Regards croisés sur le sujet lecteur : la sociologie pour interroger la lecture littéraire à l’ère de la littératie médiatique multimodale
Marie-Hélène Cuin

Le développement du numérique et la croissance exponentielle des supports de communication ont donné naissance à de nouvelles pratiques de lecture et d’écriture qui en conjuguent et en multiplient les modes (texte, son, image, icônes). L’omniprésence de la littératie médiatique multimodale numérique dans les pratiques culturelles a changé le rapport à la littérature, à la lecture et à la culture. Les recherches relativement récentes dans le champ de la psycho-cognition témoignent de l’impact de l’écran sur nos modalités de lecture (Evans 2011; Becchetti-Bizot et Butlen 2012) et sur les processus de mémorisation ; outre l’influence du medium, se pose également la nature de ce que nous lisons et les modalités spécifiques de lecture que nécessitent les documents composites. Or, cette évolution semble avoir accentué le hiatus apparent entre pratiques de lecture scolaire des œuvres classiques et pratiques culturelles privées des jeunes lycéen.ne.s. Les travaux initiés par l’équipe québécoise depuis 2013 (Lacelle, Lebrun, et Boutin 2013, 2017) ont permis de mettre en évidence la nécessité et l’urgence d’enseigner la littératie médiatique multimodale en contexte numérique en étudiant les spécificités des compétences qu’engage l’utilisation de ces supports.

Sous l’impulsion d’une politique d’innovation portée par l’institution, l’usage d’outils médiatiques et numériques s’est banalisé dans les classes. Pourtant, si les programmes encourageaient l’utilisation des supports numériques et médiatiques, la question de leur articulation avec l’enseignement de la littérature reste une zone d’ombre. Par ailleurs, l’impact de leur utilisation dans la sphère scolaire, et plus spécifiquement dans le cadre de l’enseignement de la littérature est un champ investigué par la recherche de façon relativement récente lors du colloque de 2017 à Grenoble (Brunel, Quet, et Massol 2018). La synthèse des recherches menées en ce sens montre la nécessité d’adopter un principe de précaution et le bilan invite notamment à interroger la question de l’efficience de la lecture littéraire dans des dispositifs mettant en jeu des outils numériques : « les apprenants, accompagnés par leurs enseignants, arrivent-ils à créer et à justifier un parcours de sens dans une œuvre, à les transformer en expériences métabolisées, c’est-à-dire utiles à leur parcours de vie ? » (Cordonier 2018, 220).

Au terme de ces premiers constats, nous mesurons le rôle majeur de la sociologie de la lecture et celle des pratiques culturelles pour contextualiser la question de l’enseignement de la lecture des œuvres classiques au lycée. Dans le prolongement de notre travail de thèse, nous proposons aujourd’hui d’interroger plus spécifiquement la façon dont les apports de la sociologie peuvent nous aider à penser les enjeux épistémologiques et méthodologiques de l’enseignement de la littérature soulevés par l’introduction de nouveaux objets dans les pratiques de classe. Notre réflexion se situe donc dans l’articulation entre les objectifs de la formation littéraire et les nouvelles conditions du rapport à la lecture et à l’écriture qui caractérisent l’ère numérique, question clé des recherches actuelles en didactique des disciplines.

Après avoir présenté notre dispositif d’expérimentation, nous envisagerons cette question d’un point de vue épistémologique en nous demandant comment les apports de la sociologie de la lecture et celle des pratiques culturelles peuvent éclairer la notion de sujet lecteur.ice à l’ère de la littératie médiatique multimodale. Nous questionnerons ensuite l’apport de la sociologie comme discipline contributoire du point de vue de la méthodologie en considérant la façon dont elle peut aider à construire des observables à partir de données recueillies en classe, mais touchant à des pratiques de lecture à la fois scolaires et privées. Nous interrogerons enfin trois profils d’élèves qui questionnent la lecture effective des œuvres ou la construction des inégalités scolaires.

I. Un dispositif de lecture-écriture en réseau articulant littérature et littératie médiatique multimodale en contexte numérique

Nous avons choisi d’expérimenter la production d’un texte du.de la lecteur.ice médiatique multimodal en contexte numérique (TL2M@) : il s’agit d’un diaporama, support d’un exposé oral pour rendre compte de la lecture d’un roman abordé au sein d’une séquence d’étude en œuvre intégrale.

1. Un écrit médiatique multimodal en contexte numérique pour lire Madame Bovary en classe de seconde

Le dispositif s’inscrit dans le contexte institutionnel des programmes de français de 2011 et plus spécifiquement dans le cadre d’une séquence consacrée à l’étude en œuvre intégrale de Madame Bovary de Gustave Flaubert pour l’objet d’étude « le roman et la nouvelle au XIXe siècle : réalisme et naturalisme ». Il s’agit d’intégrer dans un dispositif d’enseignement de lecture-écriture en réseau la mise en œuvre d’un diaporama, support d’un compte rendu oral de lecture de l’œuvre flaubertienne.

L’étude du roman se déroule dans le cadre d’une séquence de quatre semaines et onze séances. La prescription de la lecture a été envisagée en deux temps : une première lecture pour rédiger l’autobiographie de Charles ou d’Emma. Cet écrit intermédiaire vise à favoriser l’empathie fictionnelle du personnage (Larrivé 2015). La relecture du roman avait pour fonction d’accompagner le rythme du parcours de l’œuvre au fil des lectures analytiques et des temps de synthèses prévus en classe. Quatre lectures analytiques fondent le cœur du dispositif (l’incipit, la noce, le bal à la Vaubyessard et la lecture analytique comparée de la mort d’Emma, puis celle de Charles). Entre la première et la deuxième lecture analytiques, une lecture cursive des chapitres 1 à 3, et entre les troisièmes et quatrièmes lectures analytiques, une lecture cursive des brouillons de Gustave Flaubert assortie d’une contextualisation de la genèse de l’œuvre et de l’étude du réalisme abordé notamment en peinture. Après la dernière lecture analytique, des cercles de lecture permettent aux élèves de rendre compte d’œuvres proposées en lecture cursive. Il s’agit d’une liste de réécritures contemporaines du roman flaubertien .

