définition hypertexte
Emmanuelle Lescouët
Département des littératures de langue française
2104-3272
Sens public

Nous différencions l’hypertextualité décrite comme matérielle puisque reposant sur la matérialité des liens, le concret des connexions qu’ils mettent en place. Elle est visible, et non uniquement allusive. Elle peut être perçue comme un signe éditorial, au même niveau que le titre, sous-titre, notes de bas de page ou de fin de volume. Les liens appartiennent donc explicitement au paratexte.

L’hypertexte a souvent valeur de commentaire, pouvant être critique. Genette prend l’exemple de Pierre Ménard et de son Quichotte décrit par Jorge Luis Borges dans Fictions, il commente à l’extrême en recopiant systématiquement le texte de Cervantes. Ces textes s’unissant en une « métaphore des relations, complexes et ambiguës, de l’écriture et de la lecture […] l’âme même de l’activité hypertextuelle » (Genette 1982, 362). Pour être auteur·ice hypertextuel•le il faut d’abord être lecteur·ice : il faut s’être nourri d’un grand nombre (ce qui est relatif et propre à chacun•e) pour donner corps à ces liens. L’hypertexte est un mouvement de translation proximisante : qu’il change le lieu ou l’époque de son œuvre d’origine pour en permettre une actualisation nouvelle ou le révèle sous l’éclairage d’une ou plusieurs autres œuvres, il permet au lecteur·ice de s’en approcher différemment, de le faire sien•ne dans une autre perspective de son paysage culturel. Cette seconde approche pourrait être comparée au collage, chaque entité acquérant de nouvelles façons d’être perçue en fonction de ce qui l’entoure, d’où elle est collée. Les emprunts sont multiples et peuvent piocher dans des imaginaires très distants, tant que leur juxtaposition est créatrice de sens.

L’hypertexte a souvent valeur de commentaire, pouvant être critique. Genette prend l’exemple de Pierre Ménard et de son Quichotte décrit par Jorge Luis Borges dans Fictions (1983), il commente à l’extrême en recopiant systématiquement le texte de Cervantes. Ces textes s’unissant en une « métaphore des relations, complexes et ambiguës, de l’écriture et de la lecture […] l’âme même de l’activité hypertextuelle » (Genette 1982, 362). Pour être auteur·ice hypertextuel•le il faut d’abord être lecteur·ice : il faut s’être nourri d’un grand nombre (ce qui est relatif et propre à chacun•e) pour donner corps à ces liens.

L’hypertexte est un mouvement de translation proximisante : qu’il change le lieu ou l’époque de son œuvre d’origine pour en permettre une actualisation nouvelle ou le révèle sous l’éclairage d’une ou plusieurs autres œuvres, il permet au lecteur·ice de s’en approcher différemment, de le faire sien•ne dans une autre perspective de son paysage culturel. Cette seconde approche pourrait être comparée au collage, chaque entité acquérant de nouvelles façons d’être perçue en fonction de ce qui l’entoure, d’où elle est collée. Les emprunts sont multiples et peuvent piocher dans des imaginaires très distants, tant que leur juxtaposition est créatrice de sens.

L’hypertexte comme page suivante : approche tabulaire

Nous pourrions définir l’hypertexte comme « un texte ayant besoin de l’action humaine pour être parcouru, sélection du prochain fragment par clique, touch… » (définition développée par Archibald 2009). Le·a lecteur·ice doit fournir un effort sémantique, une interprétation. L’hyperlien est un signe technique. Nous ne pouvons cependant nous arrêter à cette constatation : un•e simple opérateur•ice n’en ferait qu’un fait technique, pour que cela fasse texte, il faut un·e lecteur·ice conscient·e. Nous pouvons prendre l’exemple des liens bleus de wikipedia.org (devenant violets lorsqu’ils ont été activés une première fois), le·a lecteur·ice sait qu’en cliquant dessus, ielle trouvera une page semblable, développant la notion en bleu : le code technique se charge de sens. Ces liens sont dits « forts ».

La rencontre d’objets textuels et des objets matériels (visuels) crée l’expérience lecturale. Le·a lecteur·ice devient « médiateur du signe et de la technique » (Hottois 1984, 180), l’opération n’étant jamais une simple équivalence.

L’hypertexte nous apparaît comme fondamentalement tabulaire, puisqu’il forme des hyperstructures rassemblant des éléments distincts en ensembles interconnectés.

Dans le régime de textualité tabulaire, l’appropriation du texte n’est plus balisée par les notions de début, de milieu, de fin, mais par l’organisation spatiale du matériau signifiant. On peut considérer comme tabulaires les textes composés de modules plus petits, qui peuvent être sémiotiquement hétérogènes mais à dominante linguistique, et dont la combinaison forme un texte, c’est-à-dire un tout qui représente plus que la simple somme des parties qui le composent. (Florea 2009)

L’hypertexte permet de se libérer de l’impératif de classement des informations. L’auteur·ice (celui ou celle qui établit les liens du moins) peut renoncer à les ordonner, et préférer laisser le·a lecteur·ice naviguer à sa guise entre eux, libre alors de re-tisser leurs correspondances. Un·e documentaliste omniscient·e n’est plus nécessaire : l’auto-organisation peut être une manière de musement entre les textes. Le·a visiteur·e est libre de suivre ces liens, quitte à délaisser l’œuvre originale (Cardon 2019, 78).
L’hypertexte est en cela héritier de l’esprit libertaire des premiers temps d’internet : chacun•e va où ielle veut au rythme qu’ielle choisit (à condition d’avoir un bon VPN et une connexion suffisamment puissante).

Les hyperliens se classent en trois catégories principales, notamment développées par Jean Clément (2015) :

Lorsque ces liens mettent en relation des entités textuelles, nous nourrissons notre approche de l’intertextualité : une relation de coprésence entre deux ou plusieurs textes. C’est-à-dire de la présence de l’un dans l’autre, au moins par une résonance, selon une relation de citation, plagiat ou allusion (Kristeva 1969). Ce dernier mode de connexion sera développé dans les exemples étudiés dans la suite de ce mémoire.

L’organisation spatiale pensée par l’auteur·ice n’est pas visible comme une carte unique pour le·a lecteur·ice, qui la perçoit cependant, créant sa propre orientation, ses propres routes sur elle. Chaque élément a une localisation physique, sur des serveurs, visibles par les hyperliens qui permettent d’y accéder.

Bibliographie

Archibald, Samuel. 2009. Le texte et la technique, La lecture à l’heure des médias numériques. Erres Essais. Le Quartanier.
Borges, Jorge Luis. 1983. Fictions. Nouvelle édition augmentée. Collection folio 614. Paris: Gallimard.
Cardon, Dominique. 2019. Culture numérique. Les Petites Humanités. Paris: SciencesPo Presses.
Clément, Jean. 2015. « L’hypertext, une technologie intellectuelle à l’ère de la complexité ». In L’imaginaire littéraire du numérique, édité par Samuel Archibald et Sophie Marcotte, 31‑45. Québec: PUQ.
Florea, Marie-Laure. 2009. « Tabularité : des textes aux corpus ». Corpus 8:177‑96. https://journals.openedition.org/corpus/1792.
Genette, Gérard. 1982. Palimpsestes: la littérature au second degré. Collection Points Essais 257. Paris: Éd. du Seuil.
Hottois, Gilbert. 1984. Le signe et la technique : la philosophie à l’épreuve de la technique. L’invention philosophique. Paris: Aubier.
Kristeva, Julia. 1969. Sèméiôtikè, recherches pour une sémanalyse. Paris: Seuil.