utilisées sont encore à étudier : elles évoluent avec nos pratiques, avec plus ou moins de succès. Nous (usagers) pouvons cependant participer activement à leur développement par notre investissement dans le développement et l’usage de logiciels libres et ouverts. Nous pouvons influer directement par nos retours et nos commentaires. Il ne tient qu’à nous de faire de ces espaces ce que nous voulons qu’ils deviennent. Si tou·te·s ne savent pas coder ou n’ont pas la formation nécessaire pour produire du contenu, nous avons tou•te•s accès désormais aux bases techniques (manipulation d’applications, usages des réseaux sociaux, partages…) et pouvons ainsi participer au paysage culturel. Nous pouvons nous former aux gymnastiques usitées et nous inclure dans des démarches de recherche et de développement.

Les premières ambitions libristes d’internet ont sombré, mais nombreux sont ce•ux•lles qui proposent des alternatives pouvant les ressusciter. Les universités ont toute leur place dans ces démarches d’ouverture et de vulgarisation. Lorsqu’elles mettent à disposition de tou•te•s leurs productions et rendent accessibles leurs manifestations, elles permettent une meilleure circulation du savoir. Il reste dans cette approche une verticalité flagrante, uniquement compensée par certains internautes répondant depuis les réseaux sociaux et participant sur des GitHub ou GitLab aux projets ; cependant le public majoritaire est constitué d’universitaires et de personnes à haut niveaux d’études. Le travail de vulgarisation et de diffusion des projets est encore immense. Il nous (universitaires et travailleur•se•s de la culture) incombe de le poursuivre. Le web actuel permet son accélération en optimisant le référencement, avec des outils comme le projet SARCQ ou Stylo, nous pouvons jouer un rôle actif dans la diffusion du savoir que nous produisons… et ainsi rendre à la communauté une part de la chance que nous avons de pouvoir nous consacrer à l’étude. La numérisation des revues scientifiques et leur mise à disposition gratuitement, avec des systèmes de tagging efficaces est également un biais puissant d’accessibilité.

Tout se passe comme si l’individualisation de notre civilisation avait réduit l’aspect ludique de la lecture à des recettes narratives et/ou des mécaniques de récompenses, les mêmes que les managers appliquent de plus en plus pour pousser notre rendement. Cependant ces pratiques n’existent que par notre fréquentation quotidienne des plateformes les mettant en œuvre. La lecture peut s’en affranchir, comme elle s’affranchit actuellement de plus en plus des formats imprimés classiques. Le numérique et les technologies qui l’utilisent et le mettent en espace sont de puissant outils pour bâtir de nouvelles propositions.

Le texte peut alors sortir de son support, s’exposer et devenir un objet d’interaction dans l’espace physique. Par exemple, au cours du colloque « Mind the gap! / Attention à la marche !49 », organisé par l’Electronic Literature Organisation (ELO) à l’UQAM, en août 2018, une exposition accompagnait les conférences dans laquelle le•a visiteur•se pouvait appréhender diverses formes narratives et textuelles. Certaines sur écran simple proposant de découvrir l’univers fictif à travers des ensembles de documents, d’autres en VR (casque de réalité virtuelle et système de géo-positionnement) proposaient d’entrer dans des environnements textuels.

The Aberration of the Translator de Qianxun Chen proposait, dans un tel casque, des traductions de How to Tame a Wild Tongue de Gloria Anzaldua. Les nombreuses versions ainsi obtenues (une douzaine de langues étaient représentées) défilaient sur différents plans autour du lecteur•ice-immergé•e. Ielle pouvait alors choisir lesquels lire/observer en se dirigeant vers elles. Le tout complété par des audios de courtes réponses et commentaires, également dans plusieurs langues.

D’autres faisaient du code leur matière brute : la proposition de Winnie Soon, Vocable Code réunissait ainsi des contributions commençant par « Queer is… » questionnant le genre et ses représentations sur les réseaux et dans la culture numérique. Elles étaient rassemblées dans une interface web, incorporées à la syntaxe informatique du programme, le restructurant en permanence et, inévitablement, remodelées par les aléas mathématiques. Cette œuvre questionnait l’interaction entre langage poétique et informatique : comment les contraintes de l’un comme de l’autre peuvent se rencontrer pour donner naissance à un nouveau langage ? La binarité inhérente au code est confrontée à la multiplicité des expressions du spectre des identités de genre. L’incorporation du OR en C+= en ferait-il un langage féministe ?

