L’Anthologie Palatine et l’erotika
Luiz Capelo

Contexte

L’Anthologie Palatine, dorénavant AP, est une compilation d’épigrammes, dont le format est conçu au Xe siècle, à Constantinople, par Constantin Céphalas. Elle est composée par textes de plusieurs poètes, venus de différents lieux et temps, et on y trouve seize siècles de littérature. Elle est un recueil constitué par d’autres recueils. En termes quantitatifs, l’AP possède 3698 épigrammes réparties en 15 livres. La désignation Palatine provient du fait que le codex fondamental à la composition de l’AP fut redécouvert par Claudius Salmasius à la Bibliothèque Palatine au début du XVIIe siècle. Au cours du temps, ce manuscrit est fracturé en deux : le Codex Palatinus 23 et le Par. suppl. Gr. 384. La plus grande partie de l’AP est inscrite au CP23, qui est aujourd’hui numérisé1 par la Bibliothèque de Heidelberg. Le CP23 a 612 pages et contient les livres I à XIII de l’AP. Par contre, c’est important de noter que le CP23 comporte plus que les treize premiers livres de l’AP à ses pages. Le livre I commence à la page 49 du CP23. Les 48 premières pages ont des épigrammes de Schreiber, l’ekphrasis de l’Hagia Sophia, de Paulus Silentiarius, et la poésie de Gregorius Nazianzenus. Le Par. supple. Gr 384 est aussi disponible en ligne2 au site de la Bibliothèque National de France. Ce manuscrit a 113 pages et il contient les livres 14 et 15 de l’AP. L’ensemble de ces deux manuscrits est le manuscrit palatin.

L’AP s’inscrit dans une tradition et une pratique envers les textes, et on y trouve des extraits de la Couronne de Méléagre, de la Couronne de Phillipe et du Cycle d’Agathias. Méléagre de Gadara est un poète de la période hellénistique, il est auteur de plusieurs épigrammes de l’AP et il est considéré le premier anthologiste. Il a écrit des épigrammes, il les a rassemblées et il a ajouté à son recueil des épigrammes d’autres poètes. Comme affirme Méléagre à sa préface, l’épigramme 4.1, il a tressé une couronne où les fleurs sont œuvre des poètes. Sappho fournit les roses ; Anytê, le lis rouge et Mœro, le lis blanc. Dans cette liste, Méléagre cite 47 poètes et les associe à des fleurs. Or, l’anthologie est ce recueil de fleurs — ἄνθος. Philippe de Thessalonique, à peu près 150 ans après Méléagre, fait un recueil de poèmes inspiré par l’auteur de Gadara. La Couronne de Philippe rassemble des poètes originaires du monde grec et de l’Orient hellénisé entre 100 av. l’EC à 40 EC. Comme Méléagre, Philippe est l’auteur de plusieurs épigrammes à sa Couronne. Agathias le Scholastique fut un historien et poète byzantin du VIe siècle de l’ère commune. Il a groupé des épigrammes dont il avait composé et textes d’autres auteurs contemporaines à lui. Céphalas a pris ces trois recueils et d’autres textes comme sources pour la composition de son anthologie ; or, on n’a pas ni les Couronnes ni le Cycle, on a les Couronnes et le Cycle rémédiatisés par Céphalas. En plus, c’est important de souligner que l’AP que nous lisons aujourd’hui n’est pas l’œuvre que Constantine Céphalas a élaborée à Constantinople. Aucun texte écrit par les mains de Céphalas n’a survécu, et tous les manuscrits qu’on a aujourd’hui sont des copies, plus ou moins « fidèles », du manuscrit de Céphalas. Cameron (Cameron 1993) affirme que le texte de Céphalas est environ 40 ans plus vieux que l’AP, et son hypothèse est que l’AP, l’Anthologie de Planude et d’autres collections mineures sont basées à l’anthologie de Céphalas. Nous avons le texte de Céphalas tel quel il a été pris par les artisans de l’AP. L’œuvre de Céphalas est elle-même remédiatisée par l’AP.

