Anthologia, l’anthologisation de l’Anthologie Palatine
Luiz Eudasio Capelo Barroso Silva

Le projet Anthologie grecque de la Chaire de recherche du Canada sur les écritures numériques a comme but fournir une édition numérique de l’anthologie grecque, œuvre dont l’histoire éditoriale débute avec les papyrus de Méléagre et les codex de Constantin Céphalas. Anthologia est une plateforme où l’usager peut consulter les épigrammes et ajouter des données sur les épigrammes. Anthologia Graeca est la plateforme numérique du projet et elle est aussi une database où on peut chercher des données à travers une API. Le projet s’inscrit dans une tradition philologique des textes et il a été réalisé dans un environnement numérique. Non seulement la plateforme qui abrite ses textes — https://anthologiagraeca.org — est numérique, le processus de remédiation que subissent les épigrammes est aussi marqué par le numérique.

L’Anthologie grecque est une œuvre multiple. En réalité, à cause de sa multiplicité, elle pose des questionnements autour de la notion même d’œuvre. L’Anthologie a été composée au long de plusieurs siècles et elle comporte une myriade d’auteurs. La plateforme Anthologia Graeca se fonde sur l’hétérogénéité de l’Anthologie. Anthologia est plus qu’une version numérique de l’anthologie ; elle remédiatise l’Anthologie grecque. Notre chemin argumentatif est le suivant : par le biais de la discrétisation des éléments, Anthologia apporte la multiplicité inhérente à l’Anthologie ; Anthologia est apparentée au web sémantique parce qu’elle utilise une syntaxe lisible par les machines et les humains et qu’elle se fonde sur un modèle où les données sont partagées et réutilisées entre plusieurs applications, entreprises et groupes d’utilisateurs (« W3C Semantic Web Activity Homepage » s. d.) ; la remédiation à Anthologia a diverses strates, par exemple la remédiation du CP23 ou des éditions livresques de l’AP. En plus, je propose quelques réflexions sur le travail que j’ai effectué sur Anthologia. En somme, ma contribution au projet fut d’ajouter des données aux URI à Anthologia et à Heidelberg historic literature—digitized. À Anthologia, par exemple, j’ai joint des images du Codex Palatinus 23 prises à Heidelberg.

Discrétisation, une méthode pour le non-essentialisme

Une anthologie est composée par des unités discrètes rassemblées, elle est une unité qui prend autres éléments unitaires et les réorganise. L’anthologie met en scène un système où tous les éléments sont en relation les uns avec les autres. Méléagre a assemblé les plus belles fleurs ; Céphalas a regroupé des épigrammes, Anthologia vise à regrouper des données numériques sur les épigrammes. Et la numérisation passe par la discrétisation du monde. Discrétiser est fondamental pour différencier les choses du monde. C’est par le biais de la discrétisation par exemple qu’on reconnaît qu’un bulldog n’est pas le même animal qu’un dogue argentin, même si les deux sont des chiens. La discrétisation est la base de la pensée scientifique. Si on veut avoir une connaissance ouvrable du monde, il faut diviser le monde en parties discrètes (Larrue et Vitali-Rosati 2019, 35). L’unité discrète à Anthologia n’est pas l’épigramme, mais l’ entity — les URIs uniques associés à chaque épigramme. L’ entity n’est pas une version du texte de l’épigramme. En fait, il est possible d’ajouter différentes versions du texte aux entity. On peut proposer une métaphore où l’URI devient un tiroir. Dans un tiroir on peut mettre plusieurs choses, et chaque tiroir est appelé par rapport au numéro d’un épigramme à l’AP. Le livre 5, une grande armoire, a 309 tiroirs. Ainsi, le premier tiroir est le 5.1, le deuxième le 5.2, etc. Le tiroir est un élément unique et discret où on peut mettre d’autres éléments uniques et discrets. Dans chaque tiroir on peut ranger par exemple une image du CP23, les traductions de Waltz et de Patton, les scholia ou les villes citées à l’épigramme. Anthologia travaille avec ces tiroirs singuliers où on peut placer une multiplicité d’autres objets uniques. Or, Anthologia met en scène une ontologie non-essentialiste (Vitali-Rosati 2020). Dans le cadre du projet, il n’y a pas une essence de l’épigramme, un texte qui soit plus vrai que les autres versions. Anthologia apporte les différentes forces en relation dans la constitution des épigrammes.

