Les sèmes afférents dans l’œuvre patrimoniale : l’interprétation, du chercheur à la classe Réflexions autour de La Belle et la Bête
Stéphanie Genre

Introduction

Les sèmes afférents (Rastier 1987) ont un lien étroit avec l’interprétation du texte littéraire. Ils sont perceptibles dans les moments lexicaux (Dupuy et Genre 2020) de la discussion à visée littéraire (Soule, Bucheton, et Tozzy 2008). L’observateur.ice attentif.ve peut les repérer dans deux moments distincts : d’une part, lorsque les jeunes lecteur.ice.s réagissent dans le cours des échanges aux mots du texte ; d’autre part, lorsqu’iels discutent de stéréotypes (lieux ou personnages archétypaux). Dans le premier cas, iels utilisent leurs propres mots de la réception pour expliquer ou commenter les mots du texte et leurs mots de la réception sont souvent porteurs d’éléments de sens dont la caractéristique est de ne pas appartenir spécifiquement aux propriétés sémantiques des mots qu’ils expliquent ou commentent. Dans ce commentaire peut alors apparaître ce que nous avons nommé le « sens pour soi » qui traduit la présence dans le discours d’un « univers lexical propre » (Steuckardt et Nicklas-Salminen 2003, 5) fonctionnant comme « [un] catalyseur de lecture […] alimentant le trajet interprétatif » (Rouxel et Langlade 2004, 85). Celui-ci, parfois étonnant (par exemple, un cortège brinquebalant qui devient un « cortège de fou(s) » ou encore cette définition pour le moins personnelle1 du néologisme esgourdomètre qui devient pour un.e élève « une espèce de bombe ») peut déstabiliser l’enseignant.e. Dans le second cas, ces mêmes lecteur.ice.s, en discutant de stéréotypes, font jouer le sens culturel que nous avons appelé le « sens en association » (Genre 2015, 2018). Ce sens en association, souvent travaillé lors du dispositif de la mise en réseau (Tauveron 2002), peut aussi intervenir dans la discussion lorsque les élèves font appel à leurs propres connaissances culturelles pour donner du sens à l’œuvre lue.

La didactique spécifique de l’œuvre patrimoniale est particulièrement propice à l’émergence de ces sèmes puisqu’elle met en résonance plusieurs adaptations d’une même œuvre ayant « traversé les siècles » (Louichon 2016) qui vont être discutées et problématisées en classe. Ces adaptations, ou objets sémiotiques secondaires (Louichon 2015), peuvent être de formes artistiques variées. Le croisement des OSS avec l’œuvre patrimoniale suscite ainsi des échanges qui engagent les élèves dans une lecture personnelle subjective et argumentée qui est particulièrement propice à l’émergence des sèmes afférents.

Nous nous intéressons dans l’article au conte patrimonial La Belle et la Bête de madame Leprince de Beaumont (1756). Tous les extraits de classes présentés s’y rapporteront.

Nous analysons la problématisation qui en a été faite par une classe de CM2 portant sur la malédiction de la Bête (Banques de séquences didactiques, Canopé, 2016) à partir des œuvres filmiques de Jean Cocteau (1946), de Christophe Gans (2014) et du dessin animé de Gary Trousdale et Kirk Wise (1991) produit par Disney.

Après avoir défini les sèmes afférents avec François Rastier (1987) et avoir illustré leur définition par des exemples extraits d’un débat ayant eu lieu dans une classe de CM1 (Recherche TALC, Université de Montpellier) portant sur la monstruosité de la Bête et sur la symbolique de la rose, nous avons choisi de mettre en regard les sèmes afférents ayant émergé dans la classe de CM2 impliquée dans le projet présenté quelques lignes plus haut (Canopé, 2016) avec ceux présents dans le discours de Brigitte Louichon.

Nous expliquerons à cette occasion en quoi l’attention portée à ces sèmes nous paraît être particulièrement intéressante dans l’interprétation de l’œuvre patrimoniale. Nous analyserons des extraits de séances effectives dont l’intérêt est de montrer que dans les sèmes afférents se niche la problématique de la relation interprétative entre l’œuvre première et ses adaptations/actualisations/réécritures (Louichon 2015 ibid.).