La Couronne de Méléagre, l’anthologie archétype, était divisée en quatre sections, chacune inscrite à son papyrus : l’epitymbia, les épigrammes funéraires ; l’anathematica, les épigrammes votives ; l’epideictica, les épigrammes démonstratives ; et l’erotica, les épigrammes érotiques. L’anthologie de Céphalas comprend de mode indisputable les livres 5, 6, 7, 9, 10, 11 et 12 de l’AP. L’œuvre de Céphalas est aussi thématiquement divisée. Les livres 5 et le 12 sont dédiés aux épigrammes érotiques, le 6 aux votives, le 7 aux funéraires, le 9 aux démonstratives et le 11 aux sympotiques. La division thématique des œuvres de Méléagre et de Céphalas crée des recueils dedans les anthologies. La Couronne unit des textes identifiant un défunt, par exemple l’épigramme 7.723, jusqu’à l’éloge des fesses d’une hetaira, l’épigramme 5.554. Par contre, aux erotika il n’y a que d’épigrammes amoureuses. Le mécanisme anthologie crée des œuvres dans l’œuvre. L’AP remédiatise différents recueils érotiques, et ces erotika sont le corpus de cette recherche.

Problématique

La problématique du projet de recherche est le mécanisme d’inclusion et d’exclusion à l’œuvre dans la constitution de l’AP, spécifiquement aux erotika y présents. L’analyse du processus de formation des anthologies suscite des questions à répondre. D’abord, quels sont les critères pour qu’un objet soit « anthologisable », pour qu’il soit une épigramme de l’AP. On doit penser au genre (tous les textes présents à l’AP sont des épigrammes), au thème (l’AP est thématiquement divisée), et au média (la AP est inscrite à un codex, la Couronne était à un papyrus) de cet objet. L’idée de rassembler des textes n’est pas une création de Céphalas. Recueillir des textes dans un volume unique était une pratique dès la période hellénistique. Les savants de l’époque souvent font des compilations de textes plus anciens. Par exemple, Callimaque, auteur présent à l’Anthologie, a écrit le Πίνακες, une sorte de catalogue des œuvres disponibles à la bibliothèque d’Alexandrie ; et Zénodote, bibliothécaire de la bibliothèque d’Alexandrie, a rassemblé des gloses (Krevans 2007, 131). À la démarche anthologique, la lecture est aussi performative une fois que le lecteur suit l’impulse de garder, sous la forme d’un recueil, des textes qu’il a lus ailleurs. Par contre, l’anthologie a une différence significative par rapport à une collection de citations. Les épigrammes présentes à l’anthologie sont œuvres complètes en soi-même, elles ne sont pas d’extraits de textes. Une citation de quelques lignes des Euménides, d’Eschyle, et ensuite un petit passage de Phèdre, de Platon, n’ont pas le même sens éditorial que le groupement d’une épigramme complète de Platon et une de Simonides. Le lecteur-anthologiste rassemble des textes intégraux. Dans ce sens, l’épigramme est l’unité atomique, une fois qu’elle est indivisible, de l’anthologie.

