Tension et densité de l’intervalle sériel
Guillaume Soulez
Département des littératures de langue française
2104-3272
Sens public 2021/03/15
Il faut abandonner une perspective de la sérialité comme purement « industrielle » (Adorno/Horkheimer) ou in fabula (Eco) pour rendre compte de la richesse sémiotique et herméneutique de l’intervalle sériel. Une double répétition (Soulez), structurelle (par le genre, par exemple) et matricielle (par la question irrésolue en jeu tout au long de la série), détermine un double intervalle et une implication différente (mais complémentaire) du spectateur. Cette approche permet de mieux identifier la signification de certaines bifurcations et bizarreries des épisodes et on peut voir le rôle très important des intervalles qui viennent « habiter » des espaces intermédiaires, flottants, voire être constitués en tant que tels alors qu’ils ne semblaient pas secondaires ou, au contraire, essentiels, selon qu’on change de point de vue ou de plan d’interprétation. Nous verrons que l’intervalle sériel est un espace de porosité possible entre diégèse et spectateur du point de vue de la temporalité, en indiquant que des circuits temporels complexes (projections, relectures, découpages et redécoupages, etc.) sont à l’œuvre pour guider ou stimuler le travail spectatoriel. Deuxièmement, que l’intervalle est différent selon qu’il est pris dans une dynamique structurelle ou génésique (y compris du point de vue de l’intertextualité). On peut, troisièmement, noter qu’il existe dans le travail spectatoriel une capacité d’intervallisation, ou création d’intervalles, plus ou moins virtuelle.
One should leave behind a perspective of seriality as purely “industrial” (Adorno/Horkheimer) or in fabula (Eco) to account for the semiotic and hermeneutic potential of the serial interval. A “double repetition” (Soulez), structural (through genre, for example) and connected to the matrix (through the unresolved question at stake throughout the series), determines a double interval and different (but complementary) involvements of the spectator. This approach makes it possible to better identify the meaning of certain bifurcations and peculiarities of the episodes, and one can see the very important role of the intervals that come to occupy intermediate, floating spaces. Intervals may be constituted as such even though they did not seem “secondary” (e.g. regarding to the main storyline) or, on the contrary, crucial, depending on whether one changes one’s point of view or interpretation plan. We will consider that the serial interval is a space of possible porosity between diégesis and spectator from the point of view of temporality, indicating that complex temporal circuits (projections, rereading, cutting and re-cutting, etc.) are at work to guide or stimulate spectator activity. Secondly, we will show that the interval is different depending on whether it is caught in structural dynamics or in dynamics connected to the matrix, including when intertextuality matters. Thirdly, we can note that there is inside spectator activity a more or less virtual capacity for intervallisation, or the creation of intervals.
Arts et lettres
Cinéma
sérialité, double répétition,travail spectatoriel, Les Soprano
seriality, double repetition, spectator activity, The Sopranos

Cadre théorique

Penser l’intervalle dans le champ des séries pose tout d’abord un problème sémantique : la notion de « série » (series) est liée à l’industrie, et par extension à l’industrie culturelle. Qu’il s’agisse des expressions bien connues comme « littérature industrielle », « fabrique de roman » à propos de Dumas ou Dickens, des serial, des « séries » chez Pathé, ou de la « sérialisation » chez Adorno et Horkheimer, la notion de « série » met l’accent sur le résultat (le produit fini) au bout de la chaîne. Dans un imaginaire de la fabrique ou de l’usine (à rêves), fabriquer s’oppose à faire (poïen) dans la mesure où le résultat est conçu pour être toujours le même. Sont mis de côté la relation à l’objet, l’investissement affectif, la dynamique temporelle de la relation : ce qui est avant ou après n’a pas de valeur en soi, l’important est la sortie de l’objet de la chaîne de production et le moment de sa consommation, ainsi que la continuité de la consommation, comme le marquent les cartes de fidélité qui existaient du temps des serials. Cette perspective tend donc à nier l’intervalle, en particulier entre deux épisodes.

Approche structurelle

C’est en se tournant du côté de la réception des séries qu’on se rend véritablement compte, s’il en était besoin, qu’intervalle il y a, car les spectateurs ne cessent de vouloir anticiper sur la suite, de combler le temps entre deux épisodes. Ce temps d’attente fait l’objet de multiples investissements, comme, par exemple, des récapitulations, des spéculations sur le sens de l’action de certains personnages ou de la série elle-même. Umberto Eco pourrait nous proposer une première approche pour penser l’intervalle à partir de sa théorie du lector in fabula appliquée aux séries, dans son célèbre « Innovation et répétition… » (1997). Dans cette perspective, on pourrait distinguer à partir de son article trois figures du spectateur : le spectateur qu’Eco appelle « naïf » qui se laisse prendre par la programmation de l’attente (comme le lecteur de roman policier au cours de sa lecture, ou le spectateur de Columbo qui fait des hypothèses pendant l’épisode) et produit un certain nombre de conjectures quant à l’intrigue. Il s’agit de prolonger pendant l’intervalle les fils du travail fait pendant l’épisode. A un deuxième niveau, le spectateur « averti » (celui qui connaît les règles du genre et les règles spécifiques à sa série), plutôt que de prendre plaisir à l’intrigue, est capable d’évaluer le scénario proposé lui-même : son plaisir est donc un plaisir de connaisseur. Il va comparer les intervalles entre eux (les types de suspense proposés par exemple). Enfin, à un niveau infra, le plaisir « d’entendre toujours la même histoire », qui serait au fondement de la sérialité selon Eco, produit une attente forte mais elle n’a pas de contenu en elle-même, elle est entièrement tendue vers le moment de la reconnexion avec l’épisode attendu. On voit que l’intervalle ici est entièrement déterminé par la production (scénariste, diffuseur) et qu’il a un rôle faible de prolongement, voire un rôle inexistant ou illusoire (dans le cas du spectateur qui veut entendre la même histoire et se soucie peu de l’intervalle).