I. Les sèmes afférents

1.1. Éléments de définition en sémantique interprétative, illustration dans une classe de CM1 à propos de La Belle et la Bête de madame Leprince de Beaumont (recherche TALC)

Les éléments théoriques présentés s’inscrivent dans le cadre de la sémantique interprétative théorisée par le linguiste François Rastier (1987) : les sèmes afférents sont des sèmes qui peuvent être « contextuels » ou « socialement normés ».

Contextuels, ils sont appelés par le texte. Par exemple, dans le texte de La Belle et la Bête, le berceau de roses2 du jardin de la Bête, n’est pas un berceau d’enfant. Pour comprendre le passage concerné, il est nécessaire que les élèves sélectionnent le sème afférent /feuillage/3. Ce sème est dit afférent contextuel, car il n’appartient pas à la définition minimale de l’unité lexicale berceau et parce que c’est le contexte qui oriente la lecture et invite à l’analogie. Dans son ouvrage Sémantique interprétative (1987 ibid.), Rastier donne l’exemple du mot convoi qui peut désigner un convoi funèbre, un convoi de marchandises, etc. Le sème inhérent commun /suite de/ reste à la base de la définition du terme, mais les sèmes afférents /mort/ et /produit commercial/ seront actualisés selon leur contexte d’apparition. Les sèmes inhérents à la différence des sèmes afférents font donc partie intégrante de la définition des unités lexicales. Ce sont des sèmes stables et non variables.

Les sèmes afférents socialement normés « relèvent [quant à eux] de normes socialisées voire idiolectales » (Rastier 1987, 42). Ils correspondent dans notre perspective, c’est-à-dire dans l’activité réflexive et interdiscursive sur le vocabulaire du texte, à l’activation par les classes dans les discussions à visée littéraire (Soule, Bucheton, et Tozzy 2008 ibid.) soit d’un sens personnel (idiolectal, dirait Rastier) correspondant à ce que nous avons nommé un sens pour soi (Genre 2015, 2018 ibid.), soit à l’activation d’un fonds anthropologique commun partagé par les classes. Dans le sens pour soi se niche le personnel. Par exemple, lorsque dans cette intervention d’élève de CM1 (Recherche TALC) surgit le sème afférent /pouvoir/ associé à l’unité lexicale affreux « ben qu’il est affreux et c’est pour ça qu’il pose son autorité ». Dans le fonds anthropologique commun circulent notamment les stéréotypes qui font jouer le sens en association (Genre, ibid.) relatif à l’intertextualité et à l’approche lexiculturelle du lexique. Ainsi, dans la même classe de CM1 un.e élève actualisera le sème afférent /effrayant/, un autre le sème /affreux/ pour définir l’aspect monstrueux de la Bête, personnage archétypal. Pour expliquer la notion d’afférence nous rappelons volontiers que la brutalité, la cruauté et la laideur ne sont pas constitutives des bêtes. Nous pouvons donner un autre exemple : l’actualisation par les élèves toujours dans la même classe de CM1 des sèmes afférents /amour/ et /beauté/ pour l’unité lexicale rose.

On parle d’actualisation de sèmes quand les sèmes sont activés en contexte4. François Rastier définit l’actualisation comme une « opération interprétative » (1987, 275.) Dans la discussion à visée littéraire (Soule, Bucheton, et Tozzy 2008 ibid.), les communautés discursives (Jaubert, Rebière, et Bernié 2003) composées des jeunes lecteur.ice.s/locuteur.ice.s et de leurs enseignant.e.s peuvent actualiser dans les échanges soit des sèmes inhérents soit des sèmes afférents.

Les sèmes afférents auxquels nous consacrons l’article montrent l’étroite relation dans la construction du sens entre la sémantique et la dimension personnelle de la langue (l’« idiolecte » selon Rastier), entre la sémantique et ses dimensions interpersonnelle (le « sociolecte », Rastier, ibid.) et symbolique. Ces sèmes, qui relèvent bien souvent de l’extralinguistique sont, pour ainsi dire, une sorte de valeur ajoutée signifiante. Cette valeur ajoutée signifiante peut ainsi être la manifestation de la bibliothèque intérieure du.de la lecteur.ice (Bayard 2007) en tant qu’elle est une « version intériorisée de la culture littéraire » (Louichon et rouxel 2020, 230) et/ou de la bibliothèque collective de la classe (Louichon et Rouxel 2010).