Céphalas a profité de sa profonde connaissance des bibliothèques ecclésiastiques de Constantinople et a mis ses mains à anciens recueils d’épigrammes grecques. Le moine a recueilli et organisé des recueils de différents auteurs. Selon le cadre théorique de Bolter et Grusin, le mécanisme de représentation et/ou l’incorporation d’un média dans un autre média est de la remédiation (Bolter 1999, 45). Or, les médias fonctionnent comme remédiateurs des médias plus anciens et, de cette manière, toute médiation est de la remédiation. Selon Cameron (Cameron 1993), les textes dont Céphalas avait à ses mains sont : les Couronnes de Méléagre et Philippe, la Muse garçonnière, de Straton, le Cycle d’Agathias et le Sylloge Rufiniana. Ainsi, quand Céphalas prend ces autres œuvres pour élaborer son anthologie, il remédiatise ces anthologies. Les épigrammes de la Couronne, possiblement écrites au papyrus, sont prises et réécrites à un codex ; l’ordre alphabétique de la Couronne de Philippe est abandonné et un ordre thématique est instauré à l’AP ; l’erotika de Méléagre est divisée en deux livres différents à l’erotika de Céphalas. Les unités atomiques peuvent être similaires, mais les œuvres construites à partir de ses unités sont distinctes. En plus, pas forcément toutes les épigrammes présentes aux Couronnes, au Cycle, au Sylloge et à la Muse Garçonnière sont aussi présentes à l’AP. La remédiation anthologique consiste à choisir des épigrammes, les réorganiser et les réinscrire à un nouveau média. Alors, la remédiation est inhérente à l’anthologie. Dans ce contexte, on s’interroge comment les producteurs de l’AP présentent les erotika, c’est-à-dire de quelle façon ces artisans de l’AP remédiatisent les recueils dont ils s’en servent ? Dans le processus constitution de l’AP où de textes plus anciens sont récupérés, un modèle est suivi ou c’est bâtit un nouveau paradigme textuel ?

Les anthologies ne se restreignent pas à la littérature de l’Antiquité. L’anthologie est devenue un genre éditorial, et des anthologies sont publiées récurremment. Par contre, une anthologie est plus qu’un façon d’organiser et publier des textes. Bâtir une anthologie est imposer un ordre à une pléiade d’éléments. Or, anthologiser est ajouter des données à un fichier et changer le poids des liaisons des éléments du système. Dans cette logique de l’anthologie comme un format de la pensée que Doueihi (Doueihi 2011) met la culture anthologique au centre de la contemporanéité. Dévoiler les mécanismes et les éléments communs entre la Couronne, l’AP et le numérique est une des ambitions de la recherche. Méléagre, Céphalas et les autres anthologistes sont fondamentalement liés au numérique, comment et pourquoi ?

Hypothèses

La première hypothèse qu’on formule est qu’anthologie et épigramme ont une relation de codépendance existentielle qui peut être décrite comme stigmergique. La stigmergie (Dyens 2012) est le paradigme où la totalité est architecte de sa propre existence même si elle est complètement dépendante de ses parties. Chaque unité atomique est contrôlée par le système, mais ces unités sont les productrices de du système. En utilisant une métaphore biologique est la dépendance de l’araignée à la toile. C’est la toile qui guide l’araignée, mais c’est l’araignée qui fait la toile. Ce modèle appliqué à l’AP dévoile que les épigrammes créent l’œuvre AP mais que l’AP aussi est un des éléments déterminants du genre épigrammatique. Par exemple, la 1.95 est en hexamètres, elle est chrétienne, ecphrastique et anonyme ; par contre la 5. 496 est en distiques élégiaques, érotique et de Tudicius Gallus. En plus, la première épigramme est byzantine, la deuxième est de la période de la Grèce romaine. Ces deux textes ont surtout des différences que des similitudes, mais les deux sont des épigrammes. Le genre épigrammatique existe en-dehors de l’AP et Cameron (Cameron 1993, 1) parle de collections d’épigrammes déjà au IVe siècle av. l’EC. En revanche, la plupart des épigrammes qui survivent le passage du temps sont inscrites à l’AP, dévoilant une relation de dépendance des unités et du tout. On n’a pas l’AP sans les épigrammes qui y sont inscrites et être à l’AP garantit la survivance de ces épigrammes. En plus, le processus anthologique établit de la légitimité et de l’autorité. Il y en a des épigrammes hors de l’AP, mais tout texte y dedans est une épigramme. L’appartenance à l’AP légitime que le texte est une épigramme. Le réseau a de l’autorité pour déterminer le genre textuel de ses parties.