2. Écrits textuels et texte du.de la lecteur.ice médiatique multimodal en contexte numérique (TL2M@)

Les écritures de la réception et les écrits intermédiaires ont été conçus de manière dynamique afin d’exploiter les ressorts divers de l’activité subjective du.de la lecteur.ice : horizons d’attente suscités par les différentes premières de couverture du roman, écriture réflexive sur l’arrivée du nouveau avant d’entrer dans le texte de l’incipit, écriture d’invention (« écrire dans », Le Goff 2011) dans la transposition du point de vue de la scène du bal à la Vaubyessard, écriture oralisée des arguments du procès du roman, notes personnelles sur le carnet de lecture, écrit second assimilé à la dissertation (dont le sujet est le suivant « selon vous, qui est le véritable personnage du roman de Flaubert ? »). Ce dispositif a été conçu pour articuler l’écrit multimodal de lecture avec l’écrit argumentatif (la dissertation) comme deux étapes de la lecture littéraire du roman flaubertien.

Le TL2M@ consiste en un diaporama, écrit multimodal de lecture considéré comme un écrit de la réception qui s’adosse aux dispositifs de lecture visant à développer une lecture sensible du texte (Ahr 2013), et aux recherches d’Yves Citton (2007) sur le dialogue entre actualisation et contextualisation des œuvres littéraires1. Il pourrait également s’agir d’une « écriture multimodale sur » à la manière d’un commentaire ou d’un journal du.de la lecteur.ice (Le Goff 2011). Pour ce qui est de la nature de ce TL2M@, il s’agit d’un écrit sur l’art dont l’objet est une œuvre littéraire. Sa forme recourt à plusieurs modes et sa fonction est heuristique. Si l’on peut le considérer comme un écrit de la réception dans la mesure où il s’agit d’« une écriture synchrone ou différée d’une rencontre avec le texte » (Larrivé et Le Goff 2015), il est également un écrit où peut se déployer le processus de construction de la lecture littéraire entre des étapes de subjectivité première et la construction progressive d’une lecture raisonnée précédant la rédaction d’un écrit de secondarisation qu’est un écrit argumentatif assimilé à la dissertation.

Pour ce qui touche au dispositif de lecture envisagé de façon plus large, dans le contexte de la durée de la séquence, nous pouvons tenir l’ensemble des écrits de la réception (diaporamas, écriture d’invention, écrit de type dissertation) comme des variantes (hypertextuelles ou métatextuelles) sollicitant des modes différenciés de la compréhension de l’œuvre.

3. Contexte de l’expérimentation

Le dispositif expérimental mis en œuvre au sein de deux classes de seconde s’inscrit dans deux contextes d’enseignement différents pourtant ancrés dans le même établissement du centre-ville en Nouvelle-Aquitaine. Ce dernier initialement non sectorisé accueillait jusqu’à la rentrée 2016 un public d’élèves susceptibles de rencontrer ou d’avoir rencontré des difficultés au cours de leur scolarité, les modalités de recrutement ne dépendant pas du secteur géographique contrairement à la majorité des établissements du secondaire. Ce lycée se caractérisait également par une capacité importante d’accueil d’élèves issus d’autres établissements de l’agglomération, soit en raison de difficultés scolaires ou personnelles, soit à la suite de mesures d’exclusion. La période d’expérimentation s’inscrivant dans un empan de 2014 à 2016, la première classe de seconde (2015-2016) se caractérise par une très forte hétérogénéité et est constituée d’un nombre important d’élèves issus de classes dites défavorisées. Composée de 12 garçons et 20 filles, elle comprend trois primo-arrivants, six redoublants, un triplant et un élève diagnostiqué H.P.E.2 ayant connu des phases de déscolarisation. Le profil des lecteur.ice.s de cette classe reste hétérogène, confirmant le paradoxe contemporain qu’est l’absence de corrélation entre réussite scolaire et pratiques avérées et confirmées de lecture (Singly 1993; Renard 2011).

La deuxième classe, après sectorisation de l’établissement, s’ouvre à l’accueil d’élèves issu.e.s d’un collège de proximité situé dans un quartier socialement très favorisé, mais refusé.e.s dans un établissement de centre-ville aux effectifs pléthoriques. Cette classe de 33 élèves de seconde d’une classe européenne comprenait 9 garçons et 24 filles. Dans le cadre du projet d’établissement, ces élèves ont bénéficié au collège d’un enseignement supplémentaire en histoire des arts et en informatique.

Nous présentons ce contexte d’expérimentation en raison des profils très différents de ces deux classes (parcours scolaire antérieur ou contextes socioculturels). Pour ce qui touche aux pratiques culturelles privées des deux classes, les questionnaires ont permis de mettre en évidence des résultats conformes aux grandes tendances dessinées par les enquêtes de Donnat (2012, 2014) : réseaux sociaux, jeux vidéo, textos, écoute de musique restent majoritaires dans les activités dominantes des jeunes adolescent.e.s.

