Greffes inter-langagières : l’exemple du mouvement de la langue arabe en écriture numérique du « tchat »
Yasmine Khribi
Département des littératures de langue française
2104-3272
Sens public 2019/12/11

Il est indéniable que l’écriture dans son mouvement de déplacement d’un support à un autre subit conséquemment certains changements. Le phénomène de transcription de la langue arabe en écriture numérique et plus particulièrement celle du « tchat » pourrait être très représentative de ce mouvement de déplacement de la langue. Derrida le dit : « C’est parce qu’elle est inaugurale, au sens jeune de ce mot, que l’écriture est dangereuse et angoissante ». Il sera donc question dans cette courte recherche de représenter à la fois cette dimension inaugurale de l’écriture du « tchat » de même que ce qui pourrait être perçu comme « dangereux » et « angoissant » et qui s’illustrent notamment dans les nombreux questionnements langagiers et sociaux survenant suite aux changements subis par et à cause de la langue. L’arabe en tant que langue cursive a connu plusieurs difficultés quant à son entrée sur le support numérique. Les difficultés ont été doublées lorsqu’il a été notamment question de son usage à l’intérieur des cadres très circonscrits de la messagerie instantanée ou de ce que l’on nomme communément le « tchat ». Il s’agira de recenser, dans un premier temps, les différents obstacles du déplacement de la langue arabe vers le support numérique. Puis, il faudra se questionner sur la forme même de ce déplacement : est-il vraiment question d’une transposition ? Ne s’agirait-il pas plutôt d’un phénomène de translittération ? Ces questionnements nous permettront de cerner l’ampleur des changements apportés à l’écriture et imposés par le nouveau support (dans sa double problématique) de même que le rapport de cette écriture avec ses origines (l’oralité) et sa descendance (l’oralité ?).

Écriture, Oralité, Numérique, Langue arabe, Messagerie instantanée

Introduction

Lorsqu’il m’arrive de partager mon quotidien anodin avec untel ou unetelle, la question de l’écriture ne se pose pas : le parler s’écrit comme il peut, comme il veut et tel que l’instant le dicte. Cet automatisme qui me prenait lors de mes conversations par messagerie instantanée s’est poursuivi jusqu’au moment où les remarques et les questionnements ont commencé à affluer de toute part : l’on trouvait la manière, dont je combinais les chiffres et les lettres, intrigante et l’on me demandait souvent en quelle drôle de langue je conversais. Cette dernière question a fait l’effet d’une surprise sachant que je n’ai inventé aucune langue et que je ne parlais qu’un arabe dialectal dont les sons et les lettres n’étaient reproductibles (sur un clavier français) en totalité qu’à l’aide de quelques graphèmes que l’on rajoutait tout simplement à l’alphabet latin existant. L’écriture revient à son système de symboles pluriels ; système qui ne suit qu’une logique personnelle, souvent propre à chacun, adopté quelquefois dans un consensus partiel et questionnable. Les graphèmes utilisés comme prothèses langagières sont souvent représentés en chiffres ou en un couple de lettres : les combinaisons sont multiples, les possibilités infinies. Puis, il m’est venu à l’esprit une affirmation de Saussure ; affirmation qui m’a longuement fait réfléchir : « langue et écriture sont deux systèmes de signes distincts ; l’unique raison d’être du second est de représenter le premier […] » (Saussure 1931). Il m’apparaissait alors très clairement que par mon écriture je représentais non pas la langue dans sa mobilité, mais le mouvement de cette langue ; ce trajet fait d’un point d’origine indéterminée et dont la route s’étend encore et toujours vers une finalité non perceptible. La langue se déplace et voyage, elle s’adapte et s’impose, elle s’installe et se métamorphose : que résulte-t-il de ce mouvement de déplacement ? Comment ce mouvement langagier s’inscrit-il dans l’écrit du quotidien, dans les échanges par messagerie instantanée ? Cette recherche s’inspire principalement d’une expérience personnelle. Elle se basera sur deux cas concrets et réels d’échanges en messagerie instantanée ; cas qui nous permettront de proposer certaines hypothèses et pistes de réflexion. Le mouvement langagier sera étudié à travers le phénomène du déplacement de la langue arabe en langue du « tchat ». L’intérêt de ce déplacement repose sur la présence d’une quantité d’obstacles considérables quant à son installation sur le support numérique de même qu’à son inscription dans le cadre précis de la messagerie instantanée. Ainsi, la langue arabe est exclusivement une langue cursive ; ce qui rend son déplacement à la fois remarquable et questionnable. Ce phénomène une fois de plus met la lumière sur la relation ambiguë, mais nécessaire entre l’oral et l’écrit. Elle soulève le questionnement important de la contribution du parler au sein même de l’inscription. À quel moment l’écriture capture-t-elle le mouvement parfois rapide, parfois indiscernable et imperceptible de la langue ? Dans le cas du déplacement de la langue arabe sur le support numérique (et dans les conditions particulières des plateformes de la messagerie instantanée), quel pourrait être l’appellation de ce mouvement et de sa capture : transposition, translittération ou romanisation ? La définition même de la langue dialectale (langue adoptée souvent dans le cadre des conversations par messagerie instantanée) permet la suggestion d’un terme représentatif de ce phénomène langagier : « greffe inter-langagières » ; terme qui présenterait la langue comme le résultat inédit et unique d’un ensemble de greffes scripturales. Enfin, ce mouvement langagier suggère des questionnements relatifs à la considération de l’écriture du tchat comme un système d’écriture à part entière et le déplacement de l’arabe dialectal vers ce système comme une mutation langagière inédite. Le résultat de ces greffes scripturales vient ainsi s’échapper des barrières numériques pour heurter les frontières mouvantes de la communication humaine, pour en influencer la dynamique, pour en révolutionner les pratiques et surtout, pour questionner le mythe de « l’écrire comme le parler ».

Mise en contexte

Présentation de la langue arabe

L’arabe classique

L’arabe est une langue dont les origines demeurent obscures, mais dont la naissance semble avoir été fixée aux environs du VIe siècle. La langue arabe a longtemps été attribuée à la culture islamique en raison de sa forte religieuse (c’est la langue avec laquelle a été originellement écrit le Coran). Cette attribution au religieux est confirmée par Grandguillaume : « Cette référence religieuse s’est accentuée durant la colonisation, quand langue arabe et islam servaient de valeur-refuge identitaire. […] Même méconnue, la langue arabe est porteuse d’un lien profond avec l’islam et avec une conscience arabe » (Grandguillaume 2004).

La langue arabe a été sujette à plusieurs découpages en « variétés ». En effet, mis à part ses variétés « dialectales » (qui seront traités un peu plus tard), l’arabe dans sa forme dite « classique » présente souvent deux variétés (dont les appellations peuvent différer d’une étude à une autre) : l’arabe classique et l’arabe standard (Hamdi 2007) (aussi appelés « arabe littéral classique » et « arabe littéral moderne »(Boujelbane et al. 2015)). Ces deux variétés diffèrent principalement de part, d’un côté, leur historicité (traditionnelle/moderne) et de part, d’un autre côté, leur fonction (religieuse/profane). Ainsi, contrairement à l’arabe classique (réservé aux pratiques religieuses et à la littérature classique), « l’arabe standard » est une « vulgarisation » de cette dernière et constitue donc la langue d’enseignement et la langue utilisée dans les communications médiatiques et politiques de même que dans les productions littéraires modernes (Hamdi 2007).

