Une plongée dans Les Nuées d’Aristophane
Département des littératures de langue française
2104-3272
Sens public

Au cinquième siècle avant Jesus-Christ, Aristophane confectionne une pièce de théâtre, une comédie grecque classique, intitulée Les Nuées . Aristophane, né en 450 av. J.-C. et mort en 380 av. J.-C. , est un poète comique grec de l’époque. Il est le seul écrivain de comédie dont les textes nous sont parvenues.

## Ce qui se passe…

### Historiquement

Le cinquième siècle avant Jesus-Christ est surnommé, pour les grecs, le siècle de Périclès qui est un homme politique, militaire et orateur athénien designé à plusieurs reprises comme chef de la cité. Il permet l’achèvement des Longs Murs qui entourent la cité pour proteger, la construction de deux temples d’Athéna, des Propykées qui sont les entrées monumentales de l’Acropole et enfin du théâtre de Dionysos. Périclès, ce dirigeant incontestable, veut aussi mettre en place un système démocratique en diminuant le pouvoir des aristocrates. Ce siècle débute le 1er janvier 500 av. J.-C. et finit le 31 décembre 401 av. J.-C. Dans sa première moitié, la cité d’Athènes s’oppose à celle Perse en déclenchant deux Guerres médiques marquées par la victoire athénienne. Les grecs qui habitent sur la côte de l’asie refusent de se faire dominer par les perses. Les athéniens viennent pour les aider ce qui ne plait pas au roi Perse. Il leur ordonne de se soumettre. Athène lui resiste, et c’est ce qui provoque le combat. La cité d’Athènes est brûlée, mais ses citoyens et les autres Grecs s’unissent pour défaire les perses. La tactique des grecs basée sur des espaces petits leur nécessitait de petits bateaux, contre ceux des perses qui étaient grands. Ils gagnent la guerre grâce au minimalisme et à la collectivité qui prime sur l’individualité. C’est cette victoire, celle athénienne de Salamine en 480 av. J.-C., qui permet à Athènes d’imposer son autorité à la plupart des cités grecques qu’on regroupe dans la Ligue de Délos . C’est une ligue de défense qui a pour but d’assurer la tranquillité des Grecs en empêchant le retour des Perses. Athènes domine donc politiquement, millitairement, économiquement, culturellement et artistiquement. Périclès est à la tête de la cité et renforce ses institutions démocratiques. Il met en place un programme de grands-travaux pour faire reconstruire l’acropole ruinée après la guerre de 479 av. J.-C., pour assurer le plein-emploi et pour instaurer l’égalité entre riches et pauvres. Les victoires prestigieuses attribuent à Athènes un rôle fondamental. On connaît là son apogée. C’est une periode de renaissance avec l’explosion de la prospérité, de la richesse etc. Cependant, les perses, grâce aux Spartiates et à leurs alliés, arrivent à vaincre Athènes. Sparte prend sa place en tant que dominateur du monde grec. Ce renversement est la consequence de la guerre de Péloponnèse qui dure de 432 av. J.-C. a 404 av. J.-C. Elle est declenchée par Spartes, une cité puissante, qui veut détruire Athènes car elle profitait de sa position elevée en utilisant les biens des autres pour son propre avantage. Le déclin commence et une rupture de culture se met en place entre les jeunes qui ont benificié de la renaissance et les anciens. C’est une tension entre deux types de valeurs liée à la politique et a l’histoire. Cela entraîne un changement social et culturel avec une crise des valeurs d’Athènes, du bien-être et de la prospérité. Le déclin permet aux grecs et surtout à Athènes de voir naître un nouvel art, l’art oratoire. C’est l’art de convaincre et d’émouvoir. Il s’occupe du discours politique pour servir la cité et influencer les citoyens. Les orateurs, nommés sophistes, sont des spécialistes du discours et du savoir. Ils offrent leurs services de maîtres à des gens riches ou aux enfants des élites en les convainquant que devenir un grand homme se fait par cet art même et non par l’epée. Ils vendent leur savoir et font avancer des raisonnement illusoires ce que les philosophes comme Socrate contestent. D’ailleurs, Socrate est un philosophe qui aime la sagesse sans être un sage. Il invite tout le monde à se consacrer à la recherche du savoir. Il le fait sans se faire payer ou en bénificier personnellement, d’où le problème avec son appartenance au sophisme qui prête à confusion dans Les Nuées.