II. Enjeux épistémologiques autour du sujet lecteur.ice : entre didactique de la littérature, littératie médiatique multimodale et sociologie des pratiques culturelles

1. Articuler littérature et littératie médiatique multimodale en contexte numérique : la question des modèles

Vers un sujet lecteur.ice élargi ? De la notion à l’outil-didactique

Notre travail de recherche s’inscrit dans la lignée des travaux sur le sujet lecteur.ice, recherches que Brigitte Louichon met en perspective pour distinguer deux périodes (Louichon 2017). La première s’ouvre sur le colloque de 2004 consacré au sujet lecteur.ice (Rouxel et Langlade 2004), acte fondateur de la notion. L’objectif était de chercher « à cerner l’activité réelle du.de la lecteur.ice réel.le ». Suit en 2008, le colloque sur le texte du.de la lecteur.ice (Mazauric, Fourtanier, et Langlade 2011), deuxième jalon et un ouvrage consacré aux souvenirs de lecture (Louichon 2009). La spécificité de ces travaux sur le sujet lecteur.ice « tient à ce qu’il importe non pas des modèles scientifiques en les transposant, mais qu’il cherche à construire dans le même lieu des modèles scientifiques et des modèles didactiques ». Pour les travaux de deuxième génération, Brigitte Louichon distingue quatre types de recherches3 qui « articulent une double finalité : expérimenter des dispositifs didactiques susceptibles de prendre en compte la dimension subjective du lecteur scolaire et décrire l’activité de ce lecteur réel, autrement dit se poser des questions scientifiques et didactiques » (Louichon et Perrin-Doucey 2020, 3). C’est dans cette perspective que s’inscrit notre travail de recherche qui place le sujet lecteur.ice au centre du cadre théorique afin de concevoir le dispositif didactique présenté plus haut. Cette démarche permet de construire

(des) résultats triples quant à leur nature : les notions sont configurées dans une perspective didactique ; la manière dont lisent les élèves, les enjeux qu’ils assignent à la lecture des œuvres, la manière dont les effets se déploient dans un temps long, les difficultés que les élèves comme les enseignant.e.s rencontrent sont décrites et interprétées ; les dispositifs sont expérimentés ou réexpérimentés, analysés, évalués, discutés, comparés. (Louichon, 2020, 4)

Notre recherche visait à expérimenter un dispositif didactique susceptible de prendre en compte la subjectivité du.de la lecteur.ice scolaire afin de pouvoir observer, décrire et comprendre ce que l’introduction d’un texte du.de la lecteur.ice médiatique multimodal peut déclencher ou non en termes d’appropriation du texte littéraire. Le dispositif d’enseignement s’inscrit dans le cadre de pratiques ordinaires de classe, dans une séquence d’étude d’œuvre intégrale d’une œuvre classique. Il se caractérise par la mise en réseau de différentes écritures de la réception (écrit subjectif, autobiographie de personnage, écriture d’invention, écrit argumentatif de type dissertation) qui peuvent être considérées comme des écrits d’appropriation (Shawky-Milcent 2014, 2016) mais aussi comme des étapes invitant à penser l’activité du sujet lecteur.ice scripteur.ice en y incluant les notions du temps, de la mémoire et celle de l’espace de la lecture (Larrivé et Le Goff 2015). Cependant, d’un point de vue scientifique, la question que pose ce dispositif didactique qui articule écritures de la réception et texte du.de la lecteur.ice médiatique multimodal concerne la dimension outillante de la notion de sujet lecteur.ice. En effet, si l’on considère que le sujet lecteur.ice combine l’activité subjective du.de la lecteur.ice en dialogue avec la communauté discursive qu’est la classe (Louichon et Petitjean 2015), dans le cadre du dispositif didactique, on peut penser qu’il s’agit d’un sujet lecteur.ice élargi en ce qu’il investit l’espace-temps des pratiques culturelles privées, mais aussi la question du discours médiatisé à partir d’un texte multimodal.

Penser le cadre théorique du TL2M@

Notre recherche est centrée sur un dispositif qui fait appel à des modèles théoriques issus de recherches sur le sujet lecteur.ice. Pour ce qui est de la lecture numérique, Brehm & al. soulignent que le nombre de recherches portant sur cet objet « rendent compte de réflexions ou de recherches menées en pensant à un lecteur expert en lecture sur papier, qui se trouve confronté à un nouveau mode de lecture , soit la lecture numérique » (Brehm et al. 2018, 24). Nathalie Lacelle, Monique Lebrun et Jean-François Boutin confirment également que les compétences de littératie médiatiques multimodales en contexte numérique ont été posées à partir de lecteur.ice.s expert.e.s (2017).

Pour le sujet lecteur.ice élargi ou le sujet lecteur.ice scripteur.ice de littératie médiatique multimodale, se pose la question des modèles issus de l’expertise, ce qui, comme nous l’avons évoqué plus haut, oriente la démarche de recherche : il s’agit bien d’outiller un dispositif didactique permettant de décrire, comprendre et interroger la façon dont le.a lecteur.ice réel.le va l’investir. Dans la mesure où le sujet lecteur.ice élargi intègre la dimension extrascolaire, les apports de la sociologie des pratiques culturelles ont paru nécessaires à l’élaboration du cadrage théorique.