Approche génésique

Avec une approche ainsi appuyée sur la structure sérielle, on reste très en deçà de ce que tous les travaux sur la réception des séries ont pu mettre en valeur (Glevarec 2012). L’activité interprétative du spectateur autour de l’intervalle peut alors s’étudier de façon peut-être plus dynamique comme pragmatique de la lecture sérielle, dont les principales caractéristiques sont les suivantes (Soulez 2011). La sérialité est un phénomène qui déborde la mécanique de la série télévisée ; un lecteur/spectateur peut mettre en série différents paramètres ; tout élément peut servir d’« opérateur de la lecture sérielle » (studio, genre, acteur, héros récurrent, « auteur », etc.), et ce, de façon intratextuelle, intertextuelle, transtextuelle, intra-, inter- ou transmédiatique, etc. ; certaines sérialisations sont implicites (personnelles ou collectives), d’autres sont explicites (comme l’indiquent souvent les titres, les paratextes – par exemple lire Les Temps modernes « comme un Charlot ») ; on peut distinguer une série-matrice (fondée sur une matrice ou sérialité interne) – ce qu’on appelle en général aujourd’hui une « série » – d’une série-collection ou anthologie (fondée sur une sérialité extérieure) qui organise une unité (une collection éditoriale, une case télévisée, par exemple) qui n’est pas fondée sur une matrice (on peut avoir une série-matrice à l’intérieur d’une série-collection) ; une série-matrice comporte une dimension matricielle (sa « question » qui revient, telle que nous l’avons définie) et une dimension structurelle (son genre, sa « formule »… (Esquenazi 2014)) ; on peut ne pas lire un objet selon sa matrice mais lire une série comme une simple collection (exemple : les films dans lesquels figure le personnage d’Antoine Doinel chez Truffaut si l’on considère le héros comme un prétexte à aborder différentes étapes de la vie versus un intérêt pour l’évolution du personnage de film en film). Selon cette perspective, l’intervalle (entre deux épisodes) n’est que l’une des possibilités d’écart entre deux (ou plusieurs) objets culturels mis en série via un (ou plusieurs) paramètres.

Par exemple, si je racontais la suite des Quatre cents coups en bande dessinée, je gèrerais à la fois un écart médiatique (changement de média) et un écart temporel (c’est une suite), avec la possibilité de jeux entre les deux, surtout si je mobilise les autres films avec Antoine Doinel (par exemple en intercalant la diégèse de la bande dessinée entre deux films, Les Quatre cents coups, 1959, et Antoine et Colette, 1962). Je pourrais compliquer les choses en stimulant une mise en série avec la biographie de Truffaut. Cela ne pose pas de difficulté particulière, c’est une question de ressources disponibles : les spectateur-lecteurs peuvent aisément naviguer entre les différentes séries et intervalles.

Un intervalle intensif

Si l’on approfondit ce point, on peut dire que l’intérêt à retrouver un problème, une question, que l’on trouve dans les séries-matrices (qu’il s’agisse d’un problème lié à un « sujet », à une question politique, ou à des questions de mimésis et représentation), l’intervalle se situe entre deux « prises » du problème, donc son retentissement est variable, en lien avec la temporalité vécue (état du « sujet », évolution politique, actualité des arts et représentations, etc.). L’intensité produite par la tension entre deux épisodes, contrairement à l’intervalle structurel qu’on a pu reconstituer via Eco, est ainsi non prévisible. Un cas maximal, assez célèbre, le montre bien : entre la saison deux et la saison trois de The West Wing (A la Maison blanche) (Sorkin 1999–2006) ont eu lieu les attentats du 11 Septembre 2001. Les scénaristes ont donc répondu à l’attente produite par ces attentats (comment une série centrée sur le Président américain allait-elle prendre en charge cet événement) en « remplissant » sans tarder l’intervalle entre ces deux saisons par un épisode diffusé dès le 3 octobre 2001, « Isaac et Ismahel », directement connecté sur le plan des enjeux (un employé musulman est accusé – à tort – de préparer un attentat) afin de combattre les amalgames entre terrorisme et Islam. On voit que cette « question » traitée par The West Wing n’est (toujours) pas résolue quand Pierre Sérisier, sur son blog « Le Monde des Séries », peu après l’attentat du Bataclan du 13 novembre 2015, propose un extrait de l’épisode titré « Why do they hate us ? » (« Pourquoi nous haïssent-ils ? ») avec ce commentaire : « à l’époque, [cet épisode] ne fut pas vraiment compris par le public. Le traumatisme était trop grand pour entendre ce qu’Aaron Sorkin disait sur ce sujet. Quatorze ans plus tard, ce passage n’a pas perdu une seconde de sa pertinence » (Sérisier 2015). L’intervalle de moins d’un mois est devenu un intervalle de plusieurs années qui fait vivre la série, dont la structure même, permet par sa plasticité et sa chronicité propre, de se connecter au(x) présent(s) des spectateurs : à la sérialité fictionnelle de The West Wing se combine une mise en série (notamment médiatique) des attentats entre eux. A l’inverse d’une œuvre « fermée », l’intervalle joue un rôle crucial en permettant cette diastole vis à vis de la réception.