### En littérature

Athènes subit beaucoup de nouveauté. L’idée de la comédie vient d’une filliation directe de fêtes religieuses qui se transforment au cours du temps. Elles deviennent des évènements plutôt littéraires qui sont les origines de la tragédie et de la comédie dans les sociétés greques de l’époque, en prônant l’art oratoire. Les fêtes dionysiaques célèbrent le Dieu Dionysos par des chants, des couronnemenet et du vin. Les acteurs de la fête y participe en animant des phénomènes de la vie qui représente ce Dieu tels le vin, la folie et le désordre. Ils sont symbolisés par la résurrection, la mort, la passion, les sentiments, le combat, la souffrance et le triomphe. Ces festivals de théâtre, basés sur la performance, se placent parallèlement avec la tragédie. En allant du côté de la comédie, le komos des Dionysia est à l’origine d’une mascarade qui imite la cérémonie dionysiaque. La meilleure, la plus ridicule et la plus belle performance permet de gagner un prix. On voit là une marchandisation de la littérature et de la religion. La société de l’époque subit beaucoup de changements qui sont apparents dans Les Nuées.

## Les Nuées

Strepsiadès est un homme dont la condition est modeste. Il a un fils nommé Phidippidès. Ce dernier a un grand amour pour l’équitation et pour tout ce qui fait référence au monde du cheval. Se mère, elle, est d’un rang social plus élevé que celui de son père. Cela trouble les choix de Phidippidès coincé entre deux mondes complètement opposés. Son amour pour les chevaux appauvrit et anéantit leur petite famille graduellement. L’excès d’argent qu’il dépense à endetté ses parents. Pour sortir de ce pétrin, Strespiadès décide d’aller voir Sokratès, un philosophe parmis d’autres, qui se vante pour sa pensée superieure, sa maîtrise de la langue et de la rhétorique. Il acquiert ses capacités de la philosophie que lui et ses semblables glorifient aux citoyens d’Athènes. Par là, Strepsiadès espère convaincre ses créanciers de délaisser l’argent qu’il leur doit en apprenant de Socrate l’utilisation du discours injuste. Il découvre petit à petit qu’il lui est impossible de comprendre le raisonnement logique et philosophique de Socrate. Il met donc son fils à sa place. Phidippidès devient l’élève de Socrate qui lui transmet toute sa sagesse. Le problème est que le résultat de cet apprentissage n’est pas idéal. Il n’a fait que dérègler et corroder l’élève en question.

### Une critique de la culture contemporaine

L’oeuvre critique un présent qui égare toute tradition et toute culture après la guerre de Péloponnèse. Elle marque Aristophane qui attaque l’actualité politique et sociale de son époque. Il prône donc le retour aux valeurs du passé qu’il met en scene par Strespiadès. C’est un paysan vieux, gourmand et jamais satisfait qu’il oppose au fils jeune mais coincé dans des fantasmes puisque les sages de sa cité ne lui ont encore rien enseigné. La jeunesse ne sait donc pas bien penser le juste et l’injuste de l’actualité que les vieux ne comprennent pas non plus. Ils ont une autre vision de ce qu’est la justice et la sagesse. Cette rupture d’idéologies est le résultat de la philosophie néfaste pour l’ancienne génération et pour celle plus récente du cinquième siècle avant Jesus-Christ. Va gaiement, en raison de ton ouvrage. Bonne chance à ce vieillard, que son âge avancé n'empêche pas de prendre une teinture des nouveautés à la mode, et qui s'exerce à la sagesse.. L’oeuvre parle aussi de la transition d’une société collectiviste à individualiste. L’argent prend une grande place dans la société auprès des citoyens. Ils négligent les biens publics pour ne se préoccuper que des biens personnels capitalistes. Où est l'homme qui me demande de l'argent? De là, les gens trouve une nécessité aux choses et à la richesse. Il n’y a que les apparences qui compte. On peut le voir par les costumes raffinés échangés contre la simplicité et les valeurs traditionelles. Tu leur enseignes aujourd'hui à s'empaqueter tout d'abord de vêtements. La prospérité sociale, surtout sur le plan économique, apporte les goûts du luxe. En opposition aux valeurs de la guerre, les devoirs qui font noble un citoyen sont negligés. Je m'indigne, quand il leur faut danser aux Panathenaea, de les voir tenir leurs boucliers... L’idée des chevaux et de l’équitation est une représentation de la luxuriance et de l’aristocratie ici et non du combat. Elle voulait qu'il y eut du cheval dans son nom. Ce rejet de la tradition et du passé tend au dérèglement moral à cause de la liberté excessive. Le respect n’est plus pris en compte. Aristophane le demontre par Phidippidès qui frappe son pere en trouvant cela tout a fait normal. Dis-moi, n'est-il pas juste que j'aie pour toi meme bonne intention et que je te frappe... La liberté de pensée devient une imposture pour Aristophane. Il y a une critique de la culture contemporaine car elle corrompt les jeunes et le peuple, et Socrate ou Sokrates en est la cause. C’est une culture qui tente même de hiérarchiser la société selon le territoire. Il y a une séparation de la vie de luxe dans la ville et de celle médiocre dans la campagne. Alors je me suis marié, moi paysan, à une personne de la ville...