À mes yeux, ce sont des formes de littérature “hors du livre” (Rosenthal et Ruffel 2010) qui, si elles nous libèrent du “triomphe de l’imprimé”, répondent à la définition de la littérature exposée. Nous pourrions considérer cela comme “l’imposition du contemporain”, ou jouer avec les possibles qu’il nous offre et nous pencher sur ces œuvres en détail et étudier comment elles mettent à profit les technologies qui apparaissent. Les textes sont alors présentés différemment, sortant du support attendu. Dans la salle d’exposition les œuvres sont mise en relation sur un nouveau mode, permettant aux visiteur•se•s-lecteur•ice•s de naviguer entre elles tout en les gardant à l’œil (et non l’une après l’autre comme lors d’une visite en ligne).

Remerciements

Je tiens à remercier les responsables du master Livres et Médiations, Stéphane Bikialo et Martin Rass qui ont mis en place une formation m’ayant permis de m’épanouir dans de nombreux projets éditoriaux et événementiels, d’avoir réuni les conditions pour la création d’une vie éditoriale associative riche.

Je remercie tout particulièrement Stéphane Bikialo de m’avoir accompagnée dans la rédaction de ce mémoire, et de m’avoir permis de partir au Québec.

Je remercie toute l’équipe du NT2 : Bertrand Gervais et Johanne Lalonde de m’avoir accueillie, Élaine Després et Gina Cortopassi sans qui je ne serai jamais arrivée à bon port ; Benoît Bordeleau et Yan St-Onge pour nos merveilleuses dérives qui m’ont permis de découvrir Montréal ; Sylvain Aubé et Robin Varenas pour le plaisir de pouvoir mettre les mains dans le cambouis informatique ; Lisa Tronca pour sa joie ; Jean-Michel Berthiaume pour ses jokes plates et le partage de son bureau ; Sarah Grenier pour ses citations sauvages ; Mickaël Tahan pour ses conseils de lectures.

Je remercie tout particulièrement Marcello Vitali-Rosati de m’avoir fait une place au CRCEN, Margot Mellet pour son enthousiasme et ses projets merveilleux, Nicolas Sauret, Enrico Agostini-Marchese, Karine Bessette, Servanne Monjour et toute l’équipe d’éditeur·ice·s. Je remercie Gérard Wormser de m’avoir intégrée à l’équipe Sens Public et à Coletivo Brasil.

Merci à Manon Picard de m’avoir aidé à préparer mon départ. Merci à Jean-Charles Massera pour ses passions littéraires et ses colères.

Merci à Pauline Hocquette pour son soutien quotidien.

Merci de m’avoir lue.

Bibliographie

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  1. https://opuscules.ca/accueil↩︎

  2. Voir Henriot Le jeu (1969):  « Dans le jeu du « comme si », le préalable est fondamentalement de ne l’être pas ». C’est par le double que le jeu renvoie l’enfant à la dualité des contenus : dyade mère-enfant, l’enfant et son double, l’enfant et le jouer, etc. La répétition ludique de ces séquences doubles mène à l’unité du moi.↩︎

  3. Ici narration est entendu dans un sens large, recouvrant à la fois un possible récit mais également un enchaînement d’entités possédant un dénominateur commun les rassemblant dans une continuité, comme cela peut être le cas, par exemple, dans des recueils de poèmes thématiques.↩︎

  4. Voir « L’Ecole de Constance ». Poétique, n° 39 (septembre 1979).↩︎

  5. Cette tabularité existait bien avant le passage au numérique : les encyclopédies par exemple reposent sur ce principe, ainsi que certains romans, comme Marelle (Cortázar 1979) mais était moins systématique, et moins répandue. Ces objets ont soit une fonction précise (de consultation et d’information pour les encyclopédies), soit sont perçus comme des curiosités littéraires.↩︎

  6. D’après le Petit Robert un recueil est un assemblage ou une réunion de divers écrits selon un ou plusieurs critères déterminés.↩︎

  7. La Revue Bleu Orange (entièrement en ligne : http://revuebleuorange.org) effectue également ce travail de référencement et de mise en avant, de validation d’oeuvres hypermédiatiques. Le format fiche y est conservé. Les deux projets sont inter-connectés, permettant aux oeuvres de circuler entre les deux.↩︎

  8. https://www.drupal.org/home↩︎

  9. https://opuscules.ca/accueil↩︎

  10. http://oic.uqam.ca et pour un exemple de conférence : http://oic.uqam.ca/fr/communications/corps-a-corps-alterite-et-casque-de-rv d’Alice Lenay↩︎