Le double intervalle

Ainsi, la double répétition, structurelle et matricielle, détermine un double intervalle et une implication différente (mais complémentaire). Un intervalle structurel – ou la dimension structurelle d’un intervalle donné – va engager des hypothèses spectatorielles qui vont avoir trait à la différence entre un intervalle de série modulaire et un intervalle de série feuilletonnante, sur le rôle et la qualité du cliffhanger, sur les techniques de réassurances après un intervalle (surtout long : saison, interruption de plusieurs années), et bien sûr va développer un jeu sur les attentes et un échafaudage d’hypothèses quant à l’intrigue à suivre pendant l’intervalle… Tandis qu’un intervalle lié à la matrice, ou intervalle génésique – ou la dimension génésique d’un intervalle donné – va ouvrir un questionnement sur la façon dont la série va proposer (anticipation de l’avenir de la série), ou a proposé (relecture des épisodes précédents pendant la pause), des pistes interprétatives quant au(x) quasi-sujet(s) porteurs de la relation intersubjective, ou quant aux dynamiques politiques ou artistiques qui peuvent entrer en résonnance avec l’enjeu de la série et proposer un nouveau retravail de la « question » qui l’anime.

Prenons dans la même série, Lost (Lieber, J., et Lindelof 2004–2010), la question de l’intervalle structurel et celle de l’intervalle génésique. Lost a proposé, en avril 2005, entre le 20e et le 21e épisodes de la première saison un « épisode spécial » récapitulatif qui permettait aux spectateurs ayant pris la série en route de comprendre l’intrigue. Un tel « épisode spécial », de nos jours, est en général un épisode qui vient rompre la loi ordinaire de l’intervalle propre à la structure de chaque série, soit pour constituer une « exception à la règle » mais rester dans la logique structurelle (ce qui est le cas ici puisqu’il s’agit de bien suivre l’intrigue, comme si on l’avait suivie depuis le début), soit, plus rare, pour répondre à un enjeu génésique fort (comme pour « Isaac et Ismahel »), mais sans conséquence sur la compréhension structurelle ordinaire. Du point de vue de l’intervalle génésique, en revanche, Lost ne cesse de « créer des trous » entre épisodes (voire à l’intérieur des épisodes) pour démultiplier les pistes interprétatives et favoriser – c’est un euphémisme – l’activité des spectateurs1 : quel sens donner alors aux différents intervalles, entre épisodes, entre saisons, etc. ? Y-a-t-il une réponse religieuse, politique, philosophique ? S’agit-il d’une réflexion sur la fiction même et ses mondes possibles ? Série de l’ère des réseaux sociaux, Lost a densifié de façon maximale les intervalles pour engager une reconsidération permanente des enjeux, et plus précisément pour mettre à mal toute tentative d’arraisonner la série autour d’un enjeu qui serait plus central que les autres, tout en incitant à chercher quelle serait « La » question en jeu. Ce qui a suscité chez les spectateurs une sorte de symbolisation débridée de tous les indices, mêmes les plus minuscules, et une mise en relation (en série) d’éléments disparates via des abductions fulgurantes qui défiaient l’intelligence voire le sens commun. Un petit tableau (Tableau. 1) peut permettre de récapituler simplement les choses :

LOST Structure hypercomplexe Matrice incertaine
Intervalle combler les trous béants (mode d’emploi) chercher quelle est la question (raison d’être)
Enjeu « perdus » (les personnages/nous) Désorientation (spatiale, temporelle…) Perte de sens

Tableau. 1. Le double intervalle dans Lost.