### Socrate et les sophistes

Socrate est caricaturisé par Aristophane. Il le met en scène en tant que Sophiste. Je veux apprendre à parler. Il s’attaque à lui, un personnage connu, pour mieux faire passer le message à la société qui met en doute les valeurs de la tradition. C’est ce que les Sophistes apportent aux citoyens d’Athènes par leur pensée dite intellectuelle, novatrice et relativiste. Là sont loges des âmes sages des hommes qui disent et démontrent que le ciel est étouffoir, dont nous sommes entourés, et nous, des charbons. Ils enseignent, si on leur donne de l'argent, à gagner les causes justes et injustes. La raison, les valeurs, les croyances et les comportements humains n’ont donc aucun lien avec les divinités et l’absolu puisqu’ils vont au-delà de la perception. C’est le relativisme qu’Aristophane illustre par les Nuées en rejettant les divinités de la traditions grecque athénienne et donc prône ce qui est nouveau. C’est l’injustice contre la justice sans jamais avoir un entre-deux. Comment donc, si la justice existe, Zeus n'a t-il pas péri pour avoir enchaîné son pere? La dévalorisation de ce qui est divin dans ce texte fait penser à l’importance que les Athèniens donne au dieu Dionysos à cette epoque. Il est excentrique et ne promet même pas le salut. Socrate méprise donc les divinités de la culture traditionnelle en les séparant de ses dieux à lui. D'abord les dieux ne sont pas chez nous une monnaie courante. Il met en relation leurs divinités, celle des philosophes, avec les Nuées. Ils croient en ce qui est vide et ce qui est de l’apparence. Les Nuées, nos divinités? Les dieux, ceux nouveaux comme Dionysos, ont le pouvoir d’inspirer du vide. Les Nuées sont donc les nouvelles déesses de la cité. Mais les Nuées celestes, grandes divinités des hommes oisifs... Socrate impose le tout à son élève qui devra non seulement croire au vide, mais aussi à la déraison et à ce qui est faux par le Khaos et la Langue. À l'avenir, n'est-ce pas, tu ne reconnaîtras plus d'autres dieux que ce que nous reconnaissons nous-même. Si les divinités sont vides et fumeuses, c’est que la philosophie l’est aussi. Aristophane montre que la philosophie est un enseigenemnt qui s’occupe des choses absurdes. La recherche philosophique emmène nul part. Elle est donc inutile. Aristophane remet en question les dialogues philosophiques et la rhétorique de Socrate qu’il ne voit pas comme persuasifs : Maintenant, que les rivaux, confiants dans leurs procédés oratoires, montrent lequel des deux paraîtra le plus fort dans l'art de parler.

## Un genre réactionnaire qui inclut la philosophie

Aristophane représente ou théorise la philosophie dans la littérature grâce à la comedie. Il s’attaque à elle par le ridicule. C’est un genre qui ne se fonde pas sur le progrès social et les avancées scientifiques. La comédie veut faire plaisir au public. On décide donc de rétablir la règle pour faire plaisir et instruire en même temps. Aristophane donne donc, grâce au rire, une grande place à l’actualité politique, sociale, philosophique, intellectuelle et cultrelle du cinquième siècle avant Jesus-Christ dans son oeuvre

## Bibliographie

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