L’arabe dialectal

Les chercheurs s’accordent à dire qu’il existe une situation de diglossie dans l’ensemble des pays arabes : « En ce qui concerne l’arabe, chaque pays arabe est confronté à une diglossie, qui associe à une langue écrite enseignée à l’école un parler régional. » (Grandguillaume 2004) Ainsi, l’arabe dit « classique » (présenté précédemment) coexiste avec l’arabe dialectal ; ce dernier servant à « véhiculer les besoins quotidiens » (Boujelbane et al. 2015). Cette langue usuelle présente également quelques variétés : d’un côté, l’arabe médian (Hamdi 2007) (ou « le dialectal intellectualisé » (Boujelbane et al. 2015)) qui est utilisé très souvent dans les productions et communications médiatiques (émissions télévisées, programmes à la radio, journaux, etc.) et d’un autre côté, l’arabe dialectal (Hamdi 2007) (ou « le dialectal populaire (familier) » (Boujelbane et al. 2015)) qui fera l’objet de cette présente étude. L’on a longtemps empêché l’inscription de ce langage dialectal, empêchement qui a, selon Grandguillaume, pour but de « sauvegarder l’unicité de la langue écrite, et à travers elle, l’unité de la communauté arabe internationale et de l’islam » (Grandguillaume 2004). L’arabe dialectal constitue bien souvent la langue maternelle des populations des pays arabes. Elle diffère en tous points de l’arabe classique (au niveau syntaxique, phonétique, etc.) et se transforme régulièrement (entrée de nouveaux mots, de nouvelles prononciations, de nouvelles tournures de phrases, de nouvelles significations, etc.), ce qui rend sa fixation en langage écrit difficile (Hamdi 2007). Elle demeure donc, comme le confirme Zribi, exclusivement orale : « The dialects are not taught in schools and have no standard orthography, although they have been for a long time the carriers of rich oral traditions. » (Zribi 2019) Cela est confirmé dans l’étude de Boujelbane et al. selon laquelle « les dialectes sont des langages présentant un manque de ressources » (Boujelbane et al. 2015).

Le « tunisien » ou l’arabe dialectal tunisien

Dans une étude de Bahry et Darras, l’on affirme : « Bien que l’arabe soit la langue officielle de la Tunisie et le français une langue largement utilisée, ni l’arabe ni le français ne sont des langues que les Tunisiens parlent au quotidien. » (Bahry et Darras 2006) La langue parlée par les Tunisiens (et qui sera la langue traitée dans les différents cas d’étude) est nommée communément « le tunisien ». Cette appellation particulière et qui fait abstraction de toute appartenance à la langue arabe ou à la forme dialectale (uniquement dans son appellation) reflète une certaine réalité sociolinguistique décrite par Grandguillaume en ces termes :

[…] [Ces] langues parlées sont les véritables langues maternelles. Elles tendent de plus à prendre une dimension nationale, dans la mesure où, en dépit de variantes internes, elles sont ainsi dénommées : le tunisien, l’algérien, le marocain. (Grandguillaume 2004)

Il faudrait également préciser le caractère « polyglossique » de ce langage « parlé » (Zribi 2019). En effet, ce dernier serait composé essentiellement de termes et d’expressions arabes, mais aussi, et souvent s’y ajoute des emprunts d’autres langues étrangères tels que le français, l’italien, l’espagnol, le turc, etc. (Masmoudi et al. 2014) Il est même question d’une « langue composite » (en parlant du dialecte tunisien) (Bahry et Darras 2006)

Caractéristiques de la langue arabe et obstacles à son mouvement

La complexité de la langue arabe ne repose pas uniquement sur ses nombreuses variétés, mais aussi sur ses nombreuses caractéristiques qui rendent son installation au sein d’un support numérique quelque peu difficile. C’est une langue sémitique transcrite (dans sa version originale) en écriture cursive ; écriture qui permet de saisir ses différentes « agglutinations ». En effet, il a été constaté dans une étude de Boujelbane et al. ce phénomène langagier :

La langue arabe est fortement agglutinante : des articles, des conjonctions, des prépositions, matérialisés par des clitiques, se rattachent aux formes fléchies. On distingue généralement les proclitiques qui se situent avant la forme fléchie et les enclitiques qui se situent après. Contrairement à la plupart des langues latines, les articles, les prépositions ou encore les pronoms se collent aux adjectifs, noms, verbes et particules auxquels ils se rapportent. Comparé au français, un mot arabe peut parfois correspondre à toute une phrase. (Boujelbane et al. 2015)

Ainsi, l’aspect « agglutinant » de la langue arabe repose entre autres sur l’inscription de ses lettres en différentes ligatures. En effet, les lettres de l’alphabet arabe s’inscrivent différemment selon leur position dans le mot (l’on dénombre souvent trois différentes positions : en début, en milieu et en fin de mot). Ces ligatures sont la cause d’une difficulté au niveau visuel à discerner certaines petites lettres (principalement situées en milieu de mot) notamment le « (ـﺒـ : le bâ (7U+FE92), ـﻤـ : le mîm (8U+FEE4), et ـﺘـ : le tâ (9U+FE98) » (Zghibi 2002). Les caractéristiques qui ralentissent le déplacement de la langue arabe sont encore nombreuses : tel qu’il a été rapporté dans l’étude de Boujelbane et al., les différentes liaisons entres les éléments d’une phrase sont collés directement au mot de même qu’il n’y a aucune différenciation entres majuscules et minuscules (Boujelbane et al. 2015). En outre, contrairement à la plupart des systèmes d’écriture celui de la langue arabe adopte le sens horizontal sinistroverse (écriture de droite à gauche), ce qui ne simplifie pas le processus d’adaptabilité de la langue arabe sur le support numérique qui privilégie (selon des conventions internationales) le sens horizontal dextroverse (de gauche à droite). Le texte arabe étant généralement consonantique, les voyelles représentent des « extensions » aux lettres, c’est-à-dire qu’elles sont placées au-dessus ou au-dessous des lettres. La particularité de la langue arabe à combiner les voyelles sur une même lettre complexifie le mouvement langagier de cette dernière (Zghibi 2002).

Enjeux de l’écriture numérique de la langue arabe

Écriture du tchat

À ces mêmes contraintes énumérées précédemment s’ajoutent celles de la forme d’écriture du tchat. Ainsi, la rapidité d’écriture, l’expression d’émotions à travers l’écriture (souvent, au sein même de celle-ci), l’absence d’« écriture type » conventionnelle et normalisée, l’absence de corrections orthographiques ou grammaticales, « l’écrire comme le parler » sont souvent des phénomènes associés à l’écriture du tchat. Bahry et Darras affirment à ce propos :

La rapidité des échanges étant incompatible avec les processus de correction, les messages sont envoyés sans être relus. On écrit comme on parle, sans chercher à se reprendre et en jetant dans le flux de l’échange des phrases courtes dont la forme est déterminée par le genre et les usages complices. (Bahry et Darras 2006)

La langue arabe doit donc s’adapter et se modifier selon ces différentes conditions de l’écriture du tchat tout en préservant ses propres caractéristiques et en les affirmant à travers sa nouvelle inscription sur le support numérique : il s’agit d’un double défi langagier.