Approfondissement : étude des six premiers épisodes des Soprano

Intervalle et structure des Soprano

« The continuing story arc of The Sopranos is of how Tony Soprano deals with the often conflicting requirements of his home life and the criminal organization he heads » indique le chapô de la page Wikipedia des Soprano. On pourrait traduire ainsi cette présentation qui a le mérite d’être synthétique : « L’arc central de l’intrigue des Soprano porte sur la façon dont Tony Soprano tente d’arbitrer en permanence le conflit entre ce que requiert sa vie de famille et ce que requiert l’organisation criminelle qu’il dirige ». Ce chapô renvoie à un article (« Bada Bye To The Sopranos ») de la journaliste Lorna Cooper sur MSN (2007). Cette présentation extérieure, ou behavioriste si l’on préfère, de l’intrigue souligne le conflit, bien identifié, entre famille et Famille (Mafia). Dans cette perspective, largement partagée par les spectateurs, on peut identifier aisément une logique interne de l’intervalle et une logique externe. Du point de vue interne, on peut ainsi se demander si le « Dr Cusamano » mentionné par sa thérapeute, le Dr Melfi, au début de la série va apparaître un jour. Oui, il finit par apparaître ultérieurement dans la première saison, ce qui renforce la cohérence diégétique. Autre dimension interne de la structure et des intervalles qui en découlent : la durée en temps fictionnel d’un épisode, d’une saison. Bien que la série garde un peu de flou et de souplesse, on reconstruit assez facilement une temporalité diégétique vraisemblable à partir de deux points de repère : dans le pilote, Meadow, la fille de Tony, prépare les examens d’entrée à l’université (les « SAT » dans le jargon américain), à peu près au moment de la migration des canards sauvages vers le Canada (qui déclenche une panic attac chez son père, qui entreprend alors une thérapie, etc.), puis elle fait des entretiens dans l’épisode 5, logiquement intitulé « College ». Cette migration a en général lieu en mars-avril et la tournée des colleges en mai. De fait, on retrouve dans le ciel les fameux canards sauvages vers la fin de l’épisode 5, plus au nord, dans le Maine (sur la route du Canada). On peut donc estimer que deux mois environ se sont écoulés en cinq épisodes, soit environ deux semaines pour le couple épisode+intervalle. A l’intérieur d’un épisode, de façon cohérente, avec différents indices (le lendemain, deux jours après), on trouve une durée de quelques jours, ce qui permet de ramasser l’intrigue. D’un point de vue externe, la durée diégétique (un intervalle d’une semaine environ) s’approche donc d’une durée réelle (bien appropriée à une série réaliste qui fera disparaître de son générique les Twin Towers après le 11 Septembre 2001) puisque les épisodes sont diffusés chaque semaine, le dimanche, à partir du 10 janvier 1999, et jusqu’au 4 avril 1999. La série, du point de vue de la saison climatique, a un peu d’avance mais son rythme de diffusion colle au rythme diégétique. On peut noter d’autres connexions externes entre la temporalité de la série, ses intervalles et la vie des spectateurs comme l’approche de l’an 2000 mentionnée dans certains dialogues de 1999, ou le fait que HBO programme cette série le dimanche soir, qui est un soir traditionnellement familial aux Etats-Unis pour une série sur un « Family Man » (un peu particulier).

Tout est en place, par conséquent (contrairement à Lost), pour installer une structure fixe, fluide et cohérente, bien appropriée à la peinture d’un monde d’autant plus troublé par Tony que ce monde était a priori stable et régulier. Comme ces mots de Chase, expliquant ce que Les Soprano doivent à Twin Peaks (1990–1991), le disent bien : « I didn’t really watch much television until the first season of Twin Peaks, in 1990 (…) That was an eye-opener for me. There’s mystery in everything David Lynch does. I don’t mean, Who killed Laura Palmer ? There’s a whole other level of stuff going on, this sense of the mysterious, of the poetic, that you see in great painting, that you see in foreign films, that’s way more than the sum of its parts. I didn’t see that on television. I didn’t see anybody even trying it » (Biskind 2007).

Cet « autre niveau » que nous essayons de saisir avec la notion de matrice engage un questionnement qui va traverser et bouleverser cette régularité structurelle même. On voit bien ce processus à l’œuvre dans l’épisode 4 à la treizième minute environ.

Rappelons les éléments principaux de la dimension structurelle : après la mort du père de Tony, c’est Jackie Aprile qui dirige le clan, mais celui-ci, dont la mort est annoncée dès la mise en production de la série (à partir de l’épisode 2), vient de mourir. Uncle Junior, frère cadet du père, et Tony sont rivaux pour prendre la succession. Un certain nombre d’incidents meurtriers ont eu lieu entre leurs deux bandes et, dans l’entourage de Tony, certains, comme Christopher, son fils spirituel, l’incitent à se venger. Tout est programmé, comme dans la structure des films de mafia, pour que Tony profite de la situation et s’impose. Or, à la fin du pilote, nous avons entendu un échange entre Junior et la mère de Tony, Livia, figure de la mère castratrice (parfois appelée par les critiques « La Médée du New Jersey »), qui fait peser une menace sur la tête de Tony : la rivalité avec Junior renvoie donc au trouble œdipien de Tony (révélé par le départ des canards de leur nid) dans son lien avec un père impossible à égaler (notamment aux yeux de sa mère). De façon surprenante, malgré la montée de la tension, l’arrivée un peu menaçante, avec son revolver, de Tony dans le restaurant où Junior l’attend, etc., Tony laisse son oncle prendre le poste de capo, sans doute inspiré par ses échanges avec sa thérapeute – à propos de sa mère revêche – qui lui a suggéré de traiter les vieilles personnes comme des enfants à qui l’on laisse penser qu’ils contrôlent la situation. La logique génésique prend alors le dessus sur la logique structurelle, montrant que Tony progresse dans sa thérapie (même s’il l’applique à sa guise à Junior, ce qui fait tout le sel de ce retournement, et ne règle donc rien sur le fond…), ce qui s’oppose avec drôlerie aux élucubrations de Christopher, qui se croit dans Scarface : « toi et tes scénarios ! » lui dit Tony qui peine à le faire taire.