Le texte des épigrammes varie selon les éditions. Par exemple, ce que le scribe A écrit n’est pas forcément ce que Céphalas a écrit ; en plus, le texte du moine byzantin n’est pas identique au texte qui était présent à la Couronne de Méléagre ; de la même façon que le texte établi par Stadmüller n’est pas univoque et indiscutable. Dans ce contexte, le concept de entity — qui est immuable et unique — devient primordial. Les différentes versions des épigrammes, les images du CP23 et les traductions sont des données de valeur identique qu’on peut ajouter aux entity. Une entity n’est pas une épigramme conçue en tant que texte, elle est l’épigramme pensée comme une entité abstraite et intrinsèquement plurielle. C’est un modèle metaontologique parce qu’il dévoile les conjonctures médiatrices autour de chaque épigramme. Ce dont on dispose n’est pas une épigramme, mais les éléments présents autour de l’épigramme - les version du texte, l’image du CP23 ou un lien intertextuel entre l’épigramme et un film d’Hollywood, par exemple. En plus, Anthologia montre que l’Anthologie est une œuvre ouverte et dynamique qui représente des imaginaires collectifs divers. La 5.541 est paradigmatique en ce sens. Anthologia met à disposition les pensées de Dioscorides autour du sexe avec une femme enceinte, mais elle apporte aussi la pudeur de Paton sur le thème. Dioscorides suggère le sexe anal, Paton considère le thème obscène pour son lecteur et traduit l’épigramme vers le latin. Ces deux attitudes autant distinctes envers le sexe - la sodomie et la pruderie - sont présentes à Anthologia, car l’anthologisation emporte les imaginaires liés à chaque média dont elle s’en sert. L’avantage de ce modèle est qu’il emporte la multiplicité inhérente à l’anthologisation. L’unité n’est pas le texte au CP23, ni l’édition de Planudes, ni aucune traduction. L’unité atomique est l’entity, qui à son tour est composée par un système d’autres éléments en relation. Ce choix éditorial démontre que toutes les versions textuelles de l’épigramme sont au même niveau hiérarchique. Le texte du CP23 n’est pas plus légitime que l’édition de Planudes, comme il n’y a pas une traduction plus ou moins « fidèle » à l’original.

Anthologia est du web sémantique

Le développement de la plateforme Anthologia Graeca s’inscrit dans la pensée du web sémantique. D’une part, le web sémantique vise à la création de formats communs pour l’intégration et la combinaison de données de sources diverses ; d’autre part, le web sémantique poursuit l’établissement d’un langage ancré sur la relation entre les données et les objets du monde. Or, l’idée est que des humains et des machines puissent accéder à des databases pour chercher des données spécifiques (« W3C Semantic Web Activity Homepage » s. d.). Dans le cadre de la plateforme Anthologia, le but est de créer des identifiants uniques et immuables pour chaque épigramme. Ces identifiants sont des URI (Unified Ressource Identifier), une chaine de caractères qui identifie une ressource dans le web. La création de ces URI fait partie du processus de discrétisation mené durant le développement de la plateforme. Anthologia utilise le format CTS URN (Canonical Text Services Universal Resource Names), qui est une sorte de label qu’on appose aux textes pour qu’ils puissent être définis aux databases. Le CTS est le groupe de règles qui permettent de produire des URN organisés logiquement (Cerrato s. d.). L’identifiant de l’entity relative à l’épigramme 5.191, par exemple, est http://anthologiagraeca.org/passages/urn:cts:greekLit:tlg7000.tlg001.ag:5.191/. L’indication du serveur est http://anthologiagraeca.org/ et passages indique le type de ressource auquel on souhaite accéder. En plus, urn:cts : montre le protocole suivi et greekLit démontre que le texte s’inscrit dans le cadre de la collection de la littérature grecque. Autres collections possibles : latinLit, pour la littérature latine, et hebLit pour la littérature hébraïque. Ensuite, il faut donner l’identifiant tlg au Canon Thesaurus Linguae Graecae. Le TLG se propose de préserver et collecter les œuvres de la littérature grecque. Il est une collection de textes, une databank qui rassemble les textes depuis Homère jusqu’à la période byzantine (« TLG - History » s. d.). Ainsi, TLG se propose comme un canon, et le tlg est l’identifiant unique à chacun des auteurs et œuvres présents dans le corpus. Par exemple, tlg0012 appartient à Homère, tlg0003 à Thucydides, tlg7000 à l’Anthologie Palatine et tlg5011 aux scholia de l’AP. La séquence tlg001 est l’identifiant de l’œuvre. Par exemple, tlg0012.tlg001 signifie l’œuvre 001, le critère est chronologique, du tlg0012, qui est Homère. Or, urn:cts.greekLit.tlg0012.tlg001 fait référence à l’Illiade, mais urn:cts.greekLit.tlg0012.tlg002 se réfère à l’Odyssée. Ainsi, homme et machine peuvent lire les informations contenues dans l’URI. Cet identifiant unique est utilisé dans le cadre de la plateforme Anthologia.