L’actualisation des sèmes afférents est donc un phénomène sémantico-discursif particulièrement intéressant dans le cadre du débat ou de la discussion portant sur l’œuvre littéraire puisque c’est dans leur actualisation que se loge l’interprétation.

Ces sèmes font pour nous partie intégrante de la compétence lexicale et notamment de la compétence stéréotypique dont Francis Grossmann (2012) a montré l’importance en lecture, expliquant que la compétence lexicale n’est pas uniquement une compétence linguistique d’explication/définition de mots, mais qu’elle est aussi une compétence interprétative et interdiscursive qui intègre et fait jouer « les informations sémantiques fournies par le lexique en contexte » (Grossmann 2012, 6) et par les lieux communs. La didactique des langues quant à elle a identifié l’importance de ce travail autour de la culture partagée (Galisson 1991) comme enjeu et composante essentielle de l’apprentissage d’une langue étrangère. Pour notre part, nous militons pour que compétence stéréotypique et culture partagée entrent dans la didactique du vocabulaire.

1.2. L’œuvre patrimoniale : une œuvre génératrice de sèmes afférents socialement normés

Une des caractéristiques principales de l’œuvre patrimoniale est d’être lue par plusieurs générations d’élèves. Cette pérennité, due à la « socialité » (Dufays 2010) de ce type d’œuvre, à sa mise en dialogue avec ses objets sémiotiques secondaires (Louichon 2015 ibid.), est assurée notamment par le stéréotypage (Dufays 2010 ibid.) qu’elle génère.

Quelle que soit l’entrée choisie par les enseignant.e.s lors de la lecture du conte de madame Leprince de Beaumont, le personnage la Bête est un incontournable dans les échanges. Dans de nombreuses séances observées (au-delà même de celles présentées dans l’article), la discussion se centre toujours à un moment ou à un autre sur ce personnage archétypal et donne lieu à l’actualisation de sèmes afférents socialement normés (Rastier 1987 ibid.) de la part des élèves.

Cette actualisation n’est pas le fruit du hasard, elle est le fruit de la présence de plusieurs isotopies5 dans le conte, autrement dit de la présence de plusieurs chemins sémantiques basés sur la récurrence de sèmes qui ont la particularité d’avoir été repris au fil du temps6 et ont « [affecté] la mémoire commune à long terme » (Dufays 2010, 23).

En ce sens, nous pouvons dire que la spécificité de l’œuvre patrimoniale est de produire des isotopies transtextuelles à partir des isotopies qu’elle contient. À cette spécificité s’en ajoute une autre puisque ces isotopies transtextuelles, qui dépassent le cadre singulier de l’œuvre, circulent dans l’intertextualité lorsque l’œuvre « première » et ses adaptations sont confrontées pour être mises en dialogue par les classes (voir section II).

Plusieurs isotopies présentes dans La Belle et la Bête ont donc été le jeu de reprises qui ont transcendé l’œuvre elle-même pour s’inscrire dans des questionnements plus actuels. Il s’agit notamment des isotopies de /peur/ et de /laideur/ associées au personnage de la Bête. Les sèmes afférents socialement normés, actualisés dans les Discussions à visée littéraire (Soule, Bucheton, et Tozzy 2008) analysées, sont induits par plusieurs facteurs textuels. Tout d’abord parce que le terme monstre se retrouve plusieurs fois écrit dans le texte de madame Leprince de Beaumont. Ensuite parce que lorsqu’on observe les cotextes qui entourent le mot bête, ces derniers véhiculent l’idée de peur : « il7 entendit un grand bruit et vit venir une bête si horrible qu’il fut tout près de s’évanouir » ou encore « lui dit la Bête d’une voix terrible ». Enfin, parce que le contexte ajoute à l’idée de peur celle de laideur : « belle ne put s’empêcher de frémir, en voyant cette horrible figure », « ce vilain monstre », « elle manqua mourir de frayeur, lorsqu’il lui dit… ». Mais ces facteurs textuels qui contiennent les sèmes afférents contextuels /brutalité/, /cruauté/ et /laideur/ ne sont pas les seuls responsables de la durabilité du stéréotypage de l’œuvre patrimoniale. C’est parce l’œuvre patrimoniale suscite des questions d’ordre anthropologique qu’elle se trouve prise dans différents horizons d’attente (Jauss 1978) et qu’elle perdure dans l’imaginaire collectif.