De l’épisode 2 à l’épisode 4, la série avance donc vers une issue qui serait celle des « scénarios » de Christopher, selon une mise en série avec le genre du film de mafia, d’autant que Junior a empiété sur le terrain de Christopher (donc de Tony), ce qui accroît la tension, pendant l’intervalle entre l’épisode 3 et 4. C’est un casus belli. Mais, un peu après le début de l’épisode 4, cette dynamique se retourne grâce à la ruse de Tony (laisser à Junior les apparences du pouvoir) pour s’apaiser tout à fait dans l’épisode 6 intitulé « Pax Soprana »… Christopher est comme une figure du spectateur qui se serait laissé prendre par la montée de la tension portée par la dynamique structurelle2, alors que Tony, sagement, renonce à la répétition sérielle de la vendetta parce qu’il parvient à s’en extraire pour son propre compte, ce qui apparaît d’autant mieux que la mise en série externe (avec le film de mafia) est explicitement écartée. C’est une leçon de lucidité pour le spectateur de la série : ne pas se laisser trop facilement prendre par la logique structurelle et prendre garde, en particulier, au contenu des intervalles, lieux (imaginaires, parfois non représentés) où se déchaînent les désirs de vengeance et autres lubies dangereuses…

Un schéma (Figure 1) peut permettre de voir comment se joue la bifurcation ici :

Intervalles et bifurcation dans les quatre premiers épisodes des Soprano : en bas, les quatre épisodes (1,2,3,4). En blanc, bleu, rouge : trois fils ou dynamiques structurelles de l’intrigue. En vert : la dynamique génésique qui vient faire bifurquer la série en lien avec la « question-Tony » de l’épisode 1 (pilote).

On voit donc que la dynamique génésique vient faire dévier la série, selon une autre logique de la répétition, faisant le lien entre la « question-Tony » originelle et la conciliation surprise avec Oncle Junior. Cette dynamique matricielle est aussi à l’œuvre dès le début de l’épisode 4 lui-même : il commence en réalité par une séance de thérapie, comme dans le pilote, qu’on pourrait croire reliée au fil narratif ordinaire de la structure des Soprano, mais bien vite la séance devient une séquence érotique où Livia, la mère, et le Dr Melfi, la thérapeute, se superposent… on comprend qu’il s’agit en réalité d’un rêve de Tony. On comprend aussi que dans l’intervalle entre l’épisode 3 et l’épisode 4 s’est déroulé ce rêve dont nous sommes témoins de la fin, au moment où Tony va se réveiller (nous prenons le rêve in medias res). La dynamique génésique « travaille » en somme la série, de façon sous-jacente si l’on se situe sur le plan structurel : elle propose une autre logique narrative et cognitive pour la série. Si bien qu’on peut aussi changer de point de vue et considérer que ce sont les passages structurels qui sont les intervalles entre des moments où se manifestent la véritable – au sens de plus déterminante – dynamique de la série.

Un tableau (Tableau 2) peut nous permettre de résumer et spécifier alors les différences entre les deux types d’intervalle :

Intervalle structurel Intervalle génésique
continu sous-jacent et manifestation erratique
régulier irrégulier
transparent opaque
limité ouvert
mesurable (ordre des intervalles) non-mesurable
mise en série intertextuelle déductive (ex. : par le genre) mise en série intertextuelle herméneutique (ex. : interprétations de Lost via des passages de Robinson Crusoë (Defoe), du Contrat social (Rousseau), etc.)

Tableau 2. Différences entre les deux types d’intervalle

Intervalle génésique et analyse des séries (approfondissement suite)