Pertinence de l’application de l’écriture tchat sur la langue dialectale

La forme arabique dialectale semble régner sur les plateformes qui offrent la messagerie instantanée aux internautes arabisants. En effet, compte tenu de sa malléabilité, de son inconstance et de sa capacité d’adaptation (presque instantanément) aux changements générationnels du discours, elle se prête très bien au cadre de la conversation en écriture du tchat. Dans l’étude de Boujelbane et al., il est question de cela :

In fact, Dialectal Arabic (DA) is emerging as the language of the news and of many varieties of television programs, and also of informal communication online, in emails, blogs, discussion forums, chats, SMS, etc. (Boujelbane, Ellouze, et Belguith 2013)

L’écriture tchat permet d’une certaine façon d’inscrire ce langage d’ordinaire uniquement parlé sur un support numérique, ce dernier permettant notamment l’enregistrement instantané et continu de cette inscription.

Cas d’étude

Présentation des cas d’étude

Il sera question principalement de deux cas d’études : deux cas de discussions par messagerie instantanée avec des participantes qui ont une certaine maîtrise à la fois de l’arabe classique et de l’arabe dialectal (plus précisément « le tunisien »). Ces discussions ont été entretenues en deux temps : d’une part, il s’agira d’extraits tirés d’anciennes conversations1 (pour saisir l’effet spontané et informel de ce type de communication) et d’une autre part, il y aura un échange (dirigé par moi-même) dans lequel je poserais différentes questions concernant d’une façon directe les problématiques de cette présente recherche. Toutefois, il ne sera pas question du « contenu » des messages, mais toute l’attention sera portée sur la forme et le langage employé. Mis à part la maîtrise des langues à l’étude, le choix des participants a été motivé principalement par la fréquence des échanges, le choix langagier de même que par le type de rapport entretenu.

Les échanges ont été faits sur une plateforme offrant la messagerie instantanée : Instagram. Cette plateforme offre plusieurs possibilités (que l’on retrouve également et possiblement sur d’autres réseaux sociaux) : la rédaction et l’envoi de messages écrits, l’enregistrement et l’envoi de messages vocaux (à durée limitée), la possibilité de marquer son appréciation pour chaque message reçu individuellement, la prise et l’envoi d’images/vidéos, le partage de publications, etc. Cette plateforme a été choisie en raison de son utilisation fréquente pour interagir avec les différentes participantes. Le choix du téléphone mobile comme principal support et dû au fait qu’il offre, comparativement à l’ordinateur, une facilité d’accès au clavier arabe et une grande accessibilité (l’omniprésence du téléphone mobile dans le quotidien) qui favorise la conversation rapide. Certains téléphones intelligents offrent également la possibilité de la « correction automatique », ce qui permet une plus grande insouciance, une plus grande aisance et une rapidité d’écriture.

Il est bien évidemment tenu de préciser les lacunes de cette recherche dont principalement les cas d’étude non exhaustifs. Il s’agit, ici, de présenter une réalité vécue personnellement et de soulever surtout des questionnements et des hypothèses qui pourraient inspirer des recherches ultérieures plus poussées et complètes. C’est pour cela que je prendrais en considération différentes études (faites sur une plus grande échelle) notamment celles de Rama, de Hert, de Bahry/Darras et de Boujelbane et al. pour appuyer mes propos.

Présentation des participantes

Les deux participantes sont tunisiennes (ce qui facilitera l’étude sur le cas précis du dialecte arabe tunisien). Elles ont des connaissances avancées de la langue arabe, mais également d’autres langues (principalement le français et l’anglais). Les deux participantes sont également capables de comprendre l’écriture du tchat employée de même que les différents graphèmes inscrits pour référer aux lettres et sonorités de la langue arabe.2 Les différents échanges se sont faits entre deux personnes ayant un lien de parenté direct (cousines).

  1. La première participante est étudiante dans un programme de maîtrise en génie électrique à une université de Montréal, au Canada. Elle oscille entre l’écriture en alphabet latin et en alphabet arabe (l’alphabet latin est le plus souvent utilisé) pour s’exprimer en arabe dialectal avec l’usage d’autres langues étrangères (principalement le français et l’anglais). Elle emploie également les messages vocaux comme moyen plus facile nécessitant moins d’efforts pour s’exprimer. Les échanges avec cette participante sont d’ordinaire très fréquents (quotidiens).

  2. La deuxième participante est une étudiante dans un programme de maîtrise en littérature de langue arabe à une université à Tunis, en Tunisie. Elle opte toujours pour l’écriture en alphabet arabe (forme d’expression considérée comme classique et formelle) même lorsqu’il s’agit de s’exprimer en arabe dialectal. On remarque essentiellement une absence totale d’usage de langues étrangères. Les échanges avec cette participante sont d’ordinaire occasionnels.

Étude et remarques

Inscription de l’oralité

La langue dialectale est communément présentée comme une langue non écrite : « Les dialectes, n’étant pas des langues écrites, sont très réceptifs aux éléments venant de l’extérieur […]. » (Parzymies 1985) Les différentes plateformes offrant la messagerie instantanée pourraient constituer de ce fait un espace d’inscription à cette langue « parlée ». Toutefois, les termes d’inscriptions et d’écriture demeurent à proscrire selon certains lorsqu’il s’agit de discussions via messagerie instantanée/SMS :

L’écriture automatique est conversationnelle et, sur les SMS ou les chats, elle feint l’oralité. Certains se demandent si l’écriture du Web, qui s’allume et s’éteint sans arrêt sur l’écran, n’est pas plus proche de l’oral que de l’écrit. Elle tient plus de la discussion que de l’inscription. Déclaration et rédaction viennent se confondre sur nos téléphones portables, de même que les clichés pris à la sauvette, consommés sur place ou postés sur Flickr et sur YouTube, peuvent être appelés aussi des images conversationnelles. (Melot 2013)

Tel que le précise Melot, les termes de « discussions » et d’ « images conversationnelles » seraient plus adéquats lorsqu’il est question de l’écriture du tchat/SMS. Ces écritures relèvent beaucoup plus de l’oralité selon ce dernier. N’en demeurent que les « discussions » faites sur les supports numériques et dans le contexte précis de la messagerie instantanée sont des discussions « écrites » et « inscrites », des discussions qu’il est possible de relire puisqu’elles sont automatiquement enregistrées au moment de leur inscription. Dans le cas précis de la langue arabe et de son inscription en écriture du tchat, les effets de l’oralité se font très ressentir. En effet, dans les différents cas d’études, l’on peut recenser plusieurs marques d’oralité. Ainsi, l’on remarque tout d’abord la présence de graphèmes sous la forme plus « perceptible » de chiffres ou sous la forme plus « subtile » de couples de lettres qui ont pour fonction principale de reproduire certaines prononciations arabes qui sont absentes de l’alphabet latin. On peut visualiser ce procédé grâce à l’exemple suivant :

Segment de discussion avec participante 1 Plan rapproché de discussion avec participante 1

