Comment se construit une anthologie
Luiz Capelo

Définir la forme anthologique

L’anthologie est une forme qui structure une organisation de données. Dans le cas d’une œuvre littéraire, ces données sont des textes de genres différents. Dans l’AG, ce sont des épigrammes. La forme renvoie aux conditions matérielles, historiques et culturelles qui contribuent à la production de l’œuvre. Elle est également un élément constitutif de la présentation de celle-ci. Levine (2015) définit la forme comme tout arrangement d’éléments qui donne de l’ordre, des motifs ou des contours.

Les formes permettent les affordances, c’est-à-dire les utilisations et les actions latentes dans un objet (Levine 2015). Pour examiner ce concept, nous pouvons penser au bois. Le bois apporte la solidité et des structures durables, tout comme il permet d’allumer un feu. Une chaise en bois, quant à elle, crée un espace solide et durable pour s’asseoir. Cependant, une chaise peut également servir d’échelle pour atteindre un objet dans un placard très haut. Une nouvelle fonctionnalité de la chaise apparaît alors.

L’avantage d’utiliser le concept d’affordance dans l’analyse est qu’il révèle les caractéristiques à la fois générales et spécifiques des formes. Chaque format et chaque modèle, qu’il soit social ou littéraire, est capable de permettre certaines actions. En outre, le terme comporte l’idée de matériau et de conception, ce qui nous aide à comprendre ses capacités et ses limites. Les affordances révèlent les impositions de la forme déterminées par sa matérialité. Le bois a pour caractéristique d’être solide et la chaise crée un endroit où l’on peut s’asseoir. Cependant, il n’existe pas de chaise en eau, un matériau fluide, et le bois n’est pas capable de fournir de la fluidité. Le support sur lequel la forme est matérialisée est donc significatif.

Les formes étant des concepts d’organisation pour les principes, les formats et les modèles, elles ont toutes une affordance commune, la portabilité. L’ordre et les modèles imposent également un ordre au matériel. La relation est à double sens. Les objets prennent forme, mais les formes organisent les objets. Les formes voyagent dans le temps et l’espace par le biais d’objets historiquement et socialement situés. Une forme créée pour un certain contexte peut être utilisée à un autre moment et dans un autre lieu. Les significations et les valeurs changent en fonction du nouvel usage, mais les modèles de la forme restent les mêmes.

La forme, lorsqu’elle se déplace, emporte avec elle ses affordances. Pour revenir à la sphère littéraire, nous pouvons citer la multiplicité et l’ouverture comme affordances de l’anthologie en tant que forme. La multiplicité organise à la fois l’Anthologie Palatine et l’Antologia Graeca. Cependant, le support sur lequel chacune de ces œuvres est inscrite permet également des multiplicités différentes. Dans le CP 23, toutes les voix sont écrites et utilisent des caractères grecs. Sur la plateforme numérique, on trouve des textes écrits — dans différentes langues et en caractères latins, grecs et chinois — des audios et des vidéos.

Le format

Le format est l’organisation générale des éléments. C’est la manière dont l’objet est structuré et la disposition spécifique de présentation des données. Il est constitué d’éléments fixes et invariables qui caractérisent l’objet et il aide les producteurs et les usagers de l’œuvre à mieux la comprendre et l’utiliser (Soulez et Kitsopanidou 2015). Comme le souligne Taurino, le « format is in fact a construct of the media industry itself, and only later became a concept used in academic research for the analysis of audiovisual content and its production or distribution strategies » (Taurino, Boni, et Innocenti 2020, 41). Ainsi, au lieu de spécifier, d’individualiser et de conceptualiser une notion technique audiovisuelle tel que le format, nous proposons d’adopter le concept de « forme » comme synonyme de ce que d’autres auteurs conceptualisent comme format.

Doueihi affirme que le format anthologique est basé sur une sélection de fragments apparemment sans lien entre eux pour les diffuser sous forme de recueils significatifs, où le sens dérive largement d’une association de contenus (Doueihi 2008). Taurino (2020), lorsqu’elle analyse les anthologies d’œuvres audiovisuelles, souligne que l’anthologie est un format qui s’applique à différents médias. Les fragments que l’anthologie relie et resignifie peuvent donc s’inscrire dans différents supports. Ces fragments peuvent être des épigrammes écrites ou des épisodes télévisés. La forme anthologique entraîne une remédiation des objets. Une anthologie peut réunir deux objets inscrits à l’origine sur deux supports différents et les réinscrire sur un troisième. C’est ce que fait le projet Anthologia Graeca, une édition numérique de l’AG. À Anthologia, la constante remédiation est possible parce que chaque épigramme est traité comme une entité. Hors d’une idée de vérité du texte, l’entité est l’assemblage de données autour de l’épigramme. Ces données proviennent de diverses sources et médias. Nous y trouvons tout type d’information autour de l’épigramme, par exemple l’image de la version du CP23 de l’épigramme ; la transcription de ce texte écrit en grec et à l’origine inscrit dans un codex ; la traduction française de Pierre Waltz, d’abord imprimée dans un livre et numérisée à Anthologia ; et les scholies de l’épigramme présentes au CP23. Au-delà de la remédiation, la forme anthologique est aussi un lieu d’interaction politique.

Sauguet (2015) nous rappelle que le format a aussi une dimension politique, et qu’il est traversé par des luttes et des négotiations. Il existe pour décrire une cadre subjetif à travers des éléments palpables par la collectivité concerné par l’œuvre. Il traduit l’existence d’une base collective de la création artistique qui nécessite un language commun. Le caractère politique du format révèle qu’il s’agit d’un lieu où interagissent différents segments sociaux et professionnels. Cette interaction entre les différents acteurs n’est pas toujours pacifique. Le réalisateur Peter Watkins a conçu l’idée de « Monoforme »1 en guise de critique à la presqu’omniprésence du format dans le milieu de l’audiovisuel. La mise en forme, le format établi a priori, est perçu par Watkins comme une réduction des possibles où le génie créatif de l’auteur est restreint par le format. Dans ce cadre, le format peut devenir une contrainte. Outre le format, les genres littéraires sont aussi des formes, car ils organisent et fournissent des motifs et des moyens d’expression poétique.

Le genre littéraire

Les genres littéraires sont les différentes formes d’expression littéraire (Tavares 2002). Le genre est donc une forme, puisqu’il permet d’ordonner et de classer des textes. Le genre est un ensemble de caractéristiques qui comprennent le style, les thèmes, la composition de la prose, la versification et la métrique, entre autres éléments. Chaque genre apporte certains éléments marquants ; ils permettent l’expression de certains sentiments et de certaines actions. Pour mieux comprendre la corrélation entre le genre et la forme, nous nous tournons vers le poème Autopsicografia de Fernando Pessoa et l’épigramme 5.55 de Dioscoride. Voici le poème :

O poeta é um fingidor.
Finge tão completamente
Que chega a fingir que é dor
A dor que deveras sente.