  11. Les liens internes sont des liens renvoyant à d’’utres pages à l’intérieur même du site ou de la plateforme.↩︎

  12. https://www.drupal.org/home↩︎

  13. https://opuscules.ca/accueil↩︎

  14. http://revuecaptures.org↩︎

  15. fiche Érudit de la revue : https://www.erudit.org/fr/revues/lq/↩︎

  16. http://www.revue-estuaire.com↩︎

  17. Érudit offre l’accès à de nombreuses collections de documents en sciences humaines et sociales : revues, livres et actes, thèses, rapports de recherche. fondé en 1998, elle travaille depuis à la diffusion numérique et à la valorisation de publication de sciences humaines et sociales https://www.erudit.org/fr/↩︎

  18. http://www.openarchives.org/pmh/↩︎

  19. schéma global de la gestion des données par Érudit : http://retro.erudit.org/xsd/article/3.0.0/doc/↩︎

  20. Pour ces interventions, des conférences et autres journées d’études : https://www.youtube.com/channel/UC5LIw0dopbSSgqI2zdIi84w/videos Une grande part des évènements organisés ou co-organisés par la chaire sont disponibles sur leur chaine Youtube.↩︎

  21. https://front.stylo.ecrituresnumeriques.ca/articles↩︎

  22. Pour mieux comprendre l’écriture en Markdown : http://stylo-doc.ecrituresnumeriques.ca/fr_FR/#!pages/premierspas.md↩︎

  23. Ce que l’on voit est ce que l’on obtient (sous-entendu à l’impression).↩︎

  24. Ce que l’on voit est ce que l’on veut dire.↩︎

  25. http://blog.sens-public.org/coletivobrasil/↩︎

  26. consultables ici : https://anthologia.scolaire.loupbrun.ca/#/parcours↩︎

  27. Bien que certains ne soit accessibles que sur certaines plateformes, ou sont verrouillés pour conserver leur forme.↩︎

  28. Ce qui a un fort impact sur des fictions employant des interfaces de messageries ou de vidéo. Ces codes posent problème dans certains films pensés pour smartphones, comme Je ne t’aime pas un court-métrage de Tommy Weber (2018) disponible sur Youtube (https://www.youtube.com/watch?v=cpXw32-GmcY&frags=pl%2Cwn) qui repose en partie sur des infos comme le verrouillage ou l’avancement de la batterie. Ces codes visuels sont supposés être lus et intégrés par le spectateur, qui ne peut les comprendre et les ressentir à leur maximum que s’il a l’habitude de les utiliser. Ici, tout le film est fait pour être vu sur un iPhone (en reprenant les informations communes et les interfaces) et mettra donc à distance un utilisateur d’Androïd.↩︎

  29. https://glose.com/bookstore↩︎

  30. https://www.youtube.com/user/Corentyne23↩︎

  31. https://www.youtube.com/channel/UCAhGhRdeF8OmDWo9XtxwDLg↩︎

  32. Une plateforme de vente de jeux vidéos et de gaming la plus populaire sur ordinateur, principalement sous Windows (le catalogue étant moins adapté à IOS et Linux).↩︎

  33. http://www.arnaudmaisetti.net/spip/↩︎

  34. http://jsene.net↩︎

  35. http://fuirestunepulsion.net/3/↩︎

  36. https://www.facebook.com/andre.markowicz↩︎

  37. Comme pour toutes les mentions de comptes twitter, un espace précèdera le nom du compte afin qu’il ne soit pas interprété comme une référence par Stylo, l’outil de rédaction employé pour ce mémoire. Cela sera développé en troisième partie. Les liens pour les comptes seront ajoutés en notes. Ici : https://twitter.com/nanofictions.↩︎

  38. https://www.youtube.com/user/Axolotblog↩︎

  39. https://twitter.com/etienne_cdl↩︎

  40. https://twitter.com/emmanuel_vaslin↩︎

  41. https://twitter.com/bbordeleau↩︎

  42. https://twitter.com/ysoboy↩︎

  43. https://twitter.com/anickbergeron42↩︎

  44. #citationsauvage de Sarah Grenier, un midi au NT2. Les citations sauvages sont une autre forme de littérature des réseaux, beaucoup plus spontanée consistant à partager des citations étranges, drôles ou philosophiques piochées dans notre environnement immédiat. Une blague lors d’un déjeuner ou la formulation particulièrement juste d’un professeur pendant un séminaire peuvent en faire l’objet.↩︎

  45. http://particules.journeesdelaculture.qc.ca/index_recap.php?config=cluster↩︎

  46. http://particules.journeesdelaculture.qc.ca/index_recap.php?config=timeline↩︎

  47. https://www.babelio.com↩︎

  48. https://www.livraddict.com↩︎

  49. lien vers Uchronia (la plateforme web accueillant actuellement l’intégralité des oeuvres présentées lors de l’exposition) : http://uchroniawhatif.org↩︎