Il nous semble que grâce à cette dialectique des dynamiques et des intervalles entre eux, nous pouvons mieux rendre compte de certaines étrangetés des séries que nous rencontrons au cours de l’analyse. Poursuivons par commodité avec Les Soprano. Au début de l’épisode 2, dans la séquence pré-générique, nous assistons à une conversation entre mafieux, journal en main et devant la télévision : il est question du clonage de la brebis Dolly et l’on voit parler à l’antenne un repenti, sous les sarcasmes de la bande de Tony, notamment à travers des références au Parrain 3 (Coppola 1990). C’est une manière (structurelle) de nous rappeler en quoi consiste cette série tout en introduisant un élément de style (un second degré de la représentation) caractéristique de la série (sa dimension parodique sur le plan générique). Les mafieux réagissent en particulier à un propos du repenti qui souligne que « l’âge d’or est fini » : leurs moqueries pourtant ne font pas rire Tony, qui a pu dire la même chose dans le secret du cabinet Dr Melfi dans le pilote, ce qui renvoie à sa dépression, mais n’est pas sans lien avec la dimension sociale et politique de ce propos que rejoue la petite assemblée en dialogue avec la télévision (le Dr. Melfi répondant à Tony dans le pilote : « Beaucoup d’Américains le pensent »). Par ailleurs, avec la figure du clone, ou du double, on va le voir, la série propose une dynamique génésique qui traverse tous les épisodes, qui se retrouve précisément dans l’épisode 5 (« College ») dont nous avons parlé plus haut (d’un point de vue structurel), en lien avec la relation de Tony avec un repenti. La série propose donc une passerelle interprétative non prévisible (ce n’est pas une arche narrative) avec un autre point de la saison. L’une des particularités de l’épisode 5 est l’absence précisément des séances de thérapie (le Dr. Melfi est enrhumée et Tony est en déplacement dans le Maine). Il manque donc l’un des trois fils diégétiques-structurels habituels (récit familial, récit professionnel et récit de la thérapie) dans cet épisode.

College (1999) : Meadow et Tony (capture d’écran)

On pourrait croire, au début de l’épisode, que les relations familiales de Tony s’améliorent car il entame une conversation assez sincère – reconnaissant notamment qu’il appartient à la Mafia – avec sa fille Meadow dans la voiture qui les conduit d’université en université pendant le college tour. Mais Tony « rechute » en apercevant un repenti (qui a peut-être causé indirectement la mort de son père) : il se met en tête de l’éliminer. D’un point de vue structurel, à partir du moment où ce repenti l’a, lui aussi, reconnu, il ne peut être question que de vie ou de mort : tuer ou être tué comme dans un bon film de mafia (Tony ainsi que Meadow échappent d’ailleurs à la mort de justesse). Du point de vue matriciel, cet épisode est plus déterminant que l’épisode 6, « Pax Soprana », dans la mesure où il montre que Tony ne peut se soustraire à ses démons, alors que, précisément, l’épisode montre que la vie de repenti pourrait être enviable par certains aspects, notamment la vie familiale. Tony observe ainsi, caché, une scène intime dans un jacuzzi, sans doute plus heureuse que dans son propre foyer. De même, Meadow représente une autre vie possible, hors de la mafia, grâce aux études, que Tony, lui, par fatalité familiale (ses « parents et grands parents étaient dedans » – la Mafia), a dû interrompre. D’un point de vue structurel, il est intéressant que nous n’ayons plus besoin d’un espace-tampon, celui des séances de thérapie, pour « suivre » la quête de Tony, mais c’est aussi un épisode où nous le voyons, sous nos yeux, sans fard et en contre-plongée, tuer un homme de ses propres mains. En raison de cette violence pénible, HBO a cherché à faire supprimer cette séquence3, mais l’on voit bien pourquoi Chase y tenait : c’est une question de crédibilité du personnage d’un point de vue structurel, mais c’est aussi une manière de montrer que la « question-Tony » est loin d’être réglée… malgré le début de l’épisode (ce que confirmera la conversation avec Meadow dans la voiture du retour, où le mensonge reprend sa place entre eux).

College (1999) : Tony et Febby Petrulio (capture d’écran)

Par un grand nombre de renvois au pilote (présence des canards, d’une piscine, etc.), et par l’absence quasiment de liens avec les épisodes 2 à 4, cet épisode pourrait tout à faire suivre directement le pilote, faisant justement de ces épisodes 2 à 4 des épisodes intercalaires, des intervalles narratifs plus ou moins professionnels et familiaux qui semblent secondaires au sein d’un récit beaucoup plus sombre et imprévisible. Inversement, l’épisode 6, « Pax Soprana », pourrait tout à fait suivre sans difficulté l’épisode 4 (de la réconciliation avec Oncle Junior), car il est faiblement raccordé au 5, ce dernier apparaissant comme un intervalle d’un point de vue structurel, que manifeste le changement de lieu (alors que le New Jersey est si fondamental pour l’univers diégétique des Soprano). Libre à chaque spectateur de « se faire sa série » (comme on dit « se faire son film »), mais notons quand même, que, malgré la lacune structurelle de l’absence des séances de thérapie dans l’épisode 5, cet épisode a été l’un des plus appréciés de toute l’histoire de la série, par la critique, par les spectateurs (qui l’ont intégré dans leur palmarès des meilleurs épisodes), ou par les professionnels (qui lui ont décerné un Primetime Emmy Award en 19994). C’est le signe d’une intense (et satisfaisante) activité spectatorielle, ce qui tend à laisser penser que, dans ce contexte de réception au moins, la dimension génésique l’emporte sur la dimension structurelle.