E os que leem o que escreve,
Na dor lida sentem bem,
Não as duas que ele teve,
Mas só a que eles não têm.

E assim nas calhas de roda
Gira, a entreter a razão,
Esse comboio de corda
Que se chama o coração. (Pessoa 2017)2

Voici l’épigramme :

Δωρίδα τὴν ῥοδόπυγον ὑπὲρ λεχέων διατείνας
ἄνθεσιν ἐν χλοερoῖς ἀθάνατος γέγονα.
ἡ γὰρ ὑπερφυέεσσι μέσον διαβᾶσά με ποσσίν,
ἤνυεν ἀκλινέως τὸν Κύπριδος δόλιχον;
ὄμμασι νωθρὰ βλέπουσα: τὰ δ᾽ ἠύτε πνεύματι φύλλα,
ἀμφισαλευομένης, ἔτρεμε πορφύρεα,
μέχρις ἀπεσπείσθη λευκὸν μένος ἀμφοτέροισιν,
καὶ Δωρὶς παρέτοις ἐξεχύθη μέλεσι (Waltz et al. 1928)3

Le poème de Pessoa comporte trois quatrains. Un quatrain est composé de quatre lignes heptasyllabiques et de rimes interpolées. Le quatrain est la forme dominante du système communicationnel et littéraire configuré par le Cancioneiro traditionnel. Les quatrains sont des éléments unitaires, mais ils sont également interconnectés dans la composition du poème. La structure dichotomique du quatrain présente une thèse (les deux premiers vers) et une antithèse (les deux derniers vers) dans une format sémantique unitaire. Comme le distique élégiaque, le quatrain a une force de persuasion grâce à sa structure dichotomique. Chaque quatrain est une unité dotée d’une signification complète. Dans Autopsicografia, le poète utilise la conjonction « et », en ouvrant les deuxième et troisième quatrains, respectivement à la ligne 5 et à la ligne 9, pour relier les quatrains et composer le poème. Le quatrain n’est cependant pas la seule forme à l’œuvre dans le poème. Les formes peuvent fonctionner ensemble.

Les heptasyllabes sont également appelés redondilhas majeures, tandis que les redondilhas mineures sont des pentasyllabes. L’heptasyllabe est le vers qui comporte sept syllabes poétiques. Les poèmes composés à l’aide de la redondilha majeure constituent une forme poétique classique. Cette forme est le mètre engendré par la lyrique du XVIe siècle et elle est typique de la poésie populaire4. Au fil du temps, les redondilhas ont continué à être composées en concurrence avec la poésie dérivée des formes et des modèles de la littérature gréco-latine. En raison de sa cadence, qui crée un contexte d’oralité, l’heptasyllabe est à la base de certaines formes poétiques populaires, comme par exemple le cordel et les trovas. En raison de sa longévité et de son ascendance populaire, l’heptasyllabe est perçu comme l’une des formes poétiques naturelles de la langue portugaise (Gebara 2016).

En utilisant le quatrain comme forme, Pessoa combine tradition et poésie populaire. Publié sous le nom de Pessoa, et non sous l’un de ses pseudonymes, le poème utilise le métalangage pour discuter de la création de la poésie. Ainsi, dans l’axe thématique, la discussion abordée dans le poème remonte à la théorie aristotélicienne de la mimesis, et Pessoa présente sa théorie de la création poétique. Le poète est celui qui feint quelque chose, son œuvre est une feinte, une imitation de la réalité. Cependant, malgré la complexité du contenu, la forme déclenche dans l’esprit du lecteur la simplicité et le dépouillement des quatrains.

Typiquement, le sonnet est la forme utilisée dans la poésie de langue portugaise lorsque l’on veut traiter de thèmes qui impliquent une morale ou un axiome philosophique, social, politique, etc. Le quatrain, en revanche, comme nous l’avons vu plus haut, est une forme éminemment populaire. En utilisant le quatrain pour parler de la fabrication de la poésie et en postulant l’axiome « Feindre est le propre du poète » (ligne 1), il y a déjà une première « feinte » de la part du poète. Le poète donne au quatrain une nouvelle possibilité. La forme qui servait à l’expression populaire devient un instrument du débat philosophique. Ce changement dans l’utilisation du quatrain est révélateur de la constitution sociohistorique des formes.

Les trois quatrains de Autopsicografia sont binaires en termes de nombre de mots. Cependant, il n’y a pas d’uniformité dans cette disposition. Dans le premier quatrain, le premier et le dernier vers ont cinq mots ; dans le deuxième, le premier et le dernier vers ont sept mots ; dans le troisième, ils ont quatre mots. Le parallélisme des vocabulaires indique l’idée d’un équilibre entre la structure interne du texte et le format externe du poème. La forme dichotomique du quatrain, les rimes interpolées et la binarité du vocabulaire entre le premier et le dernier vers renforcent la dichotomie entre le poète et le lecteur, entre la douleur ressentie et la douleur feinte, entre le lu et l’écrit.

Le choix des formes est également porteur d’un contenu sémantique. La deuxième figure présente dans le poème est l’intellectualisation des sensation5. Le sentiment exprimé par une idée est un simulacre de ce sentiment. Sur les treize substantifs du poème, seuls « douleur » et « raison » sont des noms abstraits. L’analyse lexicale devoile les dichotomies présentées dans le texte. Forme populaire utilisée pour un discours sur un thème classique ; distinction entre ce que le poète ressent, ce qu’il écrit et ce que le lecteur ressentira ; abstraction lexicale limitée à la paire « douleur » et « raison ». Ces éléments découlent des formes utilisées dans le texte. Le quatrain est expressif, tout comme le choix des noms abstraits utilisés. L’épigramme de Dioscoride, en revanche, est un distique élégiaque.

Le distique élégiaque est un ensemble de deux vers, un hexamètre dactylique6 et un pentamètre7. Le pentamètre permet une cadence autre que celle de l’hexamètre à cause des pauses qu’il requiert. L’unité du distique élégique repose sur sa structure métrique.

Un poème élégiaque est composé par une quantité de distiques limitée par la seule volonté du poète. Les traits communs de toutes les « élégies » sont la forme métrique, le rhythme et l’accompagnement de l’aulos8. Le joueur d’aulos, après accompagner le chanteur dans une longue séquénce chantée, doit reprendre haleine. En guise de comparaison, un vers épique consiste en six dactyles et l’instrument typique de l’épique est la lyre9, qui ne requiet de pas la reprise de souffle par le joueur. Cela permet que la taille de la forme épique soit plus longue.