Il n’est donc pas étonnant de voir les élèves actualiser dans leurs échanges des sèmes similaires à ceux présents dans le texte, mais avec des variations sémantiques qui deviennent les indices de leur appropriation/interprétation de l’œuvre. Nos analyses rejoignent ici ce qu’écrit Jean-Louis Dufays (2010 ibid.) au sujet du stéréotype : il est un effet de sens qui n’a de réalité que s’il est perçu par une communauté de lecteur.ice.s. Ainsi, dans les courts extraits de La Belle et la Bête présentés plus haut, le sème afférent socialement normé /brutalité/ qui parcourt le texte pour qualifier la Bête et le sème afférent contextuel /danger/ orientent les élèves dans une réception de l’œuvre qui fait la part belle aux côtés sombres du personnage, mais ces isotopies n’empêchent les élèves de s’exprimer avec leur parole singulière. Dans la classe de CM1 filmée pour la recherche TALC à laquelle nous avons fait référence en amont, un.e élève actualisera par exemple les sèmes /hostilité/ et /attaque/ dans « il est agressif »8, un.e autre élève convoquera ceux de /forte colère/ et de /violence/ en qualifiant le monstre d’« enragé ». Le sens en association résulte donc bien de l’entrelacement interprétatif entre le sens commun et le sens pour soi (Genre 2015, 2018 ibid.). Ce sens pour soi peut également sortir du cadre de l’archétype lorsque par exemple un.e élève actualise les sèmes afférents /irritable/ et /émotif/9 (« il est nerveux parce qu’il aime ses roses ») ou qu’un autre de ses pairs convoque le sème /tristesse/ dans : « il est triste parce qu’il aime beaucoup ses fleurs ».

À partir de quelques exemples issus d’une seule Discussion à visée littéraire dans une classe et à partir de la seule lecture du conte La Belle et la Bête, on comprend bien comment circulent dans la discussion les sèmes afférents entre sens en association et sens pour soi (Genre 2015).

Lorsque l’œuvre patrimoniale est confrontée à ses OSS, le sens pour soi prend alors une place plus importante et c’est tout l’intérêt d’une telle didactique basée sur la « dynamique de l’œuvre » et sa « présence » dans d’autres formes artistiques plus actuelles (Louichon et Peretti 2020, 174) : l’intérêt de développer la compétence interprétative en suscitant la parole du sujet lecteur.ice au moyen de la comparaison/problématisation.

II. Didactique de l’œuvre patrimoniale et sèmes afférents

La didactique de l’œuvre patrimoniale est une didactique spécifique qui prend en compte comme nous venons de le présenter « la présence multiple et diversifiée de l’œuvre » (Louichon 2016). En cela, elle est particulièrement propice à l’émergence dans la discussion de sèmes afférents puisque l’œuvre patrimoniale, « œuvre escortée et augmentée de la multiplicité et de la diversité des objets sémiotiques qu’elle génère » est présentée aux élèves dans un parcours multimodal de lecture (Gennaï 2018) qui les invite à mettre en regard l’œuvre et ses adaptations et, ce faisant, à s’exprimer sur ce qui est repris, modifié, voire transformé.

La circulation entre les différentes « formes de transmission » (Louichon 2016 op.cit.) appelle sciemment les élèves à débattre et, au sein même du débat, à présenter leur lecture subjective et à la faire évoluer. D’où l’intérêt de porter attention aux sèmes afférents, car ils sont souvent les traces de l’interprétation singulière et/ou collective de l’intertextualité. D’où l’importance aussi, du côté de l’enseignant.e cette fois, de les saisir, tel le kaïros (Jorro 2002), pour faire circuler et nourrir l’interprétation au moment opportun.

III. Les sèmes afférents du.de la chercheur.e : la question de la dualité et de la sexualité

Le.a chercheur.e sait que l’œuvre de madame Leprince de Beaumont revêt des dimensions que les élèves ne sont pas en mesure de déceler du fait de leur âge. La réflexion présentée sur le site Banques de séquences didactiques explique ce qui selon Brigitte Louichon a participé à assurer la pérennité de l’œuvre. Elle revient d’abord sur madame Leprince de Beaumont, éducatrice de la noblesse pour situer la visée de ces écrits en précisant que son conte est lui-même déjà une reprise d’un récit de l’Antiquité. Elle entre ensuite dans l’œuvre par les personnages. Celui du stéréotype de la Bête est central. Ses analyses sont les suivantes : « L’homme est d’abord une bête et petit à petit cet homme va devenir aimable acceptable et finalement se transformer en prince charmant […] ». En conclusion, « il est clair que la Belle et la Bête a une dimension sexuelle très forte ». Plus loin, « elle met en scène une jeune femme qui est confrontée à un désir pour un homme bestial, le désir dans ce qu’il a de plus déroutant, de plus dérangeant et de plus subversif ». Les sèmes afférents qui émergent confirment la dualité de la Bête, mais insistent surtout sur le désir paradoxal de la Belle, sur ce désir non conventionnel qui consiste à parvenir à aimer un être brutal et physiquement repoussant. Les traits sémantiques présents dans son discours pour exprimer la dualité du personnage font ressortir le sème afférent socialement normé /violence/ d’un côté (le propos « L’homme est d’abord une bête » ne contient pas en soi le sème /violence/ mais le cotexte « petit à petit » et « va devenir » appuie par opposition sémantique cette hypothèse) et les sèmes afférents contextuels /digne d’intérêt/ et /acceptable/ de l’autre. Ces sèmes sont présents dans l’usage des termes aimable et convenable pris dans le contexte de cette explication de l’œuvre. Jusque-là, le sème afférent socialement normé /violence/ et les sèmes afférents contextuels /digne d’intérêt/ et /acceptable/ se rapportent au stéréotype10 mais B. Louichon va ensuite actualiser des sèmes qui ne sont pas présents dans le conte. Dans son discours, les sèmes afférents contextuels /malaise/ et /choquant/ communs aux vocables dérangeant, déroutant et subversif et le sème /contradictoire/ servent au commentaire du désir de la Belle. Dans le texte de madame Leprince de Beaumont, il s’agit bien plutôt de vertu11… La chercheure affirme alors (en le disant autrement bien évidemment) que ce sont ces sèmes qui ont fait que l’œuvre a perduré. C’est donc le paradoxe de ce désir qui a quelque chose à voir avec la tragique destinée du personnage féminin qui aurait permis à l’œuvre de traverser les siècles.

Sans surprise, rien de tout cela ne va se retrouver discuté dans les classes du cycle 3. Pour autant, les échanges vont tout de même porter sur des questionnements anthropologiques, proches cette fois de l’univers des élèves : la punition (avec sous-jacente la question de l’identité) et l’opposition beauté physique/beauté intérieure souvent discutées à l’école pour résoudre un certain nombre de conflits moqueurs constamment présents dans les cours de récréation.

IV. Les sèmes afférents dans une classe de CM2 (école primaire d’application André Galan, Nîmes) : les questions de la valeur morale et de la beauté intérieure

Comme nous venons de l’annoncer dans la section précédente, le débat va donc se centrer, dans la classe de CM2 concernée par l’analyse, sur la punition de l’homme devenu bête et sur la question de la dialectique beauté/laideur entre apparence physique et intériorité, toujours à propos du personnage de la Bête. Mais avant d’entrer dans l’analyse sémantique de certains échanges, il convient de préciser le contexte de l’étude et du recueil de données, car il ne s’agit pas d’une étude portant sur des séances entières filmées dans différentes classes. L’article porte sur des extraits, certes filmés dans une classe, mais dans une classe d’un maitre formateur accessible sur le site Banques de séquences didactiques.

4.1. Contextualisation (CANOPÉ) et méthodologie de recueil des données

Le site Banques de séquences didactiques est une ressource pour les enseignant.e.s offerte sur la toile par le réseau CANOPÉ (Réseau de création et d’accompagnement pédagogiques). Comme le nom du site l’indique, les ressources proposées sont des séquences filmées de pratiques effectives de classe, mais sous forme de morceaux choisis qui s’accompagnent d’éclairages didactiques de la part d’enseignant.e.s-chercheur.e.s et de discours explicatifs des enseignant.e.s formateur.ice.s impliqué.e.s dans la construction des ressources. C’est pour cette raison que nous avons pu recueillir les commentaires de Brigitte Louichon et d’Aldo Gennaï sur le conte écrit par madame Leprince de Beaumont. Le but affiché est donc celui d’une autoformation possible pour les enseignant.e.s.

Concernant le recueil de données, nous n’avons donc pu avoir accès ni à l’ensemble des verbatims de la séance objet de l’analyse ni aux verbatims de la séance précédente. Nous avons focalisé notre attention sur l’émergence des sèmes dans les paroles des élèves repérant ainsi notre corpus d’élection (Rastier 2004) par sélection du contenu sémantique des interventions.

4.2. Problématisation : la malédiction

L’ensemble des séquences présentées dans Banques de séquences didactiques montre que la lecture littéraire est sélection. Il ne s’agit pas en effet de lire le texte de manière chronologique, mais de le problématiser. Dans la séance présentée sur le site (classe de CM2, 24 élèves, milieux social et scolaire hétérogènes), la problématisation passe l’oral, mais elle est précédée d’une séance dans laquelle les élèves ont eu à noter sur une bande de papier leurs impressions de lecteur.ice.s après la lecture du dénouement du conte de madame Leprince de Beaumont et le visionnage d’extraits de ses OSS. Ce qu’il est intéressant de noter dans le cadre qui nous occupe, c’est que la fin du conte est laconique (Gennaï 2016) et qu’elle laisse en conséquence beaucoup de place au sens pour soi des élèves (Genre 2015, 2018 ibid.) souvent à l’origine de la production de sèmes afférents. La phase d’écriture (séance 1, non filmée) dont nous venons de parler sert alors de point d’appui au débat oral (séance 2, filmée) dans lequel les élèves vont pouvoir confronter leurs points de vue sur les œuvres. La séance filmée analysée ici consiste donc en une reformulation orale de l’écrit précédent à partir d’un questionnement sur le sort jeté à la Bête.

L’entrée problématisante choisie par l’enseignante pour alimenter le débat est donc celle de la malédiction de l’homme transformé en bête. Le geste professionnel à l’œuvre pour faire émerger ce questionnement est celui de la constitution du corpus. L’enseignante sélectionne des extraits des OSS qui permettent d’orienter la Discussion à visée littéraire (Soule, Bucheton, et Tozzy 2008 ibid.) sur cet élément déclencheur du débat. La confrontation d’extraits invite les élèves à prendre position et va susciter chez eux des réflexions de différents ordres dans lesquelles vont être actualisés des sèmes afférents, indices de leur interprétation.

V. Les sèmes afférents : révélateurs de la dynamique du sens et « fixateurs » de l’interprétation entre l’œuvre source et ses OSS

La séance commence par une série de tissages (Soule, Bucheton, et Tozzy 2008) : ceux des élèves en premier lieu, sur la demande de leur enseignante qui les invite à récapituler ce qui a été fait dans la séance précédente puis, ceux de l’enseignante elle-même. Cette dernière utilise d’abord le geste de tissage suivant : « est-ce qu’ils avaient tous finalement la même explication » ; pour alimenter le débat à venir, elle interroge de nouveau les élèves : « quand on se concentre sur l’histoire quelle est l’explication qu’on a préférée ».