L’épigramme est une production très ancienne dans la littérature grecque. Les premières épigrammes sont de la période archaïque, dont les limites sont le VIIIe et le Ve siècles av. l’ère commune. Ces épigrammes sont surtout des textes anonymes funéraires et votifs en distiques élégiaques ou en hexamètres7. Une épigramme funéraire peut être une épitaphe, un court texte identifiant le défunt, son origine, sa famille ; ou des descriptions d’un tombeau et d’œuvres d’art qui l’ornent ; ou bien une louange au mort. Les inscriptions dédicatoires ou votives sont des textes sur un objet qui est consacré à une divinité. Ces textes sont écrits sur des objets — dont souvent ils racontent l’histoire, la finalité, le propriétaire, etc. Or, le fait d’être inscrit sur un objet est le sens originel du terme épigramme — « ce qui est écrit sur » selon le Bailly.8. Au début, l’épigramme n’est qu’épigraphique9. Mais le genre se développe au passage du temps et il acquiert autres caractéristiques.

À la période classique, les IVe et Ve siècles, des poètes commencent à écrire des épigrammes qui ne sont pas destinées à être inscrites à aucun support que le papyrus. Ces pièces littéraires, pourtant, imitent le contexte épigraphique. Ainsi, on voit par exemple des fausses épitaphes à des personnages illustres ou des louanges à des chandelles qui allument la chambre des amants. C’est la période de la transition de l’épigramme épigraphique à l’épigramme littéraire. Les textes s’éloignent de plus en plus des contextes religieux et funèbre et les thèmes et sujets commencent à se diversifier. En plus, les épigrammes acquièrent une vie hors de son support matériel primaire. Les gens copient les textes gravés sur la pierre à des papyrus. C’est une première remédiatisation de ces textes. Les collections de ses épigrammes rémédiatisées au papyrus sont une des sources de l’AP. Un média est constitué par la relation aux autres médias, c’est une dynamique. Ainsi, l’AP est un média qui remédie de recueils d’épigrammes épigraphiques ; par son tour, ces recueils remédient une série d’inscriptions. Le média se constitue dans une prise de caractéristiques des médias antécédents. Comme l’affirment Bolter et Grusin, médiation est un processus « in which one medium is itself incorporated or represented in another medium. »(Bolter 1999, 45). Or, conséquemment on arriva à une deuxième hypothèse : l’AP suit un modèle de rémédiatisation déjà existant en même temps qu’elle apporte des innovations.

L’époque hellénistique est l’âge d’or du genre épigrammatique. Des poètes connus, comme Asclépiades, Callimaque et Méléagre, composent des épigrammes, et des éléments caractéristiques sont établis. Par exemple, la récurrente brièveté de l’épigramme, qui remonte à l’origine inscriptionnelle de l’épigramme, est d’accord avec le programme poétique de la période hellénistique, et cette affinité propulse la popularisation du genre. En plus, les épigrammes érotiques apparaissent, possiblement une innovation d’Asclépiades. Ceci est le moment où les collections d’épigrammes deviennent populaires. Les rois, les auteurs et les savants de la période hellénistique ont une passion pour la collection et ils font des compilations diverses. Le critère de rassemblement de ces premiers recueils est thématique. Ainsi, on peut recueillir des textes d’un même auteur, des textes inscrits sur des tombes ou des louanges à une reine. C’est à l’auteur le devoir de choisir le critère organisationnel de son recueil.

Deux principes organisent l’anthologie : la concordia, la tendance vers l’unité, vers l’identification parmi les éléments ; et la variatio, l’idée d’individuation, de distinction et de variation (Krevans 2007). L’institution d’un thème est un exemple du principe d’individuation. Toutes les épigrammes à tel livre ont un même thème, elles sont un groupe en concorde. Par exemple, livres 5 et le 12 sont dédiés aux épigrammes érotiques ; le 6, aux votives ; et le 7, aux funéraires. Par contre, dedans cette masse apparemment unitaire d’épigrammes que l’organisation thématique établit, il y en a de la fragmentation. Au livre 5, dont l’unité est Éros, est divisé, par rapport à ses sources, en Sylloge Rufiniana (5.2— 5.103) ; extrait de la Couronne de Philippe (5.104 - 5.133) ; extrait de la Couronne de Méléagre (5.134 - 5.215) et extrait du Cycle d’Agathias (5.216 - 5.302) (Cameron 1993). L’alternance entre identification et variation est inhérente à l’anthologie. À partir de cette constatation, on arrive à une troisième hypothèse : l’anthologie est triptyque, elle est une œuvre, un genre éditorial et une action. LaCouronne de Méléagre, l’Anthologie de Céphalas ou celle de Planudes sont des exemples matériaux de l’anthologie ; elle est un mode d’organisation des contenus qui a des racines aux collections hellénistiques et des fruits numériques ; elle est un procès, dont l’ergon est rassembler, organiser et gestionner des éléments — soit des épigrammes, soit des fichiers informatiques — dans un mécanisme d’agrégation et désagrégation.