Souvent, le pentamètre tire la conclusion de la pensée exprimée par l’hexamètre. Dans ce cadre, le distique fonctionne en guise de syllogisme10. Ainsi utilisé, le distique a une valeur de persuasion. Il est une forme poétique et persuasive. La puissance de persuasion que la forme du distique possède s’explique d’abord par sa capacité à exprimer une pensée en peu de mots. Par sa brièveté, le distique semble propre à atteindre l’essence des choses. L’une des affordances du distique élégiaque est la persuasion.

Grimal (1994) affirme que, grâce à sa forme courte et persuasive, le distique élégiaque était une forme récurrente dans la composition des épitaphes. En conséquence de sa brièveté, il permettait de synthétiser la réalité du défunt loué avec la construction d’un souvenir idéalisé de l’individu. La douleur de la perte d’un être cher est semblable à celle d’un amour perdu. Un autre usage récurrent du distique élégiaque est la poésie amoureuse.

L’épigramme célébrant un amour n’est pas très loin de l’épitaphe. Le poème rend éternels la beauté de l’être aimé et l’amour du poète comme ceux des êtres divins. Dans ce contexte, il est intéressant de noter que le distique élégiaque est la forme métrique par excellence des livres 5 et 12 de l’Anthologie grecque. Presque toutes les épigrammes de ces livres — qui varient énormément à d’autres égards — sont composées en distiques élégiaques. Les affordances régulières du distique élégiaque sont la mélancolie, d’où son usage dans la rédactions d’épitaphes et de déplorations des malheurs survenus ; et la persuasion, d’où son usage en arguments frappants.

L’analyse du distique élégiaque et du quatrain nous aide à étudier les formes, car elle révèle certaines de leurs caractéristiques. La forme est constitué d’éléments fixes et invariables qui caractérisent l’objet. Elle est le squelette de l’objet. Responsable de son support, elle permet de le reconnaître et de le différencier des autres. La forme est un outil cognitif pratique. Il aide les producteurs et usagers de l’œuvre à mieux la comprendre et l’utiliser. Il fait partie de la présentation de l’objet. En guise de conclusion et de résumé de ce qui a été dit jusqu’à présent, nous voudrions mentionner les cinq caractéristiques marquantes des formes (Levine 2015):

  1. Les formes contraignent : la forme impose des limites à la création. Par exemple, la forme du sonnet est un texte écrit en vers et traditionnellement composé de 14 vers (deux quartets et deux tercets) ; le distique élégiaque est composé d’un hexamètre et d’un pentamètre ; la redondilha est un quatrain d’heptasyllabes.
  2. Les formes divergent : la discussion sur les différentes formes est consolidée dans la théorie littéraire. La rhétorique aristotélicienne examine les différents formats de discours et leur utilisation dans les tribunaux et les assemblées. Dans la poétique, les modèles de vers et les rythmes sont utilisés pour distinguer l’épopée de la comédie. Les formes se distinguent les unes des autres. Par exemple, l’hexamètre ne cesse pas d’être une forme parce qu’il est présent dans le distique élégiaque. Lorsqu’elles sont utilisées simultanément, elles ne s’annulent pas l’une l’autre, mais s’articulent l’une à l’autre.
  3. Les formes s’interpénètrent : différentes formes fonctionnent de manière concomitante et complémentaire. Dans le texte Tout ce qu’on ne te dira pas, Mongo (Laferrière 2015), la forme romanesque coexiste avec l’écriture d’un journal intime. Dans la redondilha, il y a l’heptasyllabe, tout comme le distique suppose l’existence du pentamètre et de l’hexamètre.
  4. Les formes se déplacent dans le temps et l’espace : les formes peuvent être utilisées dans différents lieux et à différentes époques. La poésie épique est présente dans la Grèce classique et dans le Portugal du classicisme. Ainsi, l’Iliade et Os Lusíadas sont toutes deux épiques, même si elles sont séparées dans le temps et l’espace.
  5. Les formes sont sociohistoriquement constituées : les formes sont constituées pour refléter ou répondre aux conditions, aux événements ou aux discussions politiques des sociétés qui les créent et/ou les utilisent. Comme le dit Lukacs (2010) , l’essor du roman en tant que forme littéraire est concomitant de l’essor de la bourgeoisie en tant que classe dominante. Un événement est la réponse et la conséquence de l’autre. La constitution de la forme ne change pas avec son utilisation dans un temps et un espace autre ; ce qui change, ce sont les affordances offertes par les formes.

Taxonomie des anthologies

Taurino (2020) propose une taxonomie de l’anthologie. Les critères qu’elle retient pour analyser l’anthologie sont les suivants : la relation temporelle entre l’anthologie en tant que format et les éléments unitaires, l’échelle de l’anthologie, et la diffusion du contenu de l’anthologie en saisons. Ce dernier critère étant inhérent et exclusif aux anthologies télévisuelles, il n’est pas applicable à l’étude de l’Anthologie grecque. En revanche, les deux autres éléments sont particulièrement pertinents pour notre analyse. Dans ce contexte, nous utiliserons l’Anthologie palatine comme objet d’analyse de la taxinomie anthologique. Nous justifions le choix de cet objet par le fait que l’AP est matériellement inscrite dans le Codex Palatinus 23. L’Anthologie grecque, en revanche, ne se limite pas à ce codex. Puisqu’elle est constituée d’objets inscrits dans différents supports médiatiques, l’AG ne sera pas l’objet choisi pour penser la taxinomie des anthologies.

Le critère temporel

Un premier critère taxinomique à prendre en compte est la relation temporelle entre l’anthologie et les éléments qui la composent. Nous devons répondre à une question claire : qu’est-ce qui est venu en premier, l’anthologie ou son contenu ? Autrement dit, soit le recueil est constitué a posteriori à partir d’éléments hétérogènes déjà existants, soit l’idée d’une anthologie vient a priori et le contenu est ensuite développé pour former celle-ci. Dans le premier cas, celui où le contenu est d’abord créé puis mis en forme dans une anthologie, Taurino parle d’anthologie ex-post. Elle définit une anthologie ex-post comme « all collections generated after the process of actual creation of content » (Taurino, Boni, et Innocenti 2020, 91). Dans le second cas, appelé par Taurino une anthologie ex-ante, l’anthologie existe initialement et son contenu est créé ultérieurement. C’est dans le cas des anthologies ex-ante que le format est perçu comme une contrainte, puisque le format anthologique s’impose au contenu qui sera créé.