La première question est d’ordre moral. Les élèves vont être plusieurs à actualiser dans leur commentaire le sème afférent contextuel /sanction légitime/ (et non /digne de récompense/ par exemple qu’un autre contexte aurait pu permettre d’actualiser) : deux élèves diront que le prince « l’a bien mérité ». Un premier élève dit avoir préféré l’œuvre filmique de Gans « parce que [le prince] avait juré de plus chasser la biche en or et aussi parce j’aime les animaux et on ne doit pas les tuer » (écrit sur la bande de papier). C’est parce qu’il « a trahi sa promesse » (l’élève reformule à l’oral ce qu’il a écrit) que le prince a été puni de manière légitime. Un autre élève, en rebondissant sur les propos de son camarade, dira du prince, dans l’OSS de Disney cette fois, qu’« il l’a cherché » aussi et précisera : « moi j’aurais fait tout le contraire ». Une autre élève approuvera l’argumentation de ces pairs en stipulant « dans celui de Disney c’est parce que le prince il a pas voulu accueillir une vieille dame et qu’il était égoïste ». L’usage du vocable mérité à deux reprises par deux élèves différents montre à la fois que le sens circule de manière dynamique (Rastier 2000) puisque les élèves se répondent, marquent leur accord ou leur désaccord avec leurs pairs et peuvent reprendre certains mots utilisés par d’autres. Ce vocable nous renseigne en outre sur l’interprétation que ces jeunes sujets lecteur.ice.s (Rouxel et Langlade 2004) font du personnage de la Bête dans les OSS qu’ils commentent. Les sèmes /sanction légitime/ et /indigne/ d’un côté, puisque le prince n’a pas tenu sa promesse, le sème /indifférence/ de l’autre, car le prince ne se soucie que de lui et n’a pas accueilli la vieille dame, sont pour nous des indices perceptibles de leur interprétation. Il en sera de même lorsque l’élève qui a précisé qu’il ferait tout le contraire du prince fautif de Disney, s’exprime à nouveau pour dire : « sur Jean Cocteau on peut dire pas dire qu’il la mérité on peut presque dire oui on peut dire qu’il est innocent ». L’actualisation du sème /irréprochable/ qui vient appuyer son propos précédent « moi j’aurais fait tout le contraire » devient ainsi un signe concret de sa projection dans l’œuvre.

Le second questionnement qui découle de la problématisation sur la malédiction de la Bête porte lui sur la dialectique beauté physique/beauté intérieure et laideur physique/laideur intérieure. La discussion prend appui sur un écrit d’élève produit lors la séance précédente. Cet élève écrit [orthographe rectifiée] : « moi j’ai préféré l’explication de Disney car ce qui m’a touché c’est quand la vieille mendiante dit souvenez-vous il ne faut pas se fier aux apparences ». Celui-ci reformule à l’oral : « moi j’ai écrit ça parce que voilà ça c’est une morale qui revient dans certains films ou livres si quelqu’un est moche physiquement faut pas penser directement qu’elle est moche à l’intérieur parce que voilà la vieille mendiante en fait c’était une fée ». L’ensemble des interventions qui lui succède va alors actualiser les sèmes afférents contextuels /intériorité/ et /extériorité/ pour distinguer l’aspect physique du caractère d’une personne ou de l’émotion possiblement ressentie par quelqu’un : « même si on est moche et bien à l’intérieur on est beau » et « c’est pas parce qu’on est moche qu’on est pas gentil c’est pas parce qu’on est pas gentil qu’on est pas beau c’est pas parce qu’on est pas intelligent qu’on est pas sentimental ». Dans les discours des élèves qui se répondent est plusieurs fois utilisée l’expression lexicalisée « il ne faut pas se fier aux apparences » qui vient appuyer illustrer la dialectique objet de discussion. Ces quelques verbatims montrent comment à l’expression personnelle se greffent des faits de langue que la communauté discursive (Jaubert, Rebière, et Bernié 2003 ibid.) convoque pour construire le sens du débat.

Dans cette circulation dynamique du sens (Rastier 2000 ibid.), le rôle de l’enseignant.e est fondamental. Selon la nature de son questionnement, problématisé ou non, selon son degré d’attention aux propos de ses élèves avec des interventions qui relaient leurs paroles sur l’œuvre ou au contraire ne les exploite pas, celui-ci autorisera ou non l’interprétation. Dans la séance filmée observée, l’enseignante revêt le costume de l’enseignant kaïros (Jorro 2002 ibid.) lorsqu’elle pose par exemple la question suivante : « pourquoi tu dis que le prince l’a bien mérité qu’est-ce qui te plait dans cette explication ». Elle met en œuvre également le geste d’atmosphère (Soule, Bucheton, et Tozzy 2008 ibid.) pour encourager les élèves et les inciter à s’exprimer : « ouiii », « très bien », « aah », « ah c’est intéressant », « huumm », « ah d’accord, c’est intéressant de que nous dit Jacob », ces interventions étant par ailleurs accompagnées de sourires et de hochements de tête marquant son adhésion aux réflexions de ses élèves.