Méthodologie

Ce projet de recherche s’insère au cadre théorique des humanités numériques. D’abord, la recherche en littérature se joint aux sciences humaines. Par contre, dans un premier regard, ce peut paraitre un contresens qu’un travail sur les erotika à l’Anthologie Palatine, un ouvrage du Xe siècle de l’ère commune, être associé au numérique. Ce n’est pas le cas. Le terme numérique décrit la procédure de modélisation, qui est divisée en trois étapes. D’abord, la modélisation représentationnelle consiste à donner une interprétation discursive à un phénomène. Ensuite, à la phase fonctionnelle, la description discursive est transformée en fonction mathématique. Enfin, la modélisation physique est l’implémentation d’un modèle mathématique en une machine capable de le calculer (Vitali-Rosati 2020). Aujourd’hui, la modélisation du monde et ses dynamiques sont cruciales, et ainsi le numérique peut caractériser notre époque historique. Humanisme numérique parce que le temps est caractérisé comme numérique, mais aussi parce qu’on recourt à des outils informatiques pour mener le travail et surtout parce qu’on voit une continuité conceptuelle entre les anthologies du passé et la remédiation numérique. Ainsi, penser le numérique peut nous aider à comprendre les processus d’anthologisation précédents.

Les humanités numériques sont basées sur la combinaison des sciences humaines avec les méthodes du numérique (Casagrande et Vuillon 2017), que peuvent aider à élaborer des connaissances et à légitimer les résultats. À cette échelle de la conceptualisation du numérique, cette recherche se bénéficie des plateformes de la Bibliothèque de Heidelberg, qui a numérisé le CP2310 et du projet Anthologia Graeca Project11, dont le but est de fournir une édition collaborative de l’AP. Les humanités numériques sont transdisciplinaires — elles portent des méthodes, des dispositifs et des perspectives heuristiques singulières. La conséquence est la translittératie inhérente à ce projet, l’habileté à lire, écrire et interagir à plusieurs plateformes et outils.

L’anthologie est un objet, un recueil d’autres objets et une façon de placer les informations. Comme objet, on doit penser l’histoire et les caractéristiques physiques de l’Anthologie Palatine. Où cette œuvre fut écrite, par qui et quels sont les manuscrits dont elle est inscrite. On lit et interagit avec le manuscrit palatin numérisé. L’annotation et l’interprétation du CP23 rendu disponible par Heidelberg sont un travail philologique translittéraire. On doit travailler avec des documents ayant différentes normes de lisibilité (Vandendorpe 1999). Or, la question de comment donner de la lisibilité d’un document dans une guide de normes qui n’est pas le sien est centrale au processus anthologique une fois que la lisibilité du CP23 est complètement différente de celle de la plateforme Anthologia Graeca. Le processus de remédiation de l’épigramme inclut ce changement de paradigme normatif. Par exemple, le manuscrit palatin a une présentation particulière. Les épigrammes sont écrites au centre du codex, de la gauche à la droite, avec des lettres minuscules et majuscules. Les mots sont divisés et il y a de la ponctuation au texte. Le début et la fin des épigrammes sont bien marqués, une fois qu’il y a un signe pour indiquer commence et fin. Les marges sont les lieux des scholies. Aux pages impaires, le côté des annotations est le gauche ; aux pages paires, le droit. Parfois, des scholiastes font des annotations en haut ou en bas du manuscrit. Le manuscrit palatin peut être divisé en deux parties. À Pa, de la première page jusqu’à la page 452, le scribe A a écrit la majorité du texte ; et Pb (pp. 453 - 706) fut écrite par les scribes B, B2 et B3. Le scribe J a écrit aux deux parties du manuscrit. Il intervient au début, au milieu et à la fin du texte. À la plateforme Anthologia Graeca Project, par contre, l’apresentation des épigrammes diffère complètement. À chaque épigramme sont données multiples textes — la version en grec prise à Perseus12 et des traductions, au moins, en anglais, l’édition de Paton (Paton 1916), et en français, l’édition de Waltz (Waltz 1928). En plus, à chaque épigramme est associée l’image de son texte au CP23.