On peut aussi voir les choses ainsi : dans le fond, l’épisode 6 n’aurait pas été le même si Tony, dans le 4, n’avait pas agi selon la dynamique génésique (étape dans sa quête psychique : se réconcilier – en apparence – avec une figure quasi-paternelle). Ainsi, l’épisode 6 qui succède au 5 confirme en réalité et le 4 (étape d’une conciliation) et le 5 (il y a bien une dynamique génésique à l’œuvre, qui n’est pas accessoire). Donc on ne peut pas dire que le 4 et le 6 se raccordent sans le 5, du point de vue de l’ensemble des six premiers épisodes. On observe donc plutôt une double traduction du génésique en structurel et du structurel en génésique (remplacement d’un scénario prévisible par un dénouement imprévisible dans l’épisode 4 et confirmation au niveau de l’ensemble formé par les six épisodes dans le 6). Une série-matrice est donc toujours le lieu de traductions dans les deux sens : le structurel se fait doubler par du génésique, plus déterminant, le génésique se solidifie provisoirement, à l’intérieur de la structure, en moment diégétique sur lequel s’appuie la suite du récit, avant d’être de nouveau démenti par le génésique à l’œuvre. Dans ce cycle des dynamiques, on voit le rôle très important des intervalles qui viennent « habiter » des espaces intermédiaires, flottants, voire être constitués en tant que tels alors qu’ils ne semblaient pas secondaires ou, au contraire, essentiels, selon qu’on change de point de vue ou de plan d’interprétation.

En guise de conclusion… provisoire

Notre étude montre donc que l’intervalle sériel est un espace de porosité possible entre diégèse et spectateur du point de vue de la temporalité, en indiquant que des circuits temporels complexes (projections, relectures, découpages et redécoupages, etc.) sont à l’œuvre pour guider ou stimuler le travail spectatoriel. Ces fabrications d’intervalles peuvent avoir des tailles et des enjeux extrêmement divers, du détail à la saison ou à la série entière, en passant par la séquence narrative de quelques minutes, ou, bien sûr, les blancs entre épisodes. Deuxièmement, que l’intervalle est différent selon qu’il est pris dans une dynamique structurelle ou génésique (y compris du point de vue de l’intertextualité). On peut, troisièmement, noter qu’il existe dans le travail spectatoriel une capacité d’intervallisation, ou création d’intervalles, plus ou moins virtuelle. Certains intervalles créés par l’interprétation ou la relecture peuvent ainsi porter plus de potentiel cognitif ou interprétatif que des moments in praesentia, ou dont la présence narrative est plus immédiate. Ils produisent donc des effets de soulignement. Avec la réciproque qui est la mise entre parenthèse ou en sourdine (car leur son propre ne disparaît pas tout à fait) de certains passages issus d’un redécoupage qui les met au second plan, comme de simples « intervalles », creux, entre moments pleins. Enfin, notons que l’intervalle est un bon lieu concret et théorique pour observer la forte interdépendance de la matrice et de la structure de telle ou telle série, à travers les phénomènes de traduction que nous avons observés.

On pourrait donc distinguer à titre provisoire à l’issue de cette analyse, huit types de découpage sériel, qu’on pourrait classer selon les jeux de traduction et de transaction qui valorisent ou mettent en sourdine certains passages ou certains épisodes, en fonction de la plus ou moins grande intensité de leur manifestation dans le récit. Par commodité, on distinguera l’« intervalle » au sens ordinaire du terme (un blanc) de la séquence narrative, de dimension variable (jusqu’à plusieurs épisodes) qui relève du récit représenté et qui peut être « intervallisé(e) ». L’intervalle, en somme, est à comprendre comme l’un des aspects d’une dynamique sérielle plus large de la composition et de l’apparition/disparition des fragments moteurs pour le sens.

  1. intervalle dit « standard » (le récit est simplement invisible et sans enjeu)

  2. intervalle virtuel selon la matrice (par exemple le rêve érotique de Tony)

  3. intervalle virtuel selon la structure (par exemple les « scénarios » de Christopher)

  4. séquence mise en sourdine selon la matrice (épisodes 2 à 4 des Soprano, si l’on raccorde, à un certain niveau, le 1 au 5, en tenant pour moins significatifs les épisodes 2 à 4)

  5. séquence mise en sourdine selon la structure (mise entre parenthèse de l’épisode 5 en tant qu’« épisode autonome », selon une lecture purement structurelle)

  6. séquence standard, représentée, et sans enjeu particulier du point de vue de l’intervalle

  7. séquence soulignée selon la structure (par exemple le rôle stylistique - parodique - d’une séquence pré-générique, comme au début de l’épisode 2)

  8. séquence soulignée selon la matrice (par exemple le meurtre de Fabby Petrulio qui retentit sur l’épisode 5 et en constitue la clé de voûte, mais qui retentit aussi sur la saison en la reconstruisant à partir de l’épisode 5, pour donner une certaine direction à la série, etc.)