2. Les compétences cachées

L’essor relativement récent des travaux sur la lecture et sur l’écriture électronique des adolescent.e.s et le développement des recherches didactiques sur les connaissances extrascolaires des élèves ont permis de mettre au jour que, concurrencée par d’autres moyens d’accès au savoir, l’école n’est plus le seul espace à même de dispenser des connaissances (Jenkins 2006). Comment intégrer ce qui se joue hors les murs de l’école ? Les recherches de l’équipe EMA4 analysant les résultats de l’enquête PISA travaillent sur l’hypothèse qu’« il est possible de mettre au jour des connaissances cachées, développées par la lecture et l’écriture électroniques, connaissances développées par une pratique extrascolaire intensive et susceptibles de devenir des ressources dans le cadre scolaire, pour peu qu’on les identifie et qu’on les exploite » (Elalouf 2012, 140). Ces recherches, issues des réflexions du sociologue Michel Verret ont opéré une distinction entre le savoir transmissible scolairement et ce qui était a contrario nommé « le champ de l’intransmissibilité scolaire ». De plus, les travaux de psychologie cognitive ont permis de mettre en évidence, chez le sujet langagier, les « connaissances acquises par apprentissage implicite ; l’ergonomie et la didactique professionnelle avec les savoirs d’action ». Marie-Claude Penloup propose de sortir du clivage entre connaissance intériorisée, informulable et savoir objectivé et socialisé en distinguant des états intermédiaires où « le savoir personnel » ou « savoir du sujet » désigne une « connaissance construite voire objectivée, mais non reliée à un savoir socialement reconnu » (Penloup 1999). Si ces connaissances peuvent être verbalisables notamment dans des entretiens d’explicitation, elles peuvent toutefois être ignorées pour trois raisons : soit les sujets ignorent qu’ils les possèdent, soit l’institution n’en a pas connaissance, soit, dans le cas où les sujets en ont connaissance, ils ne les mobilisent pas dans un contexte institutionnel qui ne les reconnait pas. La question se pose alors de la transformation de ces connaissances en ressources pour les apprentissages scolaires (Elalouf 2012). Pour ce qui concerne la lecture en tant que telle, les travaux de Marie-Laure Elalouf, Max Butlen et Sylviane Ahr fondés sur des entretiens d’explicitation menés dans le prolongement des enquêtes PISA, montrent que la question de la représentation de l’acte de lire diffère singulièrement, et de façon très spécifique pour les élèves qui se déclarent plutôt non lecteur.ice.s, mais qui sont par ailleurs capables d’expliciter les procédures qu’iels mettent en œuvre lorsqu’iels effectuent une lecture sur écran (Ahr, Butlen, et Elalouf 2012). Les auteur.ice.s soulignent les perspectives qu’offrent ces résultats.

Si la question des connaissances cachées concerne le point de vue des élèves, et de façon plus spécifique le rapport à, elle touche également aux représentations nourries par l’institution et ses acteurs. Nombre de sociologues ont mis en évidence la nécessité d’appréhender la réalité des compétences technologiques des adolescents afin d’éviter les prismes déformants d’un adultocentrisme attaché à des compétences fantasmées (Dauphin 2012; Octobre 2017). La question centrale de notre recherche nous a amenée à interroger, outre les compétences cachées, la façon dont pouvait se manifester le rapport à la technoculture.

3. Du sujet lecteur.ice au sujet didactique : penser l’articulation des pratiques de lecture scolaire et des pratiques culturelles privées

Les travaux de Sylvie Octobre sur les mutations des pratiques juvéniles (2017) ont nourri notre cadre théorique dans la mesure où nous souhaitions envisager dans le dispositif de lecture d’œuvre intégrale un espace-temps élargi de la lecture autorisant et reconnaissant les pratiques médiatiques, numériques et culturelles extrascolaires. Le parti pris dans la conception de ce dispositif de lecture-écriture en réseau a consisté à légitimer des entrées dans la lecture littéraire d’une œuvre intégrale autres que la seule lecture scolaire de l’œuvre. Ainsi, dans le champ hors les murs, le recours aux pratiques de copiés-collés des ressources issues d’internet, souvent fréquentes dans le cadre d’évaluations de lecture, la possibilité de commencer la séquence sans avoir vraiment lu l’œuvre, mais en pouvant partir d’un texte du.de la lecteur.ice inspiré de contenus tirés de Wikipédia ou d’un autre support (adaptation filmique, résumé, commentaire, etc.) ont été considérées comme entrées possibles, notamment pour la première lecture du roman recommandée avant la première séance. Cette première direction considère les OSS (Louichon 2012, 2015) comme ressource légitime pour les élèves. Les données recueillies pour la rédaction d’une autobiographie du personnage (Charles ou Emma) ont d’ailleurs pu confirmer les différentes modalités d’entrées dans la lecture du roman, sans que cette entrée empêche des (re)lectures du roman au cours de la séquence. Outre cette première direction, nous avons également choisi de favoriser en classe une autre modalité de recours aux OSS : adaptations (films, roman graphique), réécritures actualisantes du roman dans le cas de lectures cursives destinées à mettre l’œuvre de Gustave Flaubert en perspective avec les productions témoignant de la vitalité de l’œuvre (Louichon et Petitjean 2015)5. S’il était ainsi possible d’envisager d’autres espaces de la lecture, d’autres temporalités, c’est que la réalisation du diaporama placée hors du temps scolaire laissait ouverte la possibilité d’échanges entre les élèves en dehors du temps de la classe et de l’établissement.

Au-delà même de la simple question du sujet lecteur.ice, c’est la question du sujet qui a été réinterrogée : un élargissement de l’espace-temps et une légitimation des pratiques culturelles extrascolaires, mais aussi une appréhension de l’élève en tant que sujet didactique tel que le conçoit Daunay :

(u)ne telle inscription […] n’en fait pas un simple sujet épistémique, concerné par le seul (rapport au) savoir, mais intègre d’autres dimensions, sociales, affectives, psychologiques, cognitives, qui ne peuvent se penser sans concevoir le sujet didactique à ce qui excède le système didactique : la didactique du français ne peut le concevoir sans une réflexion sur l’élève ou l’enfant, ce sujet appréhendé comme déjà-là ou en développement, ce que j’appelais en introduction les « entours » de l’apprenant. (Daunay 2011, 61‑62)

Or, il ne s’agit plus seulement du sujet lecteur.ice dans le champ de la didactique de la littérature, mais bien plutôt du sujet didactique que veut approcher la didactique du français. Le texte du.de la lecteur.ice médiatique multimodal en contexte numérique convoque des compétences scolaires et extrascolaires culturelles, mais aussi orales, scripturales et orales qui invitent à réinterroger l’articulation des didactiques.

On voit ainsi comment la sociologie de la lecture et celle des pratiques culturelles utilisées d’un point de vue épistémologique pour orienter la recherche et fonder les constats apportent, avec la didactique de la littérature, celle de la littératie médiatique multimodale en contexte numérique les concepts outillants qui ont fondé notre cadre théorique. L’objectif de la recherche reste alors d’observer, décrire et comprendre ce que peut être cette lecture littéraire d’une œuvre patrimoniale en observant les traces de son appropriation possible.