Le travail de recherche centré aux enjeux de la remédiation doit décrire les conditions matérielles de la production, l’histoire des techniques, les pratiques et les imaginaires sociaux et les dispositifs et les institutions indispensables pour la reproduction et la circulation des textes (Méchoulan 2003). D’abord, la méthode de travail pour cerner les erotica comprend la lecture intégrale des livres 5 et 12 de l’AP et le travail au centre de la plateforme Anthologia Graeca. La plateforme fait de la remédiation du CP23 et des éditions de Paton et Waltz. Ainsi, elle permet qu’on discerne des contours de différentes erotika. L’épigramme 5.20813 est paradigmatique dans ce sens. Or, les images montrent le codex comme support matériel et que l’épigramme fut manuellement copié par A, qui est aussi le responsable pour l’identification de l’auteur du texte — à la scholie 5.208.1, écrite par A, on lit Μελεάγρου. Les éditions de Paton et Waltz ont un autre support — le livre — qui a ses techniques. Par rapport aux supports, il y a déjà différents erotika, une inscrite au codex, autres à des livres et une troisième numérisée. L’épigramme 5.208 révèle aussi des imaginaires sociaux et des institutions. À la Couronne de Méléagre, l’épigramme était placée parmi de textes autour de l’amour hétérosexuel et de l’amour philopédique. La pratique de Méléagre fut de ne pas diviser ses textes par rapport à la sexualité. Céphalas, par contre, choisit de diviser son erotika et la 5.208 est placée parmi les amours hétérosexuels. Cette décision suggère que les imaginaires sociaux des deux anthologistes sont différents. À la scholie 5.208.2, C donne une interprétation de l’épigramme, il écrit que le texte décourage la corruption des enfants — ἀποτρεπτικὸν παιδοφθορίας. Paton, par son tour, choisit de ne pas traduire cette épigramme vers l’anglais et il la traduit vers le latin. Par rapport à la sexualité, les erotika de Méléagre, de Céphalas, des artisans du CP23 et de Paton ont des distinctions. À la remédiation anthologique, matérialité, genre, temps, auteur et sexualité sont des paramètres possibles dirigeant l’agrégation et la désagrégation des unités pour la formation du tout.

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Waltz, Pierre, Robert Aubreton, Jean Irigoin, Francesca Maltomini, et Pierre Laurens. 1928. Anthologie grecque. Collection des universités de France. Série grecque 481; Paris: Société d’édition "Les Belles Lettres.

  1. https://digi.ub.uni-heidelberg.de/diglit/cpgraec23/↩︎

  2. https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8470199g/f3.double#)↩︎

  3. χαῖρε, Νεοκλείδα, δίδυμον γένος, ὧν ὁ μὲν ὑμῶν
    πατρίδα δουλοσύνας ῥύσαθ᾽, ὁ δ᾽ ἀφροσύνας.
    Salut, double lignée d’un Néocles, vous qui sauvâtes votre patrie, l’un de la servitude, l’autre de l’hébétude. (Traduction de Waltz)↩︎