Une anthologie ex-post est l’histoire d’un parcours de lecture. Ce type d’ouvrage révèle comment un objet culturel est produit, mais surtout comment il est reçu. Lorsque l’anthologiste sélectionne les épigrammes qui composeront son anthologie, il opère dans le champ de la réception littéraire. Le produit final de son travail, l’anthologie, est un portrait de la manière dont un certain objet est traité à une certaine époque. Ce qui est ajouté à l’œuvre, ce qui ne l’est pas ; quels sont les critères d’association d’un élément à un autre ; comment chacun de ces éléments est perçu et catégorisé.

L’Anthologie palatine est avant tout une anthologie ex-post. Dans ce cadre, il s’agit de savoir si les épigrammes ont été écrites au préalable et organisées dans le format de l’anthologie (ex-post), ou si l’anthologie est venue en premier et que les épigrammes ont été composées dans le but de la constituer (ex-ante). Dans le contexte général de l’AP, nous affirmons que les épigrammes sont antérieures à l’anthologie elle-même. Céphalas et les anthologistes ultérieurs ont travaillé avec un matériel qui existait déjà. Ils ont lu et recueilli ces textes dans leur travail d’élaboration. L’anthologie est une forme éditoriale intrinsèquement ouverte. Nous entendons par ouverture l’ajout d’éléments à l’œuvre. Une œuvre fermée est une œuvre qui, une fois publiée, est définitive et aucun nouveau texte ne peut y être ajouté. L’ouverture de l’AP est principalement due aux commentaires qui y ont été ajoutés et aux propositions de reclassement et de regroupement de son contenu. En revanche, lorsqu’il s’agit de traiter spécifiquement chacun des recueils qui composent l’AP, la question s’approfondit.

L’AP est une anthologie composée d’autres anthologies. Sa taxinomie est donc complexe et il est nécessaire d’analyser chacune de ses sources majeures, à savoir la Couronne de Méléagre, la Couronne de Philippe et le Cycle d’Agathias. Pour examiner la temporalité de ces anthologies, nous nous tournons vers leurs préfaces respectives. La Muse Garçonnière de Staton n’ayant pas de préface, nous ne pouvons pas l’analyser de la même manière que les autres sources majeures de l’AG. Dans l’épigramme 4.1, la préface de la Couronne de Méléagre, le poète déclare que le recueil a été fait en l’honneur de Dioclès et que son auteur est Méléagre11. Le fait que les verbes soient tous à l’aoriste indique fortement que les épigrammes sont arrivées en premier, puis que Méléagre les a lues, sélectionnées, organisées et a composé sa Couronne.

La Couronne de Méléagre est une anthologie ex-post. Évidemment, on ne peut pas affirmer avec une certitude absolue que toutes les épigrammes sont antérieures à la Couronne. Individuellement, il est possible que, par exemple, Méléagre ait écrit une épigramme spécifiquement pour faire partie de sa Couronne. Dans cet ordre d’idée, il est possible d’interpréter ἄλλων τ᾽ ἔρνεα πολλὰ νεόγραφα12 (4.1 v. 55) autrement que ne le fait Waltz (1928). La phrase peut être utilisée pour qualifier « les œuvres de poètes qu’il [Méléagre] ne prend pas la peine de nommer » (Waltz et al. 1928, I.104). Mais ce verset peut aussi indiquer qu’il y a eu des épigrammes écrites après le début de la composition de sa Couronne et qui y ont été ajoutées par la suite. Cela signifie que l’œuvre est aussi potentiellement une anthologie avec des éléments ex-ante.

Philippe est un anthologiste et poète. Comme le montrent sa préface13 et le lemme 4.2.214, Philippe imite Méléagre. Il rassemble des épigrammes déjà existantes et il en écrit d’autres. Dans ce contexte, son anthologie se catégorise comme ex-post avec des éléments ex-ante.

L’anthologie d’Agathias est principalement constituée d’épigrammes antérieures à elle. Mais, comme pour la Couronne, elle présente des éléments d’une anthologie ex-ante. Le Cycle ne compte que des poètes contemporains d’Agathias (Averil Cameron et Cameron 1966), et la plupart des poètes du Cycle sont, comme Agathias, des hommes de loi. La proximité entre l’anthologiste et de nombreux poètes de l’anthologie nous permet de supposer que certaines des épigrammes ont été composées sur demande. Agathias lui-même a écrit des épigrammes spécifiquement pour son Cycle.

L’AP et ses principales sources sont essentiellement des anthologies composées à partir d’éléments existants. Le contenu a d’abord été écrit, et ce n’est que plus tard que les anthologies ont été formées. Cela fait de ces ouvrages des anthologies ex-post. Cependant, comme nous l’avons soutenu, il existe des indications, principalement dans la Couronne de Méléagre et le Cycle d’Agathias, qui portent à croire qu’une partie du contenu a été créé après la formation de l’anthologie. Puisque Méléagre et Agathias sont tous deux des poètes, il est possible qu’ils aient composé des épigrammes dans le but de former leurs anthologies. Toutefois, la temporalité n’est pas le seul critère taxinomique que nous mettons en avant dans l’analyse de l’AP. Nous devons également réfléchir à la question de l’échelle, et ainsi comprendre la distinction entre micro-anthologies et macro-anthologies.

L’échelle

En ce qui concerne l’échelle de l’anthologie, nous travaillerons avec les concepts de micro-anthologie et de macro-anthologie. La micro-anthologie est la plus compacte des anthologies et le dispositif où la forme anthologique est la plus rigide. Elle est habituellement narrative, avec un début et une fin. Elle est fermée dans le sens où « there is a containment principle – either topological, thematically or even simply a lack of strength in the anthological framing »(Taurino, Boni, et Innocenti 2020, 93). Nous soutenons que la micro-anthologie est celle qui dispose d’un critère unique pour le rassemblement de ses éléments unitaires.

Dans le cas de l’AP, les micro-anthologies sont des groupes d’épigrammes délimités en fonction de leur thème, de leur auteur ou encore d’un commentaire du lemmatiste. Des exemples de micro-anthologies présentes dans les AP sont le groupe d’épigrammes sur l’aspect des barbes et autres poils (comme nous le verrons, l’aspect des poils n’est pas seulement marqué sur le visage de l’eromenos, mais aussi sur ses cuisses) et les épigrammes que les lemmatistes disent dédiés à des prostituées. La liste de ces épigrammes est relativement fermée. Une fois les critères de sélection de la micro-anthologie établis – les poils du jeune homme aimé ou la prétendue profession de la femme –, il n’est plus possible d’ajouter des éléments extérieurs. Il est important de souligner que ni l’AP ni aucune de ses sources principales n’est a priori une micro-anthologie. Au contraire, il existe plusieurs micro-anthologies dans l’AP. Nous pouvons en déduire une caractéristique fondamentale des micro-anthologies : elles peuvent s’émanciper et composer des corpora plus vastes, les macro-anthologies.