III- Enjeux méthodologiques : quels observables ?

1. Une méthodologie complexe

Qu’est-ce que ce dispositif permet ou non de solliciter chez l’élève lecteur.ice ? La nature du diaporama, écrit de lecture multimodal et médiatisé est complexe : il est un écrit de la réception (Fourtanier et Le Goff 2017), mais sa médiatisation en fait un écrit oralisé, support d’un discours de l’élève sur le texte littéraire. Sa réalisation hors du temps scolaire laisse l’élève libre de convoquer des ressources comme le recours à Internet ou à des tiers. En ce sens, il implique les compétences du sujet lecteur.ice mais aussi du sujet didactique. Il peut également être le lieu où se manifestent les traces des pratiques culturelles extrascolaires et celle de compétences cachées (Penloup 1999). Nous avons choisi d’outiller la méthodologie d’analyse des données en déclinant en observables les concepts empruntés aux différents champs évoqués précédemment : pour la didactique de la littérature, l’activité fictionnalisante du.de la lecteur.ice, les gestes d’appropriation. Considérés comme des traces de lecture, les diaporamas ont été analysés à partir du modèle des modes opératoires de la fictionnalisation lectorale (Langlade et Fourtanier 2007; Langlade et Lacelle 2007). Nous avons notamment observé la concrétion imageante via la production des images (pour le casting et l’investissement iconographique de la première de couverture), la mise en jeu de la cohérence mimétique dans la reformulation de l’intrigue, la re-scénarisation des éléments d’intrigue à partir du propre imaginaire de l’élève (activité fantasmatique) et la réaction axiologique éventuelle dans la caractérisation et les jugements des personnages. Enfin, l’impact esthétique a été pris en compte à travers l’analyse portant sur un extrait ou sur l’œuvre entière. Pour les gestes d’appropriation (Shawky-Milcent 2014, 100‑105), nous avons analysé les traces correspondant aux activités du.de la lecteur.ice : prélever, reformuler, (se) raconter, réécrire, analyser.

Pour la littératie médiatique multimodale en contexte numérique, nous avons observé comment se manifestaient ou non les compétences définies par Nathalie Lacelle, Monique Lebrun et Jean-François Boutin (2017, 205‑7). Le format de cet article ne nous permet pas de développer le détail de la démarche méthodologique. Nous souhaitons seulement souligner la complexité à laquelle nous avons été confrontée dans l’élaboration du dispositif d’analyse.

La prise en compte du champ « hors les murs » du dispositif nous a amenée à emprunter des notions issues de la sociologie des pratiques culturelles, mais aussi issues de l’ergonomie. Nous avons convoqué les normativités juvéniles (Octobre 2017) et pensé le TL2M@ comme artefact dans le cadre de l’approche instrumentale de Pierre Rabardel (1995). Nous évoquerons préalablement dans cette partie une synthèse des données recueillies avant d’expliciter les enjeux méthodologiques de ces apports contributoires.

L’ensemble des données est majoritairement composé des diaporamas produits en appui de la présentation orale. Nous avons considéré l’oral scriptural de l’exposé médiatisé à partir du diaporama comme un texte du.de la lecteur.ice et avons ainsi procédé à sa transcription (seul le deuxième dispositif a permis ce recueil des données).

Nous avons choisi de trianguler les productions écrites (diaporama, écrits de la réception) et les transcriptions des oraux avec les enregistrements vidéo des exposés (pour le deuxième dispositif).

2. Les normativités juvéniles des technocultures

Dans un article consacré aux technocultures juvéniles, Sylvie Octobre analyse les mutations des pratiques culturelles des adolescents (2017). Elle définit quatre types de normativités : s’exprimer (prédilection pour l’individualisme expressif et valorisation de l’émotion au niveau individuel et collectif) ; expérimenter (régime qui touche la création de contenus et de soi sur un registre majoritairement ludique), le présentisme (valorisation de l’immédiat dans un fonctionnement émotionnel et présentiel qui s’appuie sur une dimension réticulaire des cultures jeunes), injonction à la mobilité (mobilité qui influence les modes de réception et de construction des gouts, abolition des frontières entre les filières culturelles avec effet de chainage culturel et de métissage des genres, mobilité médiée comme contrepoids pour ceux qui ne peuvent voyager).

Pour transposer en observables ces apports théoriques issus du champ de la sociologie des pratiques culturelles, nous avons pris le parti de déployer ces quatre normativités en indicateurs portant sur plusieurs types de données. Nous avons pris en compte la temporalité de la médiatisation pour le présentisme, les marques de subjectivité et l’expression de l’émotion pour l’expression de soi, les effets de chainage culturel et de métissage des genres dans les références invoquées pour le casting (injonction à la mobilité) et la dimension créative pour l’expression de soi (expérimentation). La méthodologie d’analyse envisagée s’est déployée à différents niveaux : le diaporama en tant que texte du.de la lecteur.ice multimodal, la nature des références culturelles convoquées pour l’association du roman à un héros ou une héroïne, à un film ou une bande dessinée et celles convoquées pour le casting des personnages principaux. Dans le cadre de cet article, nous choisissons de mettre en perspective les résultats de notre expérimentation en croisant deux pôles : les normativités culturelles et l’évolution du parcours de lecture selon l’éclairage de Bucheton sur les postures du.de la lecteur.ice (1999).

IV- Trois parcours de lecture

Nous présentons ici trois parcours de lecture qui nous paraissent éclairer de façon particulière les enjeux épistémologiques et méthodologiques de l’apport de la sociologie des pratiques culturelles comme discipline contributoire de notre recherche.