Le numérique se construit sur la discrétisation des objets du monde, et rendre les épigrammes discrètes permet qu’elles soient traitées autrement. Par exemple, on peut représenter l’auteur du texte, si le texte est une épigramme ou une scholie, quelle est la source de ce texte, qui a ajouté ce texte à la plateforme, etc. Le format organisationnel des données dans la plateforme est le JSON (JavaScript Object Notation). Ce format est intéressant parce qu’il est lisible par des machines et des humains (« JSON » s. d.). Anthologia utilise un API (Application Programming Interface), et ses données sont repérables par autres plateformes et chercheurs. On présente l’image des données de l’entité 5.191 organisées à JSON et en format « brut ». Un texte brut représente seulement les caractères contenus, il porte le contenu basique du texte. Il n’a pas de mise en forme au texte brut. Le texte enrichi apporte son balisage.

Les données de 5.191 en JSON
Les données de 5.191 en format « brut »

Bâtir une anthologie signifie organiser des données. L’AP est une compilation d’épigrammes faite au Xe siècle par Céphalas, et le CP23 est le manuscrit source de l’AP. Pourtant, l’AP est plus qu’une compilation d’épigrammes et que le CP23. Elle est un objet reconstruit a posteriori par des éditeurs (Vitali-Rosati et al. 2020). Or, comme objet construit postérieurement, son ordre est toujours imposé par son bâtisseur, d’où la tension entre unité et œuvre. L’épigramme est une unité complète et autonome ; elle a son ordre et sa logique propre. Par contre, l’anthologie a un autre ordre, qu’elle impose à ses unités. Procéder à la reconstruction est au centre de la remédiation faite par l’anthologie une fois qu’elle prend des choses déjà existantes, les rassemble et les organise. En plus, l’ouverture est inhérente à l’anthologie : on peut toujours ajouter des donnes, des éléments à l’œuvre. Les érudits continuent, pendant des siècles, à ajouter à l’Anthologie des épigrammes, des préfaces, des scholies ; à Anthologia on peut toujours ajouter aux entity des données. L’utilisateur peut joindre une traduction ou établir un lien entre l’épigramme et une chanson, par exemple. Or, Anthologia remédie l’Anthologie. L’utilisation d’un API rend plus transparente une couche de la remédiation en cours. On apperçoit, par exemple, qu’à l’épigramme 5.191 l’auteur - Méleagre - et le type de texte - épigramme - sont devenus des label et des valeur et que le source est "http://anthologiagraeca.org/passages/urn:cts:greekLit:tlg7000.tlg001.ag:5.191. Ces métadonnées sont ouvertes à tous.