Le terme « Mo7bet »3 ou « مُحبِط » représenté plus clairement sur la deuxième image est écrit en deux alphabets différents : l’alphabet latin (en suivant le système d’écriture du tchat) et l’alphabet arabe. Il s’agirait tout d’abord de décortiquer le mot en séparant les consonnes et les voyelles. Ainsi, la consonne « m » représente la lettre arabe « م » (écrite dans sa forme en début de mot « ﻣـ »), le graphème « 7 » équivaut à la lettre arabe « ح » (écrite dans sa forme en milieu de mot « ـﺤـ »), la consonne « b » représente la lettre arabe « ب » (écrite dans sa forme en milieu de mot « ـﺒـ ») et la consonne « t » représente la lettre arabe « ط » (écrite dans sa forme en fin de mot « ـﻂ »). Pour ce qui est des voyelles, elles réfèrent aux petits symboles situés au-dessus et en dessous des lettres : la voyelle « o » correspond à la voyelle arabe « ـُ » située au-dessus de la lettre « م » et la voyelle « e » (qui peut aussi être la voyelle « i » dans ce cas précisément de par les sonorités proches) correspond à la voyelle arabe « ـِ » située au-dessous de la lettre « ب ». Ce procédé de correspondance en graphèmes et en lettres latines s’applique d’une façon beaucoup plus étendue (sur des répliques complètes représentées en des phrases ou des textes) :

Segment de discussion avec participante 1

Par exemple, si l’on se concentre sur la deuxième réplique : « Met9al9a w manich fi a7sen 7aléti ma N7ebch n3addilk les ondes ».4 Le choix des graphèmes « 9 », « 7 » et « 3 » pour remplacer respectivement les lettres arabes « ق », « ح » et « ع » n’est pas anodin : il était tout à fait possible de se contenter des lettres « k », « h » (non-muet) et du couple de lettres « aa » pour reproduire une certaine correspondance aux lettres arabes originelles ; ce qui donnerait la version suivante : « Metkalka w manich fi ahsen haléti ma Nhebch naaddilk les ondes ». Cette dernière version est visuellement beaucoup plus homogène et elle est tout à fait lisible pour un connaisseur de l’alphabet latin. Seulement, cette correspondance ne serait pas tout à fait juste : la sonorité ne serait pas concordante ; l’importance de « l’inscription de l’oralité » devient alors évidente dans ce cas. Le texte arabe en écriture du tchat est un texte qui s’inscrit selon des conditions de rapidité et d’adaptabilité au locuteur (conditions relevant de l’écriture), mais c’est également un texte qui se lit, et pour se lire, il doit présenter des indicateurs appropriés d’oralité. Outre la présence de graphèmes, l’on retrouve également l’indicateur des doubles lettres.

Segment de discussion avec participante 1 Segment de discussion avec participante 1

Dans ces deux exemples, la présence des doubles lettres est récurrente : « Win brabbi kamlettou el s7an ?? 3ala chkoun t3addi feha ? […] »,5 « Bech tsajjel 7oudhourek »,6 « Aya sayeb talifoun 5allina na9raw […] »,7 etc. Ces doubles lettres marquent un effet sonore présent dans la langue arabe (appelé al chadda en arabe), « ّ » (situé toujours au-dessus de la lettre), et qui indique la mise en accent sur la lettre qu’elle chapeaute. La reproduction de cet effet perceptible à l’oral est donc incarnée sous la forme des doubles lettres qui peuvent se multiplier davantage pour reproduire un autre effet d’oralité de la langue arabe : l’allongement des voyelles (appelé la madda en arabe).

Segment de discussion avec participante 1

Toujours dans le même exemple, l’on remarque les termes « Riiii9 »8 et « In9aridhoooooou ».9 Les multiplications des lettres « i » et du son « ou » reproduisent ce phénomène oral d’allongement de même qu’elles marquent la tonalité du message (la tonalité étant généralement une composante manquante à l’écrit). La marque de tonalité (ou d’émotion) est également perceptible par ce procédé qui s’applique à des termes non arabes :

Segment de discussion avec participante 1

On le retrouve dans cet exemple par l’écriture du terme « Merciiii » (qui marque un effet d’enthousiasme) de même que l’on retrouve l’allongement des voyelles arabes dans la réplique « i5alliki liya yaaaa rabb ».10 Cette marque d’oralité est également présente lorsque l’inscription du discours (en alphabet arabe) se fait avec l’écriture du tchat:

Segment de discussion avec participante 2 Segment de discussion avec participante 2 Segment de discussion avec participante 2

De ces trois exemples, l’on relève les trois termes suivants :11 « يسموون » ,12 « مساالش » et13 « خيير » . Ces trois termes présentent la même marque d’oralité (multiplication d’une lettre) que celle relevée précédemment. Cette marque d’oralité permet de définir encore une fois la tonalité du discours ou la manière appropriée avec laquelle le texte doit être lu. Toutefois, bien qu’il y ait bel et bien une « inscription de l’oralité » au sein même du discours transcrit en écriture du tchat, l’oralité peut se manifester d’une façon beaucoup plus flagrante à travers les messages vocaux:

Segment de discussion avec participante 1 Segment de discussion avec participante 1

Dans ces deux exemples, la participante a privilégié l’envoi de messages vocaux, car elle trouve que « les paroles ont un plus grand pouvoir d’expression que l’écriture ».14 Cette domination de l’oral n’exclue pas la présence d’une « écriture » de cette oralité : le message vocal avant d’être entendu demeure une image visuelle, une « image communicationnelle » si l’on peut emprunter le terme employé par (Melot 2013). Il n’est certes pas possible de décoder le message transmis à la simple « lecture » de cette image, mais elle illustre une « prise de parole » et les différentes intensités de voix avec lesquelles a été prononcé ce message (représentées par les barres plus hautes ou plus courtes en fonction de l’intensité de la voix).

Segment de discussion avec participante 1

Autre marque d’oralité représentée en une « image communicationnelle » : la présence de petits coeurs (accompagné de l’icône représentant la personne qui a émis ce coeur) qui réfère à l’acte usuel sur les réseaux sociaux de liker. Ce double symbole témoigne d’une appréciation (et de son auteur), mais aussi, et surtout d’une présence. Peppe Cavallari affirme à ce propos :

Aujourd’hui, à travers ce qu’on appelle les nouvelles technologies, nous partageons plusieurs formes de présence qui, bien qu’elles ne soient pas physiques, sont tout de même « en fait ». […] l’écriture conversationnelle (se composant bien sûr d’images autant que d’écrits) à travers laquelle nous agissons engendre une simulation qui se révèle être le moyen grâce auquel nous construisons et percevons autrement. (Cavallari 2016)

Dans le cas d’un dialogue oral, la présence est marquée par la présence physique ou à travers la voix (lorsqu’il s’agit de conversations téléphoniques) ; dans le cas d’un dialogue en écriture du tchat, la présence est incarnée sous d’autres formes telles que des icônes (par exemple, les petits coeurs accompagnés d’une représentation de leur auteur relevés précédemment). Ces icônes suggèrent l’affirmation suivante : « Oui, j’ai bien lu et reçu ton message et je l’ai apprécié. » Cette transmission de l’appréciation est ce qui pourrait les différencier de la marque vu (ou seen) qui apparaît automatiquement lors de la lecture d’un message (et qui est également une marque de présence). À travers ces nouvelles pratiques d’écriture, l’oralité s’inscrit en expressions, en ponctuations, mais aussi en « images conversationnelles ». Hert traite de ce nouveau rapport oralité-écriture dans son étude :

Alors que l’écrit joue un rôle central dans notre civilisation, Walter Ong remarque que les nouveaux médias (télévision, radio, téléphone) font réémerger une oralité dans la communication […] En effet, cette nouvelle oralité, qualifiée de secondaire, est dépendante de l’écriture. Par conséquent, elle ne joue pas du tout le même rôle que l’oralité définie comme un mode central de communication dans un groupe humain. (Hert 1999)

Hert poursuit en présentant cette forme d’écriture (l’écriture du tchat) comme « quasi-orale ». Ce dernier ajoute : « Dès lors, on voit apparaître le rapport pouvant exister entre les interactions électroniques et la fonction que nous attribuons à la parole. » (Hert 1999) Bien que le rapport de l’écriture du tchat (et surtout dans le cas de la langue arabe) à l’oralité semble évident, il s’agit de mettre la lumière sur ce système d’écriture arbitraire et singulier. « L’écrire comme le parler » devient pour ainsi dire une représentation superflue du phénomène de l’arabe dialectal transcrit en écriture du tchat puisque ce dernier englobe des techniques de même que d’autres motivations de transcription (autre que représenter l’oralité) ; il serait plus judicieux ainsi de parler d’une véritable inscription de l’oralité.