L’analyse de l’ensemble des diaporamas produits et des références culturelles convoquées montre que la classe qui a bénéficié au collège d’un enseignement spécifique en histoire des arts et en informatique a majoritairement fait appel, pour l’association du roman flaubertien à une œuvre picturale, à des références récurrentes, issues des corpus abordés lors de cet enseignement. Pour la classe constituée d’élèves plus en difficulté dans le contexte de l’établissement non sectorisé, les références se sont révélées beaucoup plus disparates, montrant un recours à des œuvres récurrentes se référant à la posture de la liseuse, le tableau de Charles de Steuben, étant majoritairement cité. Sur les 22 diaporamas recueillis, 6 nous ont paru relever de la posture de lecture du texte tâche définie par Dominique Bucheton. En effet, les écrits multimodaux sont partiels, parcellaires ou inachevés. Certains ne comportent aucun texte en dehors des titres et proposent seulement des photogrammes issus de l’adaptation de Chabrol. Deux autres diaporamas inachevés empruntent au cours quelques matériaux, les documents étant tirés de l’adaptation de Claude Chabrol et de la couverture de l’édition Garnier Flammarion. Nous trouvons également des documents iconographiques relevant de pratiques culturelles privées, mais non référencées, appartenant à des genres variés (jeux vidéo, manga, rap). Dans ce contexte d’enseignement, ces données nous invitent à interroger avec grande prudence la question des normativités culturelles définies par Sylvie Octobre. S’agit-il de compétences numériques et de pratiques culturelles fantasmées, ou d’une culture qui prend difficilement place dans le cadre de l’activité de lecture scolaire ?

1. Yann : les pratiques culturelles comme paravent de la non-lecture

Yann est un élève triplant sa seconde et subissant la scolarité du lycée sous la pression parentale qui ignore son projet professionnel. Malgré un parcours scolaire chaotique, cet élève manifeste concrètement sa présence et sa participation aux activités scolaires. Yann déclare ne pas avoir lu l’œuvre, mais en a néanmoins relu certains passages. Le diaporama (annexe) témoigne d’une créativité affichée en proposant l’évocation d’Emma dans la dimension vénale d’une femme obnubilée par le paraitre et par les marques d’une classe sociale fantasmée : ainsi, la première de couverture associe le nom du personnage flaubertien aux motifs d’un célèbre maroquinier de luxe et à l’icône représentant des billets de banque. Les œuvres picturales ou musicales issues des pratiques culturelles privées associent La Joconde de Léonard de Vinci à un photogramme du film de Quentin Tarantino, Kill Bill montrant Uma Thurman dans la posture d’une héroïne féminine invincible. Si les commentaires accompagnant ces deux références étaient succincts dans la présentation orale, on peut toutefois se demander si la mention du tableau de Léonard de Vinci ne constitue pas une référence culturelle considérée comme légitime pour autoriser la citation d’un film qui le serait moins pour Yann. L’extrait de la chanson « Starfuckeuse » du rappeur Rohff montre une cohérence avec la proposition de la première de couverture : les paroles retranscrites sur la diapositive dressent le portrait d’une femme sans limites pour être au centre des regards et accéder « au carré VIP ».

Le choix de l’extrait estompe la virulence de la critique du rappeur à l’égard de la représentation des femmes vénales et aguicheuses. Pour le casting du personnage, Yann choisit Angelina Jolie, et Shia Lebœuf pour Rodolphe. Il propose en regard de ces deux photogrammes une capture d’écran du dessin animé de Walt Disney, Le Bossu de Notre-Dame pour incarner le personnage de Charles. Ce recours relève pour nous des ressorts conscients ou inconscients d’un refus de la tâche qui s’exprime de façon détournée. Il peut aussi être entendu comme l’expression d’un rapport à la culture scolaire, institutionnelle qui dit son écart au regard d’une situation personnelle qui enferme l’élève. La mise en avant d’une vision violemment critique de postures féminines dans la société issue de références à la chanson de Rohff nous semble également tenir de la même posture. La problématisation genrée d’un rapport à l’argent et à la société exprime elle aussi une violence qui réifie la femme et ne peut qu’interpeler dans un contexte d’enseignement et d’éducation. Les compétences de littératie 2M@ s’inscrivent dans un niveau de maitrise assez sommaire pour ce qui est de l’articulation des modes. En revanche, le diaporama constitue le lieu d’une légitimation des pratiques culturelles privées, car réalisé à la fin de la séquence d’étude de l’œuvre intégrale, ce support porte peu ou pas de trace des travaux réalisés en classe.

Dans le cas de Yann, le TL2M@, loin de permettre une évolution positive de la posture du.de la lecteur.ice, a au contraire replacé l’élève dans la posture du texte-tâche6.

2. Le cas de Ninon : devenir sujet lecteur.ice d’une œuvre patrimoniale

Ninon est une élève burkinabée qui a débuté sa scolarité en France au début de l’année scolaire. L’enseignement qu’elle a suivi jusqu’alors donnait priorité à la langue. Ninon déclare ne pas avoir lu d’œuvres classiques, et le roman de Gustave Flaubert constitue pour elle le premier qu’elle aborde. Se procurer le livre chez un bouquiniste a relevé d’une démarche inédite et matériellement compliquée. L’utilisation d’un ordinateur n’a pu être envisagée que dans le cadre du CDI. Ninon n’a pas rendu le questionnaire sur les pratiques culturelles et numériques et dispose d’un téléphone portable classique. L’entrée dans la lecture du roman a été conçue dans le cadre d’un dispositif adapté : les trois premiers chapitres du livre 1 constituaient une première étape à atteindre avant que ne débute la séquence. Les écrits de la réception ont été tous investis de manière particulière : l’autobiographie d’Emma, finalisée, a été rédigée avec le recours aux ressources disponibles via Wikipédia ; l’écriture d’invention proposait la réécriture de la scène du bal sous le regard d’un vieillard sage et dubitatif face aux frivolités d’Emma.