La question de l’intervalle débouche peut-être sur la question, plus générale, des plans de « présence textuelle » dans les séries, plus décisive sans doute que la question de savoir comment scénaristes ou spectateurs comblent des blancs. Intervalle et intervallisation montrent aussi qu’il existe, dans la lecture sérielle, des espaces disponibles, activés ou non, qui sont des espaces de « recharge » des batteries fictionnelles, versus la possibilité de séquences qu’on peut « décharger » par la mise en sourdine que provoquent par exemple certaines invervallisations. L’intervalle, enfin, ne fonctionne pas isolément : son potentiel est activable en lien avec d’autres mises en série, qui vont elles-mêmes avoir un effet sur le jeu des intervalles, ou qui vont être activées à l’occasion de ce travail herméneutique produit par un ou plusieurs intervalles en tension (les bizzareries de la première saison des Soprano, par exemple) avec un épisode ou une saison.

La transition numérique que nous traversons rend sans doute plus sensible les spectateurs – et les chercheurs – à cette dimension du travail de l’intervalle car la « convergence » ou la mise en contact avec d’autres mises en série se trouve facilitée et démultipliée, ce qui favorise la fragmentation des lectures, symétriquement à l’allongement possiblement infini des objets. Les intervalles deviennent alors des zones de transaction possibles non seulement à l’intérieur d’un média mais entre médiums, dispositifs, médias… Mais cette numérisation des intervalles ne fait qu’accentuer, multiplier, des jeux d’intervalle qui se sont nécessairement développés bien avant, avec le développement à l’ère « industrielle » des séries explicites et des séries-matrices qui, en structurant les structures (pourrait-on dire peu élégamment), favorisent par contrecoup les chemins de traverse (le témoignage de Chase est emblématique de ce point de vue). Cependant, à l’heure du « tout disponible, tout le temps », nous pourrions alors peut-être explorer plus spécifiquement… dans un prochain épisode… le rôle des fictions absentes, entre fictions représentées et fictions virtualisées par les intervalles.

Bibliographie

Biskind, Peter. 2007. « An American Family ». Vanity Fair, avril. https://archive.vanityfair.com/article/2007/4/an-american-family.
Chase, David. 1999–2018. « The Sopranos ». HBO.
Cooper, Lorna. 2007. « Bada Bye To The Sopranos ». MSN.
Coppola, Francis Ford. 1990. The Godfather, part III. Paramount Picture.
Eco, Umberto. 1997. « Innovation et répétition : Entre esthétique moderne et post-moderne ». Réseaux. Communication - Technologie - Société 114 (4):131‑48.
Esquenazi, Jean-Pierre. 2014. Les Séries télévisées. L’avenir du cinéma ? 2{e} éd. Paris: Armand Colin.
Glevarec, Hervé. 2012. La Sériphilie. Sociologie d’un attachement culturel. Paris: Ellipse.
Hatchuel, Sarah. 2013. Lost. Fiction vitale. Paris: Presses universitaires de France.
Lieber, Jeffrey, Abram J. J., et Damon Lindelof. 2004–2010. « Lost ». ABC.
Lynch, David. 1990–1991. « Twin Peaks ». ABC.
Sérisier, Pierre. 2015. « The West Wing Le Message d’Isaac and Ishmael Le Monde des séries ». https://www.lemonde.fr/blog/seriestv/2015/11/15/the-west-wing-le-message-disaac-and-ishmael/.
Sorkin, Aaron. 1999–2006. « West Wing ». Warner Bros.
Soulez, Guillaume. 2011. « La Double répétition. Structure et matrice des séries télévisées ». Mise au point, nᵒ 3.

  1.  « La force de la série est de s’ouvrir explicitement à l’interprétation et à l’exégèse, d’inviter aux (re)lectures et décodages. Lost a besoin de nous (…) Dans ses expérimentations et confusions narratives, la série nous fait partager la désorientation et le vertige des personnages. Fidèle à son titre, Lost brouille les repères temporels, met au défi notre compréhension de l’histoire et nous invite à une vision active et participative, à un travail d’orientation et d’enquête à la fois dans la série et sur nous-même (…) » (Hatchuel 2013, pp. 9-10).↩︎

  2.  Un spectateur évoque ainsi à propos des Soprano : « La série héritière des Affranchis. On y retrouve d’ailleurs de nombreuses références. La présence du personnage de la Psy et de Christopher qui jouaient déjà dans le film de scorcese ». Critique rédigée par L’homme le plus classe du monde, 16 août 2013, voir allociné.fr (orthographe et typographie non retouchées).↩︎

  3.  Interview du showrunner dans le coffret de l’intégrale DVD sortie en 2008, Warner Home Video (bonus de la saison 1).↩︎

  4.  Même si d’autres épisodes ont obtenu des Emmy Award (ou ont été nominés), c’est le seul épisode de la saison 1 qui a obtenu, en 1999, un Emmy Award en tant que “Outstaning Writing for a Drama Series”, c’est-à-dire pour son scénario. D’autres récompenses ont été décernées à cet épisode (Director’s Guild, Banff Television Festival). Voir la liste des récompenses : https://www.imdb.com/title/tt0141842/awards↩︎