Patchwork linguistique

Ce qui revient souvent, outre l’usage de graphèmes, c’est la présence d’une diversité langagière au sein d’un même discours. Ainsi, lorsque l’on parle des phénomènes de la domination des dialectes arabes (par rapport à la langue « classique », « inscrite » ou même à la langue « sacrée ») ainsi que de l’avènement du système de l’écriture du tchat, les chercheurs relèvent souvent la présence d’une « décohésion linguistique » (Bahry et Darras 2006). Cette dernière représente le fait linguistique d’une langue englobant différents autres langages. L’exemple du dialecte tunisien semble intéressant à ce niveau. En effet, l’étude entreprise par Bahry et Darras précise :

Dans la réalité, les Africains du nord et particulièrement les Tunisiens pratiquent un système linguistique mixte articulant différentes langues, dont la composante principale est l’une des formes de l’arabe prononcé à la tunisienne. (Bahry et Darras 2006)

Cette mixité est perceptible (ou non) à plusieurs niveaux : l’on retrouve des termes/expressions empruntés à des langues étrangères qui sont modifiés au niveau phonologique pour se transformer en des termes/expressions faisant partie prenante de la langue dialectale (la perception de ces emprunts est très faible, car il faut avoir une certaine connaissance des langues étrangères desquelles les emprunts ont été effectués).

Segment de discussion avec participante 1

Dans cet exemple, la première réplique contient plusieurs termes empruntés à l’italien : « cournou » (qui veut dire « cornet », de l’italien « corno ») et « Krima » (qui veut dire « crème », de l’italien « crema »). Ces emprunts sont difficilement perceptibles pour une personne n’ayant aucune connaissance relative à cette langue. La difficulté repose également sur le fait que ces emprunts ont fait l’objet de changements au niveau phonologique ; leur inscription en écriture du tchat peut rajouter à cette difficulté. Ces changements phonologiques sur des expressions/termes empruntés à des langues étrangères peuvent remonter à très loin dans l’histoire (notamment aux différents moments de la colonisation de la Tunisie) et font donc partie à proprement parler de la langue appelée « le tunisien » (tel que définie précédemment). Ces emprunts, notamment ceux relevés dans le précédent exemple, constituent de par leur ancienneté une composante de la langue dialectale ; l’on ne questionne donc plus ces emprunts. Toutefois, le processus d’emprunt langagier demeure toujours d’actualité :

Segment de discussion avec participante 1 Segment de discussion avec participante 1 Segment de discussion avec participante 2

Dans ces deux exemples, nous remarquons la présence de deux emprunts qui sont plus ou moins perceptibles en raison des changements dont ils ont fait l’objet : premièrement, le terme « nlikiw » qui vient du verbe anglais « liker » et qui porte à présent les marques relatives à la liaison et à la conjugaison ; marques provenant de la langue dialectale et appliquées directement sur le terme emprunté (la traduction exacte serait « nous likons »). Dans le deuxième exemple, l’on retrouve le même procédé appliqué à un terme emprunté à la langue française : « imotivi » venant du verbe « motiver » (la traduction exacte serait « il motive »). Dans le troisième exemple, le terme emprunté de la langue française « el classikiya » qui signifie « classique » est un autre cas d’« arabisation partielle ». Il est question d’« arabisation partielle » puisque les modifications ne sont apportées qu’au niveau phonologique (le terme demeure inscrit dans son alphabet originel). Ce procédé d’arabisation de termes empruntés aux langues étrangères a été relevé par Grandguillaume : « L’arabe parlé, dont on s’attendait à ce qu’il emprunte à l’arabe international, tend de plus en plus à arabiser des mots français ou anglais […]. » (Grandguillaume 2004) Ce procédé atteint son paroxysme dans le cas suivant :

Segment de discussion avec participante 1

En effet, l’expression « مي توووو » est une transcription textuelle de l’expression en langue anglaise « me too » (la retranscription précise en langue originale serait « me toooo »). Dans ce cas, il n’y a aucune modification faite à l’expression (mis à part la mise en accent de la dernière syllabe dont le but d’expression émotionnelle) : lorsqu’il s’agit de faire la lecture en arabe de cette expression elle aurait plus ou moins la même sonorité que si elle était exprimée dans sa langue originale. Il s’agit encore une fois d’une « arabisation partielle ». Ce phénomène langagier est assez intéressant puisqu’on le retrouve en deux versions différentes. Parallèlement à la « romanisation » de la langue arabe, l’on retrouve une « arabisation » (partielle ou totale) des langues étrangères dont notamment le français et l’anglais. Le procédé d’arabisation peut se manifeste également de façon totale :

Segment de discussion avec participante 2

Dans cet exemple, le dernier terme employé dans la deuxième réplique, « الفايسبوكية » qui signifie « provenant du Facebook » (la traduction exacte serait « facebookienne ») présente une arabisation totale du terme puisque l’emprunt a non seulement été reconverti en alphabet arabe, mais il a également fait l’objet de modifications au niveau phonologique.
Dans l’étude entreprise par Masmoudi et al., l’on apporte un autre niveau de perception de ces emprunts ; ces derniers peuvent s’adapter et se confondre à la langue dialectale, mais ils peuvent aussi être utilisés tels quels sans aucune modification :

The trace of this interaction in the language is manifested in the introduction of borrowed words from French, Italian, Turkish and Spanish in Tunisian Arabic. These borrowings are used in the daily life of Tunisians with some phonological changes. However, many borrowed words are used in the discourse of the Tunisians without being adapted to the Tunisian phonology. (Masmoudi et al. 2014)

Segment de discussion avec participante 1 Segment de discussion avec participante 1

Dans les deux derniers exemples, plusieurs expressions issues de la langue française (emprunt très récurrent de cette langue) sont utilisées et sont très facilement repérable : « 7abbit je te contamine avec ma bonne humeur de la journée […] »15 , « […] kif ta7ki 3ala ton stress et ce qui te dérange, ça peut t’aider »,16 « Tawa trop occupé hobi ncit stress »,17 « […] ma N7ebch n3addilk les ondes »,18 etc. Des emprunts d’expressions anglaises sont également incluses dans le discours : « […] ama mthabta elli mech tgued ro7ek and you will do the best that you can ».19 Ces emprunts en différentes langues étrangères peuvent être inclus séparément, mais aussi simultanément dans un même et unique discours.

Segment de discussion avec participante 1

La toute première réplique est rédigée en trois langues différentes : en plus de l’arabe dialectal tunisien (retranscrit en écriture du tchat), l’on retrouve des expressions et des termes empruntés aux langues française et anglaise. Tout l’intérêt repose sur le positionnement de ces expressions/termes et leur inclusion au sein du discours : ils font tous partie intégrante de la phrase. Ce procédé se répète dans la réponse à cette dernière réplique : « Non à mon avis ma tnajamch tkoun lougha indépendante jamais »20 ; la phrase débute ainsi en français, se poursuit en arabe dialectal et se conclut par des termes français. Chaque élément joue le rôle qui lui ait octroyé dans la phrase (d’un point de vue grammatical).

Il est possible de remarquer une diversité langagière au niveau de l’écriture tchat en usant du « clavier arabe » (les systèmes d’écriture utilisés étant généralement référés par les internautes en termes de « claviers »). Dans le deuxième cas d’étude où la participante communiquait en alphabet arabe, l’on a remarqué une alternance entre l’usage de l’arabe classique et de l’arabe dialectal. Les transitions ne sont pas marquées : une même phrase peut à la fois contenir des termes appartenant à l’arabe classique et à l’arabe dialectal, dans une fusion similaire à celle qui allie des termes français/anglais à des termes arabes.

Segment de discussion avec participante 2

Dans cet exemple, la première portion de la réplique«21 اي مسالش » relève de l’arabe dialectal alors que l’expression qui vient immédiatement après«22 لك ذلك » appartient au langage « soutenu » de l’arabe classique; et on enchaîne le reste de la phrase en arabe dialectal.

Il s’avère important à quelques reprises d’inscrire le terme ou l’expression dans son alphabet originel pour éviter une ambiguïté au niveau de la lecture :

Segment de discussion avec participante 1

Dans cet exemple (déjà illustré précédemment), la participante a inscrit le terme qu’elle voulait exprimer en deux écritures différentes : en premier lieu, l’on retrouve une inscription en écriture du tchat « Mo7bet »23 ; s’ensuit une inscription en alphabet arabe (alphabet originel) « مُحبِط » avec une attention particulière portée aux voyelles (qui facilitent la lecture du mot).

Segment de discussion avec participante 2

Il arrive également que l’on privilégie l’écriture en alphabet latin de termes empruntés à la langue française ou anglaise pour éviter à la fois l’écriture du mot en alphabet arabe (qui demande le changement du clavier de même qu’une attention plus particulière à l’écriture arabe qui est maîtrisée, certes, mais qui n’est pas habituellement utilisée dans le cadre des communications en messagerie instantanée), mais aussi, et surtout pour éviter la confusion que l’inscription de cette expression en écriture du tchat pourrait entraîner. En effet, dans le dernier exemple (à la deuxième réplique), l’expression « par exemple » a été préférée à ses équivalents arabes en écriture du tchat « mithél » ou « mathalan » puisque ces deux dernières « écritures » peuvent créer une ambiguïté au niveau de la lecture, lors de la prononciation du graphème « th » (qui réfère dans ce cas à la lettre arabe « ث ») ou du son « an » (qui devrait être prononcé « anne »). Le choix d’un système d’écriture par rapport à un autre, l’entremêlement de ces différents systèmes relèveraient donc de choix arbitraires, oui, mais qui émergent suite à de profondes réflexions et un souci particulier porté à la compréhension du correspondant de même qu’à l’adoption d’une écriture moins exigeante et moins éreintante.

Enfin, l’appellation de « décohésion linguistique » (telle que présentée dans l’étude de (Bahry et Darras 2006)) peut suggérer une certaine connotation péjorative présentant le phénomène selon la confusion langagière qu’il peut susciter de même que son éloignement du souci de la « bonne écriture académique » (le souci apporté à la grammaire et à l’orthographe entre autres). Il y a, toutefois, une autre façon de percevoir ce phénomène langagier, tel que le suggère Grandguillaume notamment :

Face à tous les déterminismes, la vie des langues est autonome, et elles évoluent d’autant plus qu’elles sont orales. Elles vivent non seulement côte à côte, mais elles échangent et s’interpénètrent. Elles le font par ce que les linguistes appellent le code switching, l’alternance codique : une phrase commencée en arabe moderne va se poursuivre en français, ou en arabe parlé. (Grandguillaume 2004)

Il est question de « codes switching », mais aussi de « créations langagières » dans l’étude de (Rama 2014). Dans ces deux derniers cas, l’accent est plutôt mis sur la richesse et la diversité langagière : les différents systèmes d’écriture se côtoient, s’adaptent l’un à l’autre et ne font plus qu’un dans la phrase, dans le texte. Il va sans dire que le support numérique joue un rôle important dans l’inscription et la préservation de ces créations langagières ou de ce que l’on pourrait appeler des patchworks langagiers :

Segment de discussion avec participante 1

Dans ce dernier cas de figure, nous retrouvons tout juste au-dessus du clavier « français » (le choix du clavier est particulièrement pertinent) des « suggestions de mots » qui relèvent pour la plupart de l’écriture du tchat. Ce qui est intéressant de percevoir dans ce cas, c’est qu’à force d’utiliser ce qu’on pourrait appeler système d’écriture, le langage a non seulement été assimilé par le support, mais devient de ce fait plus accessible et « à portée de doigt ». L’écriture du tchat devient ainsi plus aisée et rapide. Le choix du clavier est pertinent puisque ces « suggestions » qui ne se rapportent en rien au vocabulaire de la langue française sont assimilées au clavier français, ce dernier étant le plus utilisé pour l’inscription des termes/expressions en écriture du tchat.

Migration langagière

Lorsqu’il est question de mouvement langagier de l’arabe et plus précisément de sa forme dialectale, l’on se heurte au problème à savoir celui de définir ce type de mouvement :

Il y a aussi le problème difficile de la notation des dialectes arabes. En général, ceux-ci ne sont pas écrits, la langue classique étant seule jugée digne d’être confiée à l’écriture. Si on veut noter des mots ou phrases entendus, il faut donc recourir non à la translittération, mais à la transcription et employer un des systèmes de transcription courants. (Rodinson 1964)

Tel que le précise Rodinson et tel qu’il a été convenu par plusieurs linguistes, le mouvement langagier de l’arabe dialectal dans sa notation n’est autre qu’une transcription et non pas une translittération. Rodinson présente également la différence entre ces deux types de mouvements :

La transcription note des sons, mots ou phrases parlées dans une langue ou un dialecte en se basant uniquement sur leur prononciation « sans s’inquiéter de la façon dont ces langues ou dialectes ont pu être écrits jusqu’ici ». La translittération au contraire consiste à écrire en autres caractères (pratiquement les caractères latins) des mots, lettres ou phrases écrits dans d’autres écritures « sans s’inquiéter de la façon dont les mots de ces langues sont actuellement [c’est-à-dire en réalité] prononcés. (Rodinson 1964)

Si l’on se fie à ces définitions, il est clair que le phénomène de transcription est celui qui se rapproche le plus du cas de l’inscription de l’arabe dialectale en écriture du tchat dans une perspective de « reproduction de l’oralité de la langue originelle ». Par contre, le phénomène de translittération pourrait également s’appliquer dans la perspective de « reproduction de l’écriture de la langue originelle » si l’on prend en compte la présentation qu’en fait Perrin :

[La translittération] vise la reproduction de l’écriture et de l’orthographe originales, en représentant les caractères d’un alphabet par ceux d’un autre alphabet. L’alphabet latin étant généralement insuffisant (l’alphabet arabe compte 29 lettres avec la hamzaẗ), on augmente le nombre de caractères en créant des digrammes – groupe de deux lettres représentant un seul son (gh, kh) – […]. (Perrin 2016)

De plus, l’on remarque dans la translittération de l’arabe en alphabet latin une certaine correspondance visuelle entre les lettres arabes et leurs équivalents en graphèmes :

Lettre arabe Graphème équivalent
ء 2
ح 7
خ 5
ع 3
ق 9

Selon ce dernier tableau (abrégé), l’on peut remarquer une certaine ressemblance entre la forme des lettres arabes et les graphèmes/chiffres arabes auxquelles elles équivalent : certains graphèmes représentent même une symétrie de la lettre arabe équivalente (par exemple : la lettre « ء » et le chiffre « 2 », la lettre « ع » et le chiffre « 3 », etc.). L’inscription de l’arabe dialectal en écriture du tchat est ainsi plus complexe et présente plusieurs couches et sous-couches de langues réelles et de langues modifiées (incluant tout ce qui a été relevé par rapport à l’inscription de l’oralité et au patchwork linguistique* entrevus précédemment). Les termes de transcription et de translittération bien que représentatifs de certains aspects du mouvement langagier à l’étude, ne suffisent pas à le définir dans sa globalité. L’on pourrait penser au phénomène linguistique de romanisation qui est défini ainsi selon Chevrant-Breton : « […] on entend par romanisation la conversion d’écritures non latines dans l’alphabet latin, soit en transcription, soit en translittération, soit selon un système mixte. » (Chevrant-Breton 2007). Toutefois, le phénomène de « romanisation » de la langue arabe ne serait pas pertinent dans le cas de l’expression de la langue arabe en écriture du tchat puisque le mouvement de la langue semble, dans ce cas, être multiple : oui, il y a transcription de la langue arabe en alphabet latin, mais il y a également présence d’une « arabisation » de termes empruntés aux langues étrangères.

Lorsque l’on a à l’esprit les différents cas d’étude qui ont servi d’exemples pour illustrer certains phénomènes linguistiques ; lorsque l’on se remémore la diversité langagière et la diversité des modifications apportées aux différentes langues employées, l’on peut avoir à l’esprit ce nouveau terme « greffe inter-linguistiques » (inspiré de « greffe inter-génériques ») qui suggère la présence d’une implantation de plusieurs greffons de langues (par greffons l’on sous-entend les langues étrangères modifiées ou non) sur une langue mère (la langue arabe) elle-même modifiée (double modification : forme dialectale et écriture du tchat). Lorsque nous analysons des structures diverses de discussions en écriture du tchat, il est possible d’affirmer que ces nouvelles greffes langagières tiennent bien, qu’elles sont acceptées et imbriquées dans leur nouvelle structure réceptive.

Conclusion

L’écriture du tchat soulève plusieurs questionnements, mais aussi plusieurs jugements : l’on parle souvent de « décohésion linguistique » (Bahry et Darras 2006), d’« anarchie des transcriptions et des translittérations » (Rodinson 1964), de « cacophonie » (Perrin 2016), etc. Ce que l’on retient à travers les quelques exemples étudiés, c’est qu’il existe plusieurs couches et sous-couches de la langue et que le cumul de ces derniers est possible lorsqu’il est question de l’écriture du tchat. Ainsi, le support numérique devient un terrain fertile à ces greffes inter-langagières et offre ainsi plusieurs possibilités de combinaisons de langues. Le mouvement langagier étudié ne pourrait pas être réduit à une simple transposition, il y a une véritable réflexion et un véritable travail linguistique qui s’accomplit sur un plan commun où l’oral est au service de l’écrit et vice-versa. Ce travail consiste entre autres en la création d’un système d’équivalences (en graphèmes) pour rendre accessibles certaines lettres ou prononciations, en l’inscription d’une oralité, en la modification, en la juxtaposition et en l’entremêlement d’emprunts langagiers. Le travail final est représenté par le dialogue retranscrit et partagé : il démontre la réussite d’un procédé similaire à la « greffe » et que l’on a nommé dans le cadre de cette recherche greffe inter-langagière. L’hypothèse que cette dernière constatation propose serait la possibilité de considérer le résultat des différentes greffes langagières comme la création d’une nouvelle langue ; une langue ayant ses propres codes, son propre alphabet (un alphabet dépassant la barrière des 26 lettres de l’alphabet latin et celle des 29 lettres de l’alphabet arabe), ses propres expressions, sa propre écriture, etc. Il est vrai que les conventions faites concernant les équivalences langagières ne sont que partielles et que l’application d’une forme d’écriture par rapport à une autre est arbitraire, n’en demeure que l’écriture du tchat représente fort souvent des procédés récurrents et des intentions unanimes (par exemple, le désir de manifester une certaine « oralité » à travers l’écriture rapide ou à travers l’action de « taper le texte »). Cette recherche ne peut que servir à émettre certaines pistes de réflexion et certaines hypothèses, mais il serait tout à fait pertinent de l’étendre en travaillant sur un plus grand nombre de cas d’étude. La motivation principale de cette recherche repose dans la constatation faite par Bahry et Darras :

Partout dans le monde, les jeunes générations sont en train de modifier en profondeur leur rapport à la langue et à l’écriture. À ce titre, les technologies récentes sont souvent considérées comme des accélérateurs de ce processus. La situation polyglotte de la Tunisie et le fait que le tunisien soit une langue orale privée de forme écrite contribuent à rendre ce phénomène plus sensible dans ce pays. (Bahry et Darras 2006)

Le choix de l’arabe dialectal tunisien (ou « le tunisien ») n’est pas anodin puisqu’il permet d’avoir une perspective intéressante sur cette révolution langagière de même que sur ce phénomène de greffe inter-langagières : l’on voit ainsi la diversité des langues et leur entremêlement d’une façon beaucoup plus claire ; le dialecte tunisien étant déjà un terrain dans lequel coexistent langue arabe et langues étrangères. Il serait intéressant de voir si ce phénomène de « greffe inter-langagières » pourrait être applicable à d’autres langues « parlées » et qui n’ont pas encore été transcrites. L’étude de l’impact social de l’écriture du tchat sur les supports numériques pourrait également constituer un axe de recherche pertinent. Il s’agirait de traiter entre autres l’effet de ce système d’écriture sur les rapports inter-générationnels ainsi que les concepts de « conventions » et d’« inclusion/rejet » à travers et par l’écriture du tchat. Les greffes inter-langagières s’accomplissent en petites révolutions linguistiques sur les différents supports numériques ; elles sont possibles grâce à la pratique d’une mixité de langues par plusieurs utilisateurs et internautes. La combinaison des différents greffons donne une langue plurielle, libérée des barrières académiques qui l’empêchent de croître, qui la fixe et l’empoussière. Cette langue s’adapte selon le contexte, selon le ou les correspondants, elle se métamorphose au gré des pensées et non plus au gré des normes linguistiques. Son ouverture au monde et ses quelques manifestations nous suggèrent l’existence possible d’une langue mondiale ; langue inscrite dans son oralité et dans son écriture ; langue en devenir déjà sur les supports numériques.