Le TL2M@ de Ninon comporte six diapositives qui témoignent d’une prise en compte des consignes, mais avec des aménagements évidents. La première de couverture ne comporte aucune illustration. L’association du personnage éponyme à trois adjectifs justifiés par une analyse du texte est assez synthétique : « pour moi, Emma est une femme naïve. La réalité ne correspondait pas à ce que la jeune femme pensait et attendait ». Les trois extraits choisis attestent de la réalité du geste anthologique, car deux d’entre eux s’inscrivent dans des passages du roman qui n’ont pas été abordés en classe. Tous sont assortis d’une reformulation et d’un commentaire qui confirment les traces de l’activité fictionnalisante du.de la lecteur.ice, mais aussi des gestes d’appropriation (prélèvement, reformulation, interprétation). La troisième diapositive associant Emma à une héroïne de film ou de bande dessinée fournit des éléments significatifs au regard de l’activité lectorale. En effet, Nina associe le texte de Gustave Flaubert à d’autres textes abordés en contexte scolaire, notamment en se référant au Petit Chaperon rouge de Quino, mais en exploitant le texte de Charles Perrault7. Le commentaire apporté par cette élève au sujet d’Emma et du Petit Chaperon rouge constituait une lecture du blanc du texte flaubertien offert par l’absence de la mère tout au long du roman. Ninon expliquait que, comme le Petit Chaperon rouge, Emma n’avait pas bénéficié d’une transmission de la féminité : la grand-mère et la mère du Petit Chaperon rouge égarées par l’adoration excessive de l’enfant n’ont pas rempli leur mission d’éducation ; la mère d’Emma, absente parce que défunte, a laissé l’éducation d’Emma à son mari qui, lui-même, a délégué la question de l’éducation aux sœurs du couvent.

Pour le casting des personnages principaux, la stratégie de contournement à l’égard de la mise en œuvre des références culturelles au cinéma est évidente. Ninon a associé une citation à chacun des personnages et a commenté ce choix. Aucune consigne spécifique n’avait été fournie en amont à ce sujet. L’analyse de ce support nous a permis de mettre en lumière que la construction du texte et sa médiatisation ont été réalisées coûte que coûte. La voix du sujet lecteur.ice ne se fait pas forcément entendre ici par le TLM@ comme déclencheur amené par l’implication de pratiques culturelles juvéniles : l’évitement du casting, l’utilisation de références patrimoniales et scolaires issues de la communauté discursive montrent que Ninon s’adosse au champ scolaire pour construire la posture d’un.e lecteur.ice sujet, enjeu fondamental pour une élève nouvellement arrivée en France.

3. Anaïs ou la culture patrimoniale comme paravent de la subjectivité lectorale

Anaïs est une élève grande lectrice, mêlant lectures patrimoniales et œuvres plus contemporaines. Le choix de ce profil se justifie par son inscription dans un contexte socioculturel très favorisé et par des résultats scolaires marqués par la réussite. L’outil numérique ne pose à priori aucun problème et l’on peut se demander ce que peut apporter la production d’un texte du.de la lecteur.ice à une lectrice régulière dont le capital culturel ne génère pas de question de légitimité. Les huit diapositives du support d’Anaïs présentent successivement une première de couverture illustrée du peintre Balthus (The White skirt, 1937). Trois diapositives associent Emma aux adjectifs « mélancolique », « excentrique », « trompée », eux-mêmes articulés à trois citations de cinq lignes chacune. Le personnage flaubertien est ensuite associé à la chanson des Rita Mitsouko, « Les Histoires d’amour » ; un long extrait retranscrit est encadré de façon à permettre un focus lors de l’exposé oral. Emma est également mise en parallèle avec le tableau d’Edward Hopper (Automate, 1927). Pour ce qui concerne la mise en œuvre des pratiques culturelles, dans le cas de cette élève, l’expression de soi reste discrète. Les marques de subjectivité présentes ne concernent pas les références culturelles extrascolaires : elles se trouvent dans l’interprétation du roman en dialogue avec la culture de l’élève. Dans la nature des références convoquées par Anaïs, on ne trouve pas d’indicateurs de chainage culturel : les œuvres s’inscrivent plutôt dans le registre des œuvres patrimoniales et leur choix est dicté, non par le gout de l’élève ou l’affirmation de son identité extrascolaire, mais par la légitimité des références et leur lien avec l’œuvre de Gustave Flaubert : Balthus, Edward Hopper, François Mauriac constituent des exemples bien plus développés que ceux évoqués dans le cadre du casting. Anaïs exploite les références patrimoniales, mais montre aussi que sa culture cinématographique est au gout du jour. Le Loup de Wall Street s’ajoute à un film dans lequel joue Josiane Balasko, et « qui n’est pas encore sorti ». On voit ainsi qu’Anaïs mélange des références lettrées (Balthus, Hopper, Mauriac) à d’autres références (Rita Mitsuko, Balasko), mais s’attarde à l’oral sur celles qu’elle sait être plus légitimes, tout en s’autorisant quelques références médianes8. Quant à la dimension créative, on peut ranger ce TL2M@ dans la catégorie des propositions plutôt scolaires par le respect des consignes et par la cohérence du texte multimodal proposé. La mise en œuvre des pratiques culturelles semble échapper aux tendances générales : elles semblent tenir plus de la culture patrimoniale, légitimée, que de pratiques culturelles extrascolaires. Dans le cas d’Anaïs, les références culturelles sont issues d’une culture transmise et construite au sein de la famille, dans une transmission descendante, celle du patrimoine, de l’institution scolaire et font que l’élève ne se heurte pas au hiatus entre lecture scolaire et normativités des pratiques culturelles juvéniles. Les tableaux de Balthus et d’Edward Hopper ne constituent pas des paravents de la non-lecture ; ils permettent à la jeune adolescente d’aborder devant ses pairs la question du désir féminin, du corps, en filtrant par la légitimité de ces références l’intimité exposée d’une subjectivité lectorale.