Ces gestes sont des gestes essentiels en littérature et l’étude des sèmes afférents dans la Discussion à visée littéraire le prouve : quel aurait été le contenu des échanges si l’enseignante n’avait pas réagi de cette manière aux propos de ses élèves ? Sans doute aurait-il été lissé, faisant de la lecture littéraire une lecture desséchée, vidée de tout texte du.de la lecteur.ice (Mazauric, Fourtanier, et Langlade 2011) qui pourtant « l’anime de [sa] présence » (Bayard 1998, 130).

Conclusion

L’œuvre patrimoniale suscite des questionnements anthropologiques qui traversent les générations. Elle est en quelque sorte le réceptacle du stéréotypage produit au fil du temps.

Nous avons montré que les sèmes afférents contextuels ou socialement normés produits par les jeunes lecteur.ice.s en classe sont révélateurs de leur interprétation, entre appropriation et projection dans les œuvres qu’ils commentent.

La didactique de l’œuvre patrimoniale en faisant dialoguer l’œuvre patrimoniale avec ses objets sémiotiques secondaires facilite la production du sens pour soi, repérable dans les interactions par la présence dans le discours des élèves des sèmes qu’ils produisent, ces sèmes jouant le rôle de « fixateurs » de leur interprétation.

L’intérêt didactique de la réflexion sur les sèmes afférents pour la littérature enseignée à l’école tient à la prise en compte par les enseignants de l’école de cette dynamique du sens. Ce sens qui, loin d’être figé ou préconstruit, circule, s’ajuste ou se précise dans les interactions.

Références bibliographiques

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Bayard, P. 2007. Comment parler des livres que l’on n’a pas lus. Paris: Minuit.
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  1. Nous avons parlé dans ce cas de définition « endolexicale » (Genre 2015).↩︎

  2. Les italiques sont des signes conventionnels pour signifier que nous parlons d’unités lexicales. Pour nous comme pour bon nombre de linguistes (dont Francis Grossmann) les unités lexicales ne correspondent pas uniquement à des unités simples. Les mots composés, les collocations et expressions sont aussi des unités lexicales.↩︎

  3. Ce qui n’a pas été immédiatement le cas pour un élève : « parce qu’un berceau c’est là où on met là où on met un bébé ». Les italiques associés aux guillemets indiquent qu’il s’agit d’extraits d’échanges de classe. Les barres obliques sont des signes conventionnels pour référer aux sèmes.↩︎

  4. Un autre mécanisme sémantique existe mais ne concerne pas les exemples que nous donnerons dans l’article. Il s’agit de la virtualisation de sèmes c’est-à-dire de la « neutralisation » de sèmes en contexte (Rastier 1987, 276). C’est le cas par exemple pour le sème /gris/ dans un âne albinos. Ce sème existe en langue pour le signifié ‘âne’ mais la présence du sème/blanc/ du signifié ‘albinos’ empêche sa réalisation dans le contexte.↩︎

  5. François Rastier a repris ce concept d’Algirdas-Julien Greimas. Il lui permet se s’extraire de l’opposition dénotation/connotation puisque Rastier (1987, 123‑27) a montré qu’une isotopie ‘connotée’ peut contenir des sèmes inhérents.↩︎

  6. À ce propos, il ne sera pas inutile de préciser que le conte de madame Leprince de Beaumont, avant de susciter de multiples adaptations, était déjà lui-même une réécriture (voir section III).↩︎

  7. Le père de la Belle.↩︎

  8. L’enseignante demandera d’ailleurs : « qu’est-ce qui te fait dire qu’il est agressif quelles sont les paroles précises qui le disent » et reformulera en qualifiant le personnage de « menaçant » pour coller au plus près du stéréotype.↩︎

  9. Ou peut-être même /agacé/ selon le sens donné par l’élève au polysème nerveux.↩︎

  10. On pourrait ajouter : dans l’horizon d’attente des lecteur.ice.s de l’époque actuelle car du temps de madame Leprince de Beaumont ces sèmes n’auraient sans doute pas été actualisés. Nous rappelons ici avec Brigitte Louichon la visée d’éducation poursuivie par madame Leprince de Beaumont et le contexte de l’époque où les jeunes filles devaient s’attendre à devoir épouser de « vieux barbons » (Louichon 2016). En somme ce qui nous semble impossible aujourd’hui ne l’était pas en 1757.↩︎

  11. « Il épousa la Belle qui vécut avec lui fort longtemps et dans un bonheur parfait parce qu’il était fondé sur la vertu ».↩︎