Projet de recherche
L’impact de la révolution numérique sur l’étude de l’Anthologie Palatine
Mathilde Verstraete
Département des littératures de langue française
2104-3272
Sens public 2020/12/21

Il est des objets qui font l’Histoire, qui voyagent à travers le temps et marquent durablement les espaces qu’ils visitent. Le manuscrit de l’Anthologie Palatine (appelé « codex Palatinus 23 »), célèbre florilège d’épigrammes grecques, en fait indubitablement partie, dans la mesure où il a conditionné durablement l’imaginaire littéraire occidental.

Nous sommes entrés il y a peu dans une ère nouvelle : l’ère du numérique, époque de la nouveauté, de la rapidité, de l’écriture sur des composantes électroniques, et surtout, l’ère du savoir « à portée de pouces ». Dans ce contexte inédit, où les outils documentaires et scientifiques ne cessent d’évoluer, ma recherche s’interrogera sur la façon dont le numérique a modifié le regard porté sur l’Anthologie Palatine.

Il est évident que la forme et la circulation de l’Anthologie ont eu un impact sur sa réception et sur les études qui en découlèrent. Dans un premier temps, le manuscrit « Palatinus 23 » voyagea à travers l’Europe et passa entre les mains de plusieurs érudits. Des commentaires, éditions, traductions (en langues latine, française, anglaise…) circulèrent sous forme imprimée dès les 17ème et 18ème siècles. Encore aujourd’hui, le recueil d’épigrammes fait couler beaucoup d’encre dans l’environnement tant universitaire qu’amateur. Le présupposé d’où je partirai est que l’avènement du numérique propose une approche originale de l’œuvre. Si la page imprimée, fixe, présuppose une lecture linéaire, la « page » numérique, virtuelle, permet une lecture transversale, ouverte et aux multiples accès1.

Outre le codex Palatinus 23, mon corpus sera constitué d’une part des premières recherches et études sur l’Anthologie, d’autre part sur les travaux numériques qui lui ont été consacrés. En effet, une étude préalable des premières éditions, commentaires, et traductions du manuscrit2 me permettra d’aborder ensuite les travaux plus récents et, a fortiori, les projets mêlant l’Anthologie Palatine aux domaines et ressources du numérique3.

Plus concrètement, la phase initiale de mes travaux de recherche portera sur la compréhension des premières études sur l’Anthologie. Il convient en effet d’appréhender l’entière tradition de l’œuvre avant de pouvoir étudier le corpus à la lumière du numérique. Dès lors, je me pencherai sur la position géographique de l’œuvre à une époque donnée, ses possesseurs, le courant intellectuel et culturel dans lequel ceux-ci s’inscrivent et enfin la façon dont on écrit sur l’Anthologie, la perception que l’on en a, puis, de manière réflexive, sur l’impact qu’a eu celle-ci sur la pensée de ses possesseurs et a fortiori celle de l’époque. Les prolégomènes posés, je pourrai poursuivre mes recherches en examinant l’état de la question sur l’Anthologie aujourd’hui et quelles sont les visées poursuivies par les projets numériques. S’ensuivra une mise en relation de l’ancien et du moderne : l’évolution des thématiques étudiées, l’objectif poursuivi, les aspects privilégiés, tant dans les études et commentaires qu’à travers les traductions.

Grâce à ma recherche, j’espère pouvoir cerner le rôle qu’a joué l’Anthologie Palatine dans le développement littéraire et culturel (européen dans un premier temps, mondial par la suite) et fournir une interprétation des apports du numérique à l’étude de documents pré-numériques.

  1. Milad DOUEIHI, La grande conversion numérique, Éditions du Seuil, Paris, 2008, p. 41.↩︎

  2. e. g. les travaux de Brunck, Jacobs, Dübner, et Déhèque.↩︎

  3. Je pense évidemment au projet d’édition numérique collaborative de l’Anthologie Palatine mis en œuvre par la Chaire de Recherche sur les Écritures Numériques – et dans lequel s’insère ce projet de recherche – mais ne m’y limiterai pas.↩︎