Les différentes strates de la remédiation : le texte à partir de Perseus, les traductions et l’annotation sur Heidelberg

Le projet Anthologia établit une base de données relationnelle. Il réunit un groupe d’informations — les versions grecques des épigrammes, les traductions, les scholies et d’autres — et par le biais d’un API il présente ces informations dans sa plateforme. La première chose à faire dans la création des URIs d’Anthologia est de prendre l’URI à Perseus. L’idée est de récupérer la version TEI XML de Perseus du texte l’épigramme 5.191 complète, et le bon URI à prendre est la citation URI. L’exercice de récupérer à Perseus l’édition TEI XML du texte était, dans un premier moment, manuel. C’était au chercheur de retrouver le bon URI et de l’associer à Anthologia. Maintenant, la Chaire a développé un algorithme qui récupère automatiquement les URI.

URI à Perseus

Les traductions des épigrammes sont des données fondamentales pour Anthologia, et l’on peut ajouter des traductions dans plusieurs langues. Aujourd’hui, les langues représentées sont le grec, l’anglais, le français, l’italien, le latin, le portugais et l’espagnol. Par convention, chaque épigramme doit avoir au moins les traductions en anglais et en français. L’édition anglaise du texte est la traduction de Paton, disponible en ligne2 au format .txt, ce qui rend possible la copie du texte en utilisant les commandes informatiques Ctrl-C et Ctrl-V . L’édition française du texte est la traduction de Waltz. Cette édition n’est pas disponible en ligne sous un format passible d’être copié. De cette façon, on doit transcrire manuellement le texte de l’épigramme. Anthologia présente les éditions de Loeb Classical Library et de Les Belles Lettres. La plateforme est un produit du contexte numérique, mais elle est ancrée dans la tradition et l’érudition du monde livresque. Or, les données présentes dans Anthologia obtiennent aussi de l’autorité et de la légitimité à grâce la remédiation que la plateforme fait d’autres médias.

Remédiation des éditions de Paton et de Waltz

Anthologia mène un travail collaboratif dans son édition numérique de l’AP parce que les utilisateurs font des collaborations. C’est aux usagers que revient la tâche d’ajouter des données à la plateforme. Or, ils sont divers. Il y en a des issus de lycées italiens, des chercheurs consacrés, des étudiants universitaires et d’autres. Bien sûr que leurs contributions vont être hétérogènes. Les traductions sont, peut-être, le lieu où il y a plus d’ouverture dans la plateforme Anthologia. L’utilisateur peut ajouter la traduction qu’il veut, soit une traduction cannonique ou non. Par exemple, comme lusophone, j’ai ajouté des traductions en langue portugaise. Les 5.803 et 5.814 ont des versions de Fernando Pessoa. La 5.545 a une traduction en portugais faite par moi-même. Il est intéressant de noter comme Anthologia contient la diversité. Pessoa a traduit les épigrammes de l’anglais (Pessoa 2001). Sa source était la traduction de Paton. J’ai fait les traduction du grec. Ma source était aussi l’édition de Paton, mais j’ai travaillé avec le texte grec que le traducteur écossais a établit, pas le traduction en anglais.

Fernando Pessoa présent à Anthologia

La plateforme Anthologia est collaborative parce qu’elle travaille avec autres plateformes comme Perseus et Heidelberg. Perseus Digital Library Project est une collection de textes grecs et latins. La plateforme d’Heidelberg apporte la numérisation de plusiers codex de la Bibliothèque palatine. À partir de Perseus, Anthologia prend le texte grec de l’édition de Paton, et Heidelberg fournit les images du CP23. Ces images sont prises par le biais de l’annotation faite sur le CP23 numérisé. Les annotations permettent d’aider les lecteurs à identifier des éléments à l’image. Dans le fac-similé numérique du CP23, les annotations dévoilent les limites des épigrammes et des scholia. Il y en a deux types d’annotations : les annotations structurales et les annotations de contenu. Les annotations structurales servent à identifier les unités textuelles — les épigrammes et les scholia — et elles contiennent les hyperliens vers Perseus et Anthologia Graeca. Les annotations de contenu sont des commentaires qui surpassent la délimitation des unités textuelles et les hyperliens. Ces commentaires peuvent être philologiques, historiques, thématiques, etc. (Fernández Riva 2020). Le travail que j’ai a mené à la plateforme de Heidelderg se concentre aux annotations structurales. Le livre 5 est déjà intégralement annoté, c’est-à-dire que les 309 épigrammes et ses scholia sont identifiés. Sur les scholia, j’ai fait des annotations de contenu identifiant le scholiaste qui a écrit le scholium.

