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Département des littératures de langue française
2104-3272
Sens public

L’œuvre littéraire à l’ère du numérique : les modalités d’existence du concept d’œuvre littéraire à l’ère du numérique

Mon projet de recherche porte sur une question qui (re)devient d’actualité avec l’avènement du numérique, à savoir celle de l’existence du concept d’œuvre littéraire dans la discipline, relativement nouvelle au sein du monde universitaire, de l’édition numérique. Le nouveau support modifie notre accès et notre expérience du texte, et par là, notre conception de l’œuvre littéraire : la présence de l’œuvre se modifie en ce que le support numérique ne convoque plus les mêmes sens et ne provoquent plus les mêmes stimuli chez le lecteur; le texte n’est plus figé mais parcouru de dynamiques numériques; etc. Si la pratique éditoriale traditionnelle, par sa réalisation finale de l’objet livre, a institutionnalisé la production littéraire comme un objet apparement clos, menant ainsi la notion d’œuvre au rang de concept canonique, l’édition numérique décloisonne le texte et redéfinit le l’œuvre. L’œuvre littéraire est traditionnellement définie comme une unité écrite structurée et dont la qualité poétique a été reconnue par les institutions (Todorov 1978). Or, dans l’espace numérique, cette définition ne semble, de prime abord, plus suffire : l’œuvre peut alors se présenter sous des formes éditoriales inédites. Le corpus d’étude de ce projet se fondera en particulier sur les éditions numériques d’œuvres littéraires dont les caractéristiques éditoriales semblent reconfigurer les concepts d’œuvre, d’auteur ou les pratiques de lecture : notamment la forme de l’édition numérique augmentée du projet Hyperdonat, la forme d’éclatement au travers du Tiers Livre de François Bon, la forme d’une proposition de reconstitution éditoriale à l’infini au travers le volet de second volume sur demande du site Les dossiers de Bouvard et Pécuchet, la forme d’une édition collaborative avec le projet Anthologie Palatine. L’œuvre littéraire dans l’espace numérique ne se présente plus comme une unité en tant que telle, son édition et sa diffusion semblent ne plus relever exclusivement de l’institution éditoriale à savoir les maisons d’édition, et ses nouvelles formes (éclatée, ouverte, à la demande) proposent ainsi une nouvelle expérience de lecture. De plus, les œuvres de l’Antiquité éditées numériquement se trouvent investies par les nouveaux médias pouvant entourer ou même investir l’espace du texte (les forums de discussions, les outils d’annotations, la dimension de multimédia par l’introduction de son, la présence d’hypertexte, etc.). Ces dimensions nouvelles permises par les outils numériques jouent dans le processus de réception. Selon certains cas d’édition numérique, il paraît parfois difficile de distinguer les phénomènes d’appropriation de l’œuvre source et les phénomènes de création autour de cette même œuvre. Ces changements impliquent que les contours du concept d’œuvre semblent imprécis (Compagnon 2000) : si le texte rendu dynamique au sein de l’espace numérique est appelé hypertexte, peut-on parler pour une composition littéraire, que des outils numériques viendraient enrichir, comme d’une hyperoeuvre (Bonnet 2014) ? Comment parler d’œuvre littéraire, selon notre conception de l’œuvre littéraire au sein de l’édition numérique si le texte ne se présente plus comme une unité stable (Bourdieu 1992, Dionne 2012) ?