Le parcours de lecture d’Anaïs est l’un des rares à témoigner d’une évolution significative des postures du.de la lecteur.ice : si le TL2M@ livrait des indicateurs d’une posture de texte-action, la production finale de la dissertation tendait vers le texte-signe. Malgré tout, on note que le texte du.de la lecteur.ice peine à contextualiser ou à actualiser la lecture du roman et ne formule aucune analyse précise du texte, ce qui nous amène à interroger l’espace-temps nécessaire à la construction d’une lecture distanciée d’un texte littéraire en classe de seconde.

Bilan

Nous avons pu voir à quel point l’apport de la sociologie de la lecture, de la sociologie des pratiques culturelles apparait comme fondamental dans la perspective de recherches qui interrogent des dispositifs d’enseignement de la littérature intégrant de nouveaux supports. D’un point de vue épistémologique, la sociologie se pose comme une discipline contributoire pour fonder un cadre théorique permettant d’englober la complexité de la lecture et de l’écriture au croisement de la littérature et de la littératie médiatique multimodale. Ces apports permettent d’outiller les dispositifs d’expérimentation conçus pour observer, décrire et comprendre les phénomènes à l’œuvre lorsque l’enseignement de la littérature s’adjoint de nouveaux outils. Du point de vue méthodologique, les normativités juvéniles de technoculture définies par Sylvie Octobre offrent des perspectives d’analyse intéressantes, mais complexes à transposer en termes d’observables. L’enjeu de ces recherches montre l’urgence d’interroger l’impact de ces dispositifs dans le cadre de la construction des inégalités scolaires.

Les trois cas exposés montrent, chacun de façon différente, la difficulté à apprécier le rôle d’un dispositif d’enseignement de la lecture d’œuvres classiques impliquant un TL2M@ : pour Yann, les pratiques culturelles formulent le refus de l’institution scolaire dans laquelle il est maintenu malgré lui. Pour Ninon, la médiatisation constitue une prise de parole symbolique qui a demandé un investissement indéniable pour répondre au cahier des charges du TL2M@. Certes, les pratiques culturelles extrascolaires n’apparaissent pas, mais le « bricolage » construit un support où la voix du sujet lecteur.ice se fait entendre, la créativité se manifestant non pas tant pour faire un pas de côté au regard des consignes, mais bien plutôt pour les remplir. Pour Anaïs, l’évolution du texte-action vers le texte-signe est lente. La mise en œuvre des pratiques culturelles favorise l’expression de questionnements qui deviennent progressivement plus abstraits. Les pratiques culturelles d’Anaïs jouent à un double niveau : elles lui permettent de construire une lecture distanciée de l’œuvre, mais aussi d’engager un discours qui distancie la subjectivité lectorale.

Annexes

Annexe 1 : Tableau récapitulatif des consignes pour la réalisation du diaporama

Diapositive 1 Votre première de couverture à justifier à l’aide de trois arguments qui font le lien entre des éléments de l’image et votre vision de l’œuvre.
Diapositive 2 « Pour moi, Emma Bovary, c’est une femme qui est… »
Complétez à l’aide de trois adjectifs, chacun étant justifié par une courte interprétation d’un extrait de votre choix.
Diapositive 3 « Si Emma était une chanson… »
Copiez un extrait d’une chanson que vous souhaitez associer au parcours d’Emma et justifiez votre choix à l’aide d’au moins trois arguments.
Diapositive 4 « Si Emma était un tableau, ce serait… »
Citez le titre du tableau, le nom du peintre ; dressez une rapide description du tableau et justifiez votre choix à l’aide de trois arguments.
Diapositive 5 « Si Emma était une héroïne (de film, de jeu vidéo, de bande dessinée, de manga), elle serait… »
Diapositive 6 Présentez le casting des personnages principaux du roman en justifiant votre choix à l’aide des filmographies des acteurs sélectionnés.
Diapositive 7 « Pour moi, ce roman, c’est l’histoire de… »

Proposez votre interprétation en trois points .

Annexe 2

TL2M@ YANN

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  1. Pour le détail des consignes cf. annexe 1.↩︎

  2. Haut Potentiel Émotionnel.↩︎

  3. « celles qui relèvent de la nécessaire modélisation des pratiques expertes (lorsque le travail porte sur les grands lecteurs), celles qui relèvent de la modélisation des pratiques d’apprentis (lorsqu’il s’agit de comprendre comment un enfant ou un adolescent s’approprie une œuvre ou construit une culture, y compris en observant des pratiques de classe) ; celles qui relèvent de la recherche-action, c’est-à-dire de constructions de connaissances permettant de proposer un modèle didactique et enfin celles qui relèvent d’un usage de ce modèle didactique » (Louichon et Perrin-Doucey 2020, 3).↩︎

  4. L’équipe du laboratoire EMA (« École, Mutations, Apprentissages » ) articule les sciences de l’éducation & de la formation et les didactiques autour des évolutions de l’école et de la formation.↩︎

  5. Cf. en annexe la liste des œuvres proposées au choix pour la lecture cursive.↩︎

  6. La dissertation confirme le constat de l’étude du diaporama. Comme pour le TL2M@, elle montre des stratégies d’annulation ou d’effacement : si l’exercice est réalisé en respectant globalement les codes de sa composition, sa réalisation affiche assez explicitement la non-lecture du roman et manifeste des stratégies de contournement de la mise en œuvre de la lecture littéraire.↩︎

  7. La mention du Petit Chaperon rouge comme héroïne de bande dessinée semble constituer une erreur. Ninon a cité là la référence d’une bande dessinée de Quino utilisée en début d’année comme support d’écriture d’invention en vue d’une réécriture parodique du conte de Charles Perrault. Ce qui est notable est le parallèle dressé entre Emma et le personnage de Charles Perrault quant à leur naïveté commune.↩︎

  8. Nous renvoyons le lecteur à la transcription de l’exposé oral (annexe 4).↩︎