Une macro-anthologie est une anthologie qui contient une myriade d’anthologies différentes. Les macro-anthologies sont les anthologies les plus ouvertes à l’expansion. Dans une macro-anthologie, les textes peuvent être lus individuellement, mais lorsqu’ils sont rassemblés, ils offrent une vision plus large des différentes périodes, des styles, des thèmes et des auteurs. Comme le dit Doueihi dans un extrait cité plus haut, le sens découle en grande partie de l’association des contenus. Si la micro-anthologie n’a qu’un seul critère qui justifie le regroupement de ses éléments, la macro-anthologie dispose de plus d’un critère pour les regrouper.

L’AP est un exemple paradigmatique de macro-anthologie. Considérons sa composition à travers le CP 23. Ce codex contient 13 livres. Chacun de ces livres possède son propre élément unificateur. Par exemple, le livre 1 est consacré aux épigrammes chrétiennes ; le livre 2, à l’ekphrasis de Christodore ; le livre 3, aux bas-reliefs des colonnes du temple d’Apollonis à Cyzique ; le livre 4, aux préfaces de Méléagre, Philippe et Agathias ; le livre 5, aux épigrammes sur l’amour, et ainsi de suite. Mais il y a des micro-anthologies différentes dans chacun de ces livres. Pour nous concentrer sur le livre 5, objet de notre étude, nous pouvons mentionner la micro-anthologie des épigrammes consacrées à Héliodore et celle des épigrammes consacrées à Zénophile.

Épigramme et anthologie, une relation stigmergique

L’anthologie est une structure temporelle et spatiale où le sens cohabite avec la cohérence, et qui organise des données. La forme anthologique donne du sens et de la cohérence aux éléments unitaires qui composent l’anthologie. Cela signifie que chaque anthologie a son élément unitaire, les données qu’elle organise. Dans les anthologies étudiées par Taurino (2020), par exemple, les éléments unitaires sont les séries audiovisuelles. Everett et Marcotte définissent une anthologie comme « recueils de textes écrits par différents auteurs et déjà parus ailleurs » (Everett et Marcotte 2010, 8), dévoilant que l’élément unitaire est formé par les « textes écrits par différents auteurs et déjà parus ailleurs ». Pour comprendre une anthologie, il faut analyser les éléments qu’elle rassemble et organise. Les données d’une anthologie peuvent être de différentes natures. Dans le cas de l’Anthologie grecque, l’élément unitaire est constitué par les épigrammes.

Donner une définition d’épigramme dépourvue d’ambiguïté et que l’on puisse utiliser comme outil théorique n’est pas une mince tâche. Comme le dit Citroni (2019), la difficulté de définir le genre réside dans la variété des thèmes et des contenus abordés et dans l’incertitude des frontières qui séparent l’épigramme des autres genres littéraires qui lui sont apparentés. La tradition épigrammatique commence à la période archaïque et, pour nous, va jusqu’à la période byzantine15. L’épigramme est un genre textuel, et comme tel il est une forme d’organisation qui se modifie avec le temps (Dolz et Gagnon 2008). Comme l’ancrage social et la nature communicationnelle des épigrammes changent, l’existence des variations n’est pas étrangère au concept d’épigramme.

Les critères habituels pour cerner l’épigramme sont la métrique, la longueur et le thème. Nous travaillerons avec ces trois critères, mais nous proposerons un quatrième élément comme central pour la définition d’une épigramme, la stigmergie. Tout d’abord, nous discuterons brièvement de l’origine du genre épigrammatique, car cela révèle d’importantes affordances de l’épigramme : son caractère épigraphique et ekphrastique. Ensuite, nous examinerons le mètre, la longueur et le thème en tant qu’éléments caractéristiques du genre. Enfin, afin d’arriver à une proposition de définition du genre, nous discuterons de la relation stigmergique entre l’épigramme et l’AG.

L’épigraphique et l’ekphrastique

L’épigramme est une production très ancienne dans la littérature grecque. Les premières épigrammes sont de la période archaïque, dont les limites sont le VIIe et le Ve siècles de notre ère, et sont des inscriptions en vers gravées sur des monuments, des tombeaux, des temples, etc. Ces épigrammes sont surtout des textes anonymes funéraires et votifs en distiques élégiaques ou en hexamètres16. Les épigrammes funéraires sont des épitaphes, des descriptions de tombes ou d’œuvres d’art qui l’ornent. Les inscriptions dédicatoires ou votives sont des textes sur un objet qui est consacré à une divinité.

Dans son sens premier, l’épigramme est un texte inscrit sur un quelque chose, soit une phrase donnant le nom du créateur d’une statue ou un vers sur un tombeau louangeant la personne décédée. En ce sens, Pierre Waltz donne la définition suivante d’épigramme : « poèmes assez courts pour être gravés sur une plaque de marbre ou de métal » (Waltz et al. 1928, 3). Cette définition ne peut pas couvrir toutes les épigrammes présentes dans l’AG, puisque la proposition présente une synecdoque claire et qu’elle prend un type spécifique d’épigramme comme caractéristique englobante. Même si la définition de Waltz est incomplète, elle révèle une caractéristique importante importante d’un type d’épigramme. Être gravée sur un monument est la caractéristique essentielle de l’épigramme épigraphique.

Ces premières épigrammes sont écrites sur des objets — dont ils informent souvent de l’histoire, la finalité, le propriétaire, etc. — et, de cette façon, on les comprend comme des épigraphiques17. Le concept d’épigramme épigraphique vient de ces textes de la période archaïque. L’épigraphique est le texte écrit sur quelque chose et, même si ce type d’épigrammes n’est pas majoritaire, ses caractéristiques seront déterminantes à la conceptualisation du genre. L’idée d’épigraphique est si importante pour le genre que le terme épigramme lui-même est une variante d’épigraphique. Alors que l’adjectif utilise le verbe γράφω dans sa composition, le nom utilise le substantif γράμμα. L’utilisation de termes de la famille du verbe γράφω est paradigmatique pour comprendre le genre épigrammatique.