L’annotation structurale de l’épigramme 5.191

Le rectangle rouge montre la place de l’épigramme 5.191 à la page 116 du CP23. Sur la colonne de droite, on voit la liste des unités textuelles présentes à la page 116. En plus, lorsqu’on sélectionne une unité, on voit des informations pertinentes. D’abord, l’auteur du texte et le type d’unité textuelle — Méléagre et épigramme, dans ce cas-ci. Ensuite, les hyperliens Perseus et Anthologia. Fournir ces hyperliens est une façon de légitimation propre au numérique. Les plateformes s’associent les unes avec les autres. Dans Heidelberg, on doit mettre les URIs de l’épigramme présentes dans Anthologia et dans Perseus. Dans Anthologia, on doit mettre l’image du CP23 prise à partir d’Heidelberg. De cette façon, chaque plateforme reconnaît l’autorité et la légitimité du contenu de l’autre. En plus, les annotations structurales sont un travail de discrétisation. On a un tout — le CP23 numérisé — dont on doit diviser à des entités uniques plus petites.

La bibliothèque de Heidelberg a utilisé le format IIIF-Link (International Image Interoperability Framework) dans la numérisation du CP23. L’IIIF est un groupe de procédures ouvertes qui aide les archives, les bibliothèques et les musées dans la numérisation des collections (« IIIF Frequently Asked Questions (FAQs) — IIIF International Image Interoperability Framework » s. d.). Permettre aux chercheurs d’accéder de manière riche et uniforme aux images est un des buts du IIIF. Puis, le centre du IIIF est le IIIF Manifest, qui est package où sont placées toutes les informations essentielles de l’item. Le IIIF Manifest est la description de la structure et des propriétés de la représentation numérique d’un objet, souvent un objet physique comme un livre, une œuvre d’art, etc. (« IIIF Frequently Asked Questions (FAQs) — IIIF International Image Interoperability Framework » s. d.). Le format IIIF que permet la discrétisation des images du CP23.

Dans Anthologia, on doit ajouter des images de l’épigramme et des scholia. Comme exemple des procédures nécessaires pour l’ajout de l’image, on analyse le premier scholium de l’épigramme 5.191. D’habitude, le premier scholium donne le nom de l’auteur de l’épigramme, qui est Méléagre pour l’épigramme 5.191. Une fois l’annotation du CP23 faite, il faut prendre l’URI des images sélectionnées sur le site de la plateforme de Heidelberg. À l’image suivante, on voit l’URI à prendre6 à partir de la plateforme Heidelberg. Sous le format IIIF7 l’URI montre les références de la région rectangulaire, déterminée par des coordonnées pixel, sélectionnée au CP23 (« Image API 3.0 — IIIF International Image Interoperability Framework » s. d.), c’est-à-dire que l’URI montre les limites de l’annotation structurale faite.

Link IIIF¶¶

D’abord une annotation dans un codex ; ensuite, dans un livre. Anthologia Graeca prend ces deux objets et les présente d’une nouvelle façon. L’anthologisation numérique dans Anthologia est, dans le cadre conceptuel de Bolter et Grusin, un cas d’hypermediacy (J. David Bolter 1999) où plusieurs médias sont en contact. Le 5.192.2 est un bon exemple. La différence entre le texte du codex et la transcription du grec dévoile l’existence de deux médias différents. Stadmüller, qui a transcrit les scholies, complète ce que C a écrit. Le lemmatiste écrit εἰς Καλλίσ, avec le σ au-dessus ; le philologue germanique écrit εἰς Καλλίστιον. À chaque média est inscrit un texte distinct, et Anthologia fait voir les différents textes.

Le texte du codex n’est pas forcément le même des livres

Aux scholia, pour la transcription du texte grec, les sources sont les éditions de Waltz (Waltz et al. 1928) et de Stadmüller (Planudes et Stadtmüller 1894). La tâche était de remédier ces textes, c’est-a-dire de passer d’un contexte livresque — soit d’une édition imprimée, comme Waltz ; soit d’une édition numérisée, le cas de Stadmüller — à une plateforme numérique. Alors, pour faire la remédiation, j’ai transcrit manuellement tous les scholia du livre 5 dans un fichier. Ensuite, j’ai mis les scholia transcrites au bon endroit dans Anthologia.

Anthologia anthologise l’Anthologie Palatine. Une anthologie remédiatise les unités dont elle s’en sert. Le texte que Méléagre a écrit sur un papyrus va après être inscrit dans un codex par Céphalas. Dans le codex, le Byzantin inscrit aussi d’autres textes qui n’étaient pas de Méléagre. Ensuite, des moines copient ces textes et font des commentaires sur les textes. Ils disent qui est l’auteur du texte, ils donnent des informations sur les personnages du texte mais aussi sur le bon ou mauvais placement du texte dans l’Anthologie. Du papyrus au codex, du codex au livre et du livre à la plateforme numérique, à chaque remédiation les relations sont réarrangées et des données sont ajoutées. Anthologia montre les différents moments de remédiation. En plus, Anthologia apporte une édition numérique d’une œuvre classique, l’Anthologie Palatine. La discrétisation est fondamentale pour le numérique et elle est aussi au centre de l’anthologisation. Dans Anthologia, les entity, les images du CP23 prises par les biais des annotations à partir d’Heidelberg et les différentes versions du texte sont des exemples de la discrétisation. Anthologia soutient une approche non-essentialiste puis elle utilise une multitude d’unités discrètes, qui peuvent même être contradictoires. Par exemple, l’essence de l’épigramme 5.54 n’est ni la sodomie ni la pruderie. Anthologia dévoile que ces deux éléments font partie de la constitution de l’épigramme 5.54 et qu’il n’y a pas une vérité unique du texte. Enfin, Anthologia partage ses données avec d’autres plateformes du classicisme numérique. En plus, Anthologia récupère des données d’autres plateformes. Par exemple, l’édition du texte grec est prise à partir de Perseus et l’identifiant qu’Anthologia utilise pour la composition de ses URI est le tlg, l’identifiant de Thesaurus Lingua Graeca. Ce partage de données est une façon de légitimation du contenu. La remédiation donne aussi de l’autorité à Anthologia. L’image du CP23, le texte grec provenant de Perseus et les traductions de Paton et Waltz valident l’entity. En somme, Anthologia permet l’appropriation et une nouvelle signification des textes classiques par l’utilisation des outils numériques.

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  1. http://anthologiagraeca.org/passages/urn:cts:greekLit:tlg7000.tlg001.ag:5.54/↩︎

  2. https://archive.org/stream/greekanthology01pato/greekanthology01pato_djvu.txt↩︎

  3. http://anthologiagraeca.org/passages/urn:cts:greekLit:tlg7000.tlg001.ag:5.80/↩︎

  4. http://anthologiagraeca.org/passages/urn:cts:greekLit:tlg7000.tlg001.ag:5.81/↩︎

  5. http://anthologiagraeca.org/passages/urn:cts:greekLit:tlg7000.tlg001.ag:5.54/↩︎

  6. http://digi.ub.uni-heidelberg.de/iiif/2/cpgraec23%3A116.jpg/pct:71.31923716657752,18.746891554783033,11.735971842585453,1.9558839508855792/full/0/default.jpg↩︎

  7. Le modèle obligatoire de la syntaxe IIIF est {scheme}://{server}{/prefix}/{identifier}/{region}/{size}/{rotation}/{quality}.{format}(« Image API 3.0 — IIIF International Image Interoperability Framework » s. d.).↩︎