  4. Δωρίδα τὴν ῥοδόπυγον ὑπὲρ λεχέων διατείνας
    ἄνθεσιν ἐν χλοερoῖς ἀθάνατος γέγονα.
    ἡ γὰρ ὑπερφυέεσσι μέσον διαβᾶσά με ποσσίν,
    ἤνυεν ἀκλινέως τὸν Κύπριδος δόλιχον;
    ὄμμασι νωθρὰ βλέπουσα: τὰ δ᾽ ἠύτε πνεύματι φύλλα,
    ἀμφισαλευομένης, ἔτρεμε πορφύρεα,
    μέχρις ἀπεσπείσθη λευκὸν μένος ἀμφοτέροισιν,
    καὶ Δωρὶς παρέτοις ἐξεχύθη μέλεσι.
    Doris aux fesses rosées, quand je la tends à mon lit à ses jeunes fleurs, je suis devenu immortel. En effet elle, me tenant au milieu de ses prodigieuses jambes écartées, elle accomplit sans pencher la longue course de Cypris ; Regardant un regard langoureux aux yeux ; comme qu’un pétale brillant aux vents, pendant qu’elle s’agitait autour de moi, elle tremblait énergiquement ; jusqu’au point que l’âme blanche est débordée par nos deux, et Doris étendre ses membres inertes.↩︎

  5. καὶ τόδε σῶν καμάτων παναοίδιμον ἔργον ἐτύχθη,
    Γερράδιε κλυτόμητι: σὺ γὰρ περικαλλέα νηὸν
    ἀγγελικῆς στρατιῆς σημάντορος αὖτις ἔδειξας.
    Sur l’église de l’archange à Bothrepton
    Parmi tes œuvres, celle-ci est digne de toutes louanges, éminent Gennadios ; car tu as doué d’une beauté sans égale ce nouveau temple, dédié au chef de la milice des anges. (I.9, Anonyme)↩︎

  6. ἡ τρισὶ λειτουργοῦσα πρὸς ἓν τάχος ἀνδράσι Λύδη,
    τῷ μὲν ὑπὲρ νηδύν, τῷ δ᾽ ὑπό, τῷ δ᾽ ὄπιθεν,
    εἰσδέχομαι φιλόπαιδα, γυναικομανῆ, φιλυβριστήν.
    εἰ σπεύδεις, ἐλθὼν σὺν δυσί, μὴ κατέχου.
    Moi, Lydê, je puis satisfaire trois hommes d’un seul coup, l’un par en haut, l’autre par en bas, le troisième par derrière. J’accueille homos, hétéros et tous autres. Si tu es pressé et que vous soyez trois, n’hésite pas à entrer (V.49, Tudicius Gallus, Traduction de Waltz)↩︎

  7. À l’AP, les livres dédiés aux épigrammes votives et funéraires sont respectivement les VI et VII↩︎

  8. https://outils.biblissima.fr/fr/eulexis-web/↩︎

  9. du grec, le préfixe ἐπί — sur, dessus — et le verbe γράφω — écrire, graver↩︎

  10. https://digi.ub.uni-heidelberg.de/diglit/cpgraec23↩︎

  11. http://anthologiagraeca.org/↩︎

  12. http://www.perseus.tufts.edu/hopper/↩︎

  13. οὔ μοι παιδομανὴς κραδία:
    τί δὲ τερπνόν,Ἔρωτες ,
    ἀνδροβατεῖν εἰ μὴ δούς τι λαβεῖν ἐθέλει;
    ἁ χεὶρ γὰρ τὰν χεῖρα. καλά με μένει παράκοιτις:
    ἔρροι πᾶς ἄρσην ἀρσενικαῖς λαβίσιν.
    Je ne suis pas fou des garçons ; le plaisir, Éros, de saillir un homme qui sans rien donner voudrait recevoir ? Une main lave l’autre ; je suis tout à une belle compagne de lit ; arrière les mâles avec leurs tenailles de mâle ! (Waltz 1928)
    Cor meum non furit in pueros ; quid iucundum, Amores, virum inscendere, si non vis dando sumere ? Manus enim manum lavat. Pulcra me manet uxor. Facessant mares cum masculis forcipibus. (Paton 1916)↩︎