Annexe

Consentements des participantes

Consentement de la participante 1
Consentement de la participante 2. Traduction : -« Ammouna est-ce que c’est possible d’utiliser notre discussion pour un travail de recherche dans le cadre d’un cours que j’ai à l’université ? La recherche porte sur les mouvements langagiers de la langue arabe en écriture du tchat. Je vais simplement utiliser ton cas comme exemple puisque tu utilises toujours le clavier arabe alors que je ne fais pas nécessairement la même chose. » -« Oui, ce n’est pas grave. Tu as droit à ça et si tu as besoin de mon avis sur la question pour que ça soit plus clair, ce n’est pas grave aussi. Je te donnerai [mon avis].»

Tableau d’équivalences graphèmes/lettres arabes selon le contexte propre aux cas d’étude24 :

Graphème Lettre arabe équivalente Nom de la lettre
‹ 2 › ou ‹ aa › ء hamza
‹ 3 › ع ʿayn
‹ 5 › ou ‹ kh › خ khā
‹ 7 › ou ‹ h › ح ḥā
‹ 8 › ou ‹ gh › ġayn
‹ 9 › ق qāf
‹ dh › ذ dhāl
‹ th › ث thāʼ

Bibliographie

Bahry, Sonya, et Bernard Darras. 2006. « Mutation linguistique et nouveaux médias. Mosaïque linguistique en Tunisie ». MEI, nᵒ 24–25:191‑200.
Boujelbane, Rahma, Mariem Ellouze, et Lamia Hadrich Belguith. 2013. « Mapping Rules for Building a Tunisian Dialect Lexicon and Generating Corpora ». In IJCNLP.
Boujelbane, Rahma, Mariem Ellouze, Frédéric Béchet, et Lamia Belguith. 2015. « De l’arabe standard vers l’arabe dialectal : projection de corpus et ressources linguistiques en vue du traitement automatique de l’oral dans les médias tunisiens ». Revue TAL, mai. https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01193325/document.
Cavallari, Peppe. 2016. « Le Phonopostale et les sonorines : un échec riche d’idées ». Cahier Louis-Lumière, nᵒ 10 (décembre):77‑86.
Chevrant-Breton, Philippe. 2007. « Rendre lisible l’illisible. Esquisse d’un état de l’art en matière de translittération, transcription, romanisation, et autres conversions d’écritures ». Bulletin des bibliothèques de France, nᵒ 3 (janvier):29‑35.
Grandguillaume, Gilbert. 2004. « Les langues au Maghreb : des corps en peine de voix ». Esprit (1940-), nᵒ 308 (10):92‑102.
Hamdi, Rym. 2007. « La Variation Rythmique dans les Dialectes Arabes ». Thèse de doctorat, Université Lumière Lyon 2. http://theses.univ-lyon2.fr/documents/lyon2/2007/hamdi_r#p=0&a=top.
Hert, Philippe. 1999. « Quasi-oralité de l’ecriture électronique et sentiment de communauté dans les débats scientifiques en ligne », novembre. https://archivesic.ccsd.cnrs.fr/sic_00000517.
Masmoudi, Abir, Mariem Ellouze Khmekhem, Yannick Estève, Lamia Hadrich Belguith, et Nizar Habash. 2014. « A Corpus and Phonetic Dictionary for Tunisian Arabic Speech Recognition ». In The 9th edition of the Language Resources and Evaluation Conference (LREC 2014). http://www.lrec-conf.org/proceedings/lrec2014/pdf/454_Paper.pdf.
Melot, Michel. 2013. « Troubles dans l’écriture ». Medium N° 36 (3):49‑65.
Parzymies, Anna. 1985. « Appellatifs turcs dans le dialecte arabe de Tunis ». Rocznik Orientalistyczny/Yearbook of Oriental Studies Rocznik Orientalistyczny, T. 43, (1984), wyd. 1985. http://dspace.uni.lodz.pl/xmlui/bitstream/handle/11089/16909/43_14.pdf?sequence=1&isAllowed=y.
Perrin, Emmanuelle. 2016. Signifiants et signifié : la translittération de la langue arabe. Édité par Guy Barthélemy, Dominique Casajus, Sylvette Larzul, et MercedesEditors Volait. Karthala. https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01411439.
Rama, Damiano. 2014. « Analyse de l’impact culturel d’un changement technologique sur la sociabilité adolescente ». Adjectif (en ligne), juillet. http://www.adjectif.net/spip/spip.php?article300.
Rodinson, Maxime. 1964. « Les Principes de la translittération, la translittération de l’arabe et la nouvelle norme de l’ISO ». Bulletin des bibliothèques de France, nᵒ 1 (janvier):1‑24.
Saussure, Ferdinand de. 1931. Cours de linguistique générale (3e éd.) / Ferdinand de Saussure ; publié par Charles Bally... et Albert Sechehaye,... avec la collaboration de Albert Riedlinger,... Payot. https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k314842j/f55.image.
Zghibi, Rachid. 2002. « Le codage informatique de l’écriture arabe : d’ASMO 449 à Unicode et ISO/CEI 10646 ». Document numerique Vol. 6 (3):155‑82.
Zribi, Inès. 2019. « A Conventional Orthography for Tunisian Arabic », novembre. file:///C:/Users/ABC/Downloads/Zribietal.-2014-AConventionalOrthographyforTunisianArabicAnOverviewofTunisianArabic.pdf.

  1. Ces extraits sont présentés avec le consentement des deux participantes. Les consentements peuvent être consultés dans l’annexe↩︎

  2. Le tableau des équivalences graphèmes/lettres arabes employées dans les différents cas d’étude peut être consulté dans l’annexe.↩︎

  3. « Déprimant »↩︎

  4. « Je ne vais pas bien et je ne suis pas dans mon meilleur état d’esprit. Je ne veux pas te passer les ondes [négatives] »↩︎

  5. « Où voit-elle l’assiette vide ?? De qui se moque-t-elle ? […]»↩︎

  6. « Pour marquer ta présence »↩︎

  7. « Allez, lâche le téléphone et laisse-nous étudier […]»↩︎

  8. « Manière de se montrer » (Traduction non exacte)↩︎

  9. « Disparaisseeeez »↩︎

  10. « Que Dieu te garde à moi »↩︎

  11. Surnom du prénom Yasmine : « Yasmoun »↩︎

  12. « ce n’est pas grave »↩︎

  13. « mieux »↩︎

  14. Réplique originelle présente sur la première image : « […] les paroles y3abbrou akther mil ktiba »↩︎

  15. « Je voulais te contamin[er] avec ma bonne humeur de la journée »↩︎

  16. « Quand tu parles de ton stress et ce qui te dérange, ça peut t’aider »↩︎

  17. « Maintenant, trop occupé mon amour j’ai oublié [le] stress »↩︎

  18. « Je ne veux pas te passer les ondes [négatives] »↩︎

  19. « […] mais je suis certaine que tu réussiras et que tu feras tout ton possible »↩︎

  20. « Non à mon avis elle ne peut pas être une langue indépendante jamais »↩︎

  21. « Oui, ce n’est pas grave »↩︎

  22. « tu as droit à ça »↩︎

  23. « Déprimant »↩︎

  24. Une version plus complète de ce tableau est accessible à partir du lien suivant↩︎