L’épigramme est le seul genre littéraire de l’Antiquité dont la fonction première est éminemment écrite (Squire 2010). L’affordance de l’épigraphique est de mettre en relation deux objets distincts. Ἐπίγραμμα signifie inscription, c’est-à-dire un texte inscrit ou peint sous un objet. Dans ce contexte, l’épigramme est un texte-support, qui dépend d’un autre texte/objet. Se trouvant dans la position de ἐπιγραφή, écrit en bas, ou de ἀναγραφή, écrit en haut, ces premières épigrammes ont pour fonction de donner un sens particulier au texte/objet auquel elles se réfèrent. Elles disent à qui appartient l’objet, à quel dieu il est dédié, qui y est enterré, etc. Prenons l’exemple de la première épigramme du livre 1 de l’AG. Dans cette épigramme, on peut lire :

ἃς οἱ πλάνοι καθεῖλον ἐνθάδ᾽ εἰκόνας
ἄνακτες ἐστήλωσαν εὐσεβεῖς πάλιν. (Waltz et al. 1928)
Les images que des égarés avaient renversées ici, de pieux souverains les ont relevées. (Traduction de Pierre Waltz (1928))

Le texte discute de ce qui est arrivé aux images sur les lieux – ἐνθάδ᾽ εἰκόνας. Les images ont été détruites – probablement pendant la période de l’iconoclasme dans l’Empire byzantin – et ont été reconstruites plus tard – selon Waltz (1928 I,13) par Basile Ier le Macédonien. La fonction de cette épigramme est donc de raconter l’histoire de ces images. Comme l’épigramme est physiquement inscrite sous les images, elle n’a pas besoin d’indiquer où ces images se trouvent. En effet, avant le processus d’anthologisation et de remédiation auquel ce texte est soumis, pour lire l’épigramme, il faut se trouver là où se trouvent les images. Nonobstant, une fois dans la forme anthologique, l’épigramme a besoin d’être située géographiquement et d’être localisée. Cette fonction est remplie par la scolie, où l’on peut lire que l’épigramme était située « sur le dais de l’autel de Sainte-Sophie »18. La scolie est l’épigraphique de l’épigramme anthologisé. Elle donne des informations sur le texte auquel elle se réfère.

L’épigramme 1.1 ne fait pas exception, et l’ensemble des treize premières épigrammes du livre 1 de l’AG suit ce modèle d’épigrammes épigraphiques. L’épigraphique signifie qu’il existe toujours une relation entre l’épigramme et l’élément extradiégétique auquel elle se réfère. Outre l’épigraphique, un autre trait pertinent révélé par ce groupe de treize épigrammes est l’ekphrastique. Ἔκφρασις est une description d’un objet, qu’il soit animé ou inanimé. Il s’agit généralement de textes concernant des statues, des peintures ou d’autres objets d’art. Cependant, des objets tels qu’une lampe19 ou une église20 peuvent également être la cible d’une ekphrasis.

Il y a un métalangage inhérent à l’ekphrastique. C’est une œuvre d’art qui parle d’une autre œuvre d’art. Dans le processus de description, l’ekphrasis remédie à sa cible. L’église du martyr Polyeucte en 1.10 passe d’une église construite en pierres à un bâtiment fait de mots. En ce sens, l’ekphrasis présente des caractéristiques analogues au format anthologique, car elle remédie naturellement. Le groupe d’épigrammes sur la Vache de Myron21 est paradigmatique dans ce contexte.

Le sculpteur Myron a sculpté, c.420 avant J.-C., une statue de bronze représentant une vache en guise de dédicace votive à l’Acropole d’Athènes. L’œuvre d’art était si impressionnante qu’elle a été reproduite en bronze et en marbre. La statue a ensuite été transportée de l’Acropole athénienne au Temple de la Paix à Rome et, au IVe siècle après J.-C., à Constantinople (Squire 2010). La statue a ensuite été perdue. L’histoire de la statue révèle que la Vache ne se limite pas à cette première statue et qu’il existe autour d’elle un contexte complexe de mimesis, puisque la statue originale a été copiée en marbre et en bronze et qu’elle a été également remédiée et représentée dans des épigrammes.

Trente-six épigrammes inscrites sur l’AG font référence à la Vache. Malheureusement la statue n’a pas survécu au passage du temps. La Vache est l’élément primordial commun à toutes ces épigrammes. Comme la forme anthologisée, l’ekphrastique permet au groupe de se relier et de créer du sens. L’ekphrastique encourage la multiplicité et la variation. Or, si toutes ces épigrammes traitent du même thème, elles le font de manière différente. Il y a un élément constant, la Vache, et des éléments qui changent constamment, la façon dont chaque épigrammatiste aborde le thème. Il y a aussi une multiplicité d’auteurs. Sur les trente-six épigrammes sur le thème, douze sont anonymes ; huit sont de Julien, préfet d’Égypte ; six sont d’Antipater ; deux d’Anacréon22 ; deux, d’Euenos ; et Léonidas, Démétrius, Marcus Argentario, Dioscoride, Philippe et Geminus ont chacun écrit une épigramme sur le sujet. Ce groupe d’épigrammes ekphrastiques devient une microanthologie au sein de l’AG. En tant que telle, son appartenance à l’anthologie est également créatrice de sens.

Si l’on exclut les épigrammes anonymes, la microanthologie de la Vache compte dix auteurs. La variation chronologique entre eux est importante. Par exemple, Julien le Préfet a vécu au VIe siècle apr. J.-C., et Dioscoride est du IIIe siècle av. J.-C. Les différences géographiques sont également importantes. Par exemple, Philippe était originaire de Thessalonique, Léonidas de Tarente et Antipater de Sidon. Si l’on considère que Myron était un sculpteur athénien de la fin du Ve siècle avant J.-C., cette multiplicité temporelle et géographique indique qu’il est impossible que tous les auteurs aient contemplé la statue eux-mêmes. Cela révèle que la mimesis déployée dans ces épigrammes n’est pas toujours la représentation de la statue. Il y a des épigrammes qui imitent d’autres épigrammes, il y a une mimesis intra-anthologique à l’œuvre ici. Le premier objet imité est peut-être la statue créée par Myron. Lorsqu’il s’agit d’une anthologie, le processus mimétique change et les épigrammes elles-mêmes deviennent l’objet imité.

L’épigraphique et l’ekphrastique sont des caractéristiques marquées des épigrammes, surtout celles qui sont chronologiquement plus anciennes. La référence à un objet extradiégétique et la remédiation sont les affordances rendues possibles par ces deux éléments. Cependant, comme nous l’avons mentionné plus haut, le genre épigrammatique se déplace dans le temps et dans l’espace, et par conséquent, il se modifie. Pendant la période classique, des poètes commencent à écrire des épigrammes qui ne sont pas destinées à être inscrites. Ces œuvres littéraires, pourtant, imitent le contexte de l’inscription. Ainsi, on voit par exemple des fausses épitaphes à des personnages illustres ou des louanges à des chandelles qui illuminent la chambre des amants. C’est la période de la transition de l’épigramme épigraphique à l’épigramme littéraire. Les textes s’éloignent de plus en plus des contextes religieux et funèbre et les thèmes et sujets commencent à se diversifier. Dans ce contexte, nous devons analyser mètre, longueur et thème de ces épigrammes.

Mètre et thème

L’épigramme est un genre écrit par excellence et il n’y a pas de période où l’épigramme est exclusivement oral (Kwapisz 2016). Les premières épigrammes, jusqu’à la fin du IVe siècle av. J.-C., étaient généralement des formules courtes et répétées, composées en hexamètres. De ces premières épigrammes, nous mettons en évidence les éléments épigraphiques et ekphrastiques. Pour travailler sur l’épigramme littéraire, il est nécessaire de discuter du mètre et du thème. Nous commencerons par discuter de l’absence d’un mètre unique dans le genre épigrammatique.

Lorsqu’on étude un genre textuel en vers, l’analyse métrique est inévitable. La tragédie est marquée par le trimètre iambique et l’épopée est faite en hexamètres. Le mètre de l’épigramme, selon Cameron (1993), est le distique élégiaque. Parmi les affordances du distique élégiaque, nous trouvons, comme nous l’avons vu, la persuasion et le sens de la fermeture résultant de la structure d’un hexamètre suivi d’un pentamètre. En ce sens, nous suivons l’argument de Citroni (2019), qui identifie ces caractéristiques comme pertinentes pour le texte épigrammatique. Malgré la prédominance du distique, ce n’est pas le seul mètre dans lequel les épigrammes ont été composées. Pour nous concentrer sur les épigrammes présentes dans AG, nous pouvons mentionner l’hexamètre 5.72 et le trimètre iambique 5.108. Les mètres sont divers et il n’est pas possible de cerner l’épigramme par rapport à sa longueur. Il n’est pas possible d’affirmer qu’une épigramme soit « des poèmes assez courts », comme l’a fait Waltz (1928). Par exemple, l’épigramme 1.10, la plus longue de l’AG, a 76 vers. Elle n’est pas du tout courte.

L’époque hellénistique est l’âge d’or du genre épigrammatique. Des poètes connus, comme Asclépiades, Callimaque et Méléagre, commencent à composer des épigrammes, et des éléments qui seront remarquables pour le genre sont consolidées. Par exemple, la récurrente brièveté de l’épigramme est en accord avec le programme poétique de la période hellénistique ; de plus, les épigrammes érotiques apparaissent, possiblement une innovation d’Asclépiades. C’est à ce moment que les collections d’épigrammes deviennent populaires. Les rois, les auteurs et les scholiastes de la période hellénistique ont une passion pour la collection et ils font des compilations diverses, dès les recueils de poètes comme Callimaque et Nicander, jusqu’aux sélections des textes préférés de lecteurs ordinaires (Krevans 2007). Le critère de rassemblement de ces premiers recueils est thématique. Ainsi, on peut recueillir des textes d’un même auteur, des textes inscrits sur des tombes ou des louanges à une reine. C’est à l’anthologiste que revient le devoir de choisir le critère organisationnel de son recueil.

On peut penser que le sujet du texte est le trait fondamental du genre épigrammatique. Nonobstant, une lecture de l’ensemble de l’Anthologie Grecque, la plus grande source du genre épigrammatique, montre qu’on ne peut pas utiliser le thème comme élément définissable. Il y a 15 livres dans l’AP, et chacun porte sur des sujets différents. Le livre 1 est le livre des épigrammes chrétiennes, le livre 5 est composé par des épigrammes érotiques et le livre 12 est la « Muse garçonnière de Straton de Sardes ». En plus, dedans les livres les thèmes des épigrammes varient aussi. Le livre 5 contient des épigrammes qui louent le dieu Éros, d’autres qui décrivent une relation sexuelle et d’autres encore qui pleurent un amour perdu. Assim, une épigramme est érotique lorsqu’elle a Éros comme personnage ? Faut-il parler de l’amour ? Il n’y a pas de réponse définitive à ces questions. Les épigrammes du livre 5, même si elles sont toutes regroupées sous l’appellation « épigrammes érotiques », abordent des thèmes différents.

Si la tragédie est une « imitation d’une action sérieuse et complète » (Aristóteles 2003), l’épigramme ne peut pas être définie par rapport à ce qu’elle « imite ». L’épigramme n’a pas une téléologie claire comme la tragédie. Purifier la terreur et la piété est la finalité d’une pièce tragique, mais une épigramme ne veut rien purger. Il n’y a pas de thème spécifique dans l’épigramme, il n’y a pas non plus de type d’action spécifique à imiter. La multiplicité est un élément intrinsèque du genre. Or, Emmanuel Fraisse (1997) postule que les caractéristiques d’une anthologie sont l’organisation et la multiplicité des textes et des auteurs. L’épigramme dénote aussi cette multiplicité originelle, dont la conséquence est aussi l’inexistence d’une définition qui couvre tous les aspects d’une épigramme. Ainsi, souvent on affirme que l’épigramme doit remplir au moins deux de ces trois éléments : mètre, longueur ou thème. Malheureusement, ce n’est pas suffisant. La 1.10, par exemple, n’est ni une composition brève ni un distique élégiaque et elle n’est pas non plus attribuée à un poète connu par écrire des épigrammes. En réalité, elle est un texte anonyme. Est-ce qu’elle n’est donc pas une épigramme ? Non, elle en est une, en raison du critère pragmatique basé sur l’idée de stigmergie.

Stigmergie (en écriture)

D’abord nous proposons que la relation entre anthologie et épigramme est stigmergique. Nous nous sommes tournés vers les travaux d’Ollivier Dyens (2012) pour aborder le concept de stigmergie. La stigmergie est présente dans la relation entre l’élément individuel et le tout. Elle se produit lorsque le sens et la cohérence de l’élément individuel découlent de la structure temporelle et spatiale de l’ensemble. Selon le glossaire du magazine Interstices (Interstices s. d.), le concept de stigmergie a été créé par le biologiste Pierre-Paul Grassé en 1959 alors qu’il étudiait la construction du nid chez les termites. Selon le biologiste, « la coordination des tâches et la régulation des constructions ne dépendent pas directement des ouvriers, mais des constructions elles-mêmes. L’ouvrier ne dirige pas son travail, il est guidé par lui » (Pierre-Paul Grassé, 1959. Disponible ici).

Le concept de stigmergie dévoile que les épigrammes créent l’œuvre AG autant que l’AG nous donne un concept d’épigramme. C’est une voie à double sens. Il y a certainement des épigrammes en dehors de l’AG, mais en termes absolus, elles sont largement minoritaires. La plupart des épigrammes que nous possédons sont celles qui sont inscrites dans l’AG et ces épigrammes ont survécu parce qu’ils sont inscrits à l’Anthologie. C’est un cas de dépendance entre les objets. Il n’y a pas une Anthologie Grecque sans qu’ait des épigrammes, et sans l’Anthologie Grecque il n’y aurait pas un genre épigrammatique à étudier.

Les compilateurs de AG avaient accès à des anthologies d’épigrammes plus anciennes. Parmi ces ouvrages, ils ont probablement sélectionné pour l’AG les épigrammes qui, selon eux, correspondaient le mieux à leur définition de l’épigramme. Étant donné que les sources utilisées par les anthologistes de l’AG n’ont pas survécu et que l’AG est la plus grande collection d’épigrammes à laquelle nous ayons accès aujourd’hui, ce que ces compilateurs ont défini comme une épigramme devient le modèle de ce qu’est une épigramme. Les textes qui ne répondaient pas aux critères de ces artisans n’étaient pas inclus dans l’AG, et ces autres textes n’ont pas survécu. C’est donc le texte qui se trouve dans l’AG qui donne les définitions de ce qu’est une épigramme. C’est un cycle qui se nourrit de lui-même.

La stigmergie dévoile l’épigramme comme un genre textuel. La superstructure textuelle — les titres, les scholies, le format du texte — est une conséquence de l’organisation du manuscrit palatin (Alan Cameron 1993). Denise Malrieu affirme que la structure graphique prototypique du genre guide la lecture (Malrieu 1994). Par exemple, titre et indication d’auteur, même quand anonyme, sont des éléments caractéristiques d’une épigramme parce qu’ils sont toujours présents à l’AG. Le fait qu’un texte singulier présente des caractéristiques communes à d’autres textes produits à des contextes similaires est l’indice du genre textuel.

Comme les métriques, les thèmes et les médias divergent parmi les épigrammes, souvent appartenir à l’AG est le seul lien commun parmi ces textes. Par exemple, l’épigramme 1.9 est un hexamètre, chrétienne, ecphrastique et anonyme ; par contre la 5. 49 est un distique élégiaque, érotique et de Tudicius Gallus. En plus, la première épigramme est byzantine, la deuxième est de la période de la Grèce romaine. Ces deux textes ont surtout des différences que des similitudes. Mais les deux sont des épigrammes une fois qu’ils appartiennent à l’AG. L’épigramme est l’unité atomique de l’AG, elle est l’élément primordial de l’œuvre, mais être à l’AG est aussi une composante des épigrammes.

La difficulté de définir le genre tient à son caractère non unitaire. Depuis l’Antiquité, il n’existe pas de définition unique et incontestée de l’épigramme. Il n’existe pas de traité d’Aristote ou d’un autre philosophe sur le sujet. L’épigramme grecque diffère de l’épigramme latine. Les thèmes sont variés et vont de l’amour aux suppliques aux dieux, des vœux aux chagrins funèbres. Les mètres sont également multiples, même si le distique élégiaque est prédominant. Compte tenu de cette multiplicité inhérente, et en se rappelant qu’une anthologie est également multiple par nature, le critère de la stigmergie est celui qui convient le mieux pour définir le genre dans cette œuvre. Ainsi, AG et épigramme sont des concepts indissociables. L’Anthologie Grecque et les épigrammes s’influencent et se créent mutuellement.

En guise de conclusion, nous avons mis en évidence certaines des affordances traditionnelles de l’épigramme. L’expressivité poétique et la volonté de synthèse sont des éléments associés à la brièveté récurrente de certaines épigrammes. Cependant, comme nous l’avons souligné, il existe des épigrammes longues, mais ce sont des exceptions reconnues comme appartenant au genre épigrammatique du fait qu’elles ont été incluses dans des anthologies. Les épigrammes longues révèlent le critère stigmergique en action. Il existe une relation circonstancielle dans les épigrammes. En raison de la nature épigrammatique et ekphrastique de ces textes, l’épigramme est souvent liée à un objet, un fait ou un individu. Les épigrammes travaillent constamment avec l’antithèse, le parallélisme, le jeu de mots et d’autres structures duales. Le distique élégiaque lui-même est un exemple de cette dualité de l’épigramme. Enfin, la stigmergie, qui signifie que l’inclusion dans un recueil d’épigrammes est le critère principal pour définir le genre. Si un texte donné est inclus dans une couronne d’épigrammes, il s’agit donc d’une épigramme, indépendamment de sa longueur, de son mètre ou de son thème.

L’éditorialisation et l’anthologie

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  1. À ce sujet, la consultation de l’article de Watkins intitulé « Notes on the media crisis » (Watkins s. d.) est recommandée. Il est disponible ici↩︎

  2. « Feindre est le propre du poète.
    Car il feint si complètement
    Qu’il feint pour finir qu’est douleur
    La douleur qu’il ressent vraiment.
    Et ceux qui lisent ses écrits
    Ressentent sous la douleur lue
    Non pas les deux qu’il a connues,
    Mais bien la seule qu’ils n’ont pas.
    Ainsi, sur ses rails circulaires
    Tourne, captivant la raison,
    Ce tout petit train à ressorts
    Qui a reçu le nom de cœur. » Traduction de Patrick Quillier (Pessoa et Quillier 2001).↩︎

  3. « J’ai tenu au-dessus de mon lit, jambes écartées, Doris aux fesses de rose et dans la fraîcheur de sa chair fleurie je me suis senti immortel. Me tenant serré entre ses jambes magnifiques, elle parcourut sans défaillance la longue course de Cypris. Elle me regardait avec des yeux langoureux, dont l’éclat scintillait, pendant ses ébats, comme la feuille au vent ; et le jeu continua jusqu’à ce que notre blanche vigueur fût épuisée et que Doris finit par rester étendue, les membres inertes. » Traduction de (Waltz et al. 1928)↩︎

  4. En ce qui concerne les redondilhas, voir (Rodrigues 2021)↩︎

  5. Pour une lecture des éléments lexicaux présents dans le poème, voir (Klausberger 1994)↩︎

  6. L’hexamètre dactylique est composé par 6 dactyles, où le dernier est forcement un spondée. Le dactyle est le pied formé par une syllabe longue suivi de deux syllabes brèves ― ⏑ ⏑.↩︎

  7. Le pentamètre est composé par deux demi-hexamètres, et une césure obligatoire entre eux. Sa forme est ―⏔ ―⏔ ― | ―⏑⏑ ―⏑⏑ ―.↩︎

  8. L’aulos est l’instrument caractéristiques des fêtes à Dionysos. Selon le Bailly (Bailly et al. 2000) , l’αὐλός désigne tout instrument à vent, mais particulièrement la flûte.↩︎

  9. Il faut aussi remarquer qu’Apollon est le joueur mythique de la lyre. L’opposition entre le dionysiaque et l’apollinien soulignée par Nietzsche dans « La naissance de la tragédie » (Nietzsche et Denat 2015) se retrouve ici dans l’utilisation des instruments de musique.↩︎

  10. Le syllogisme est l’argument dialectique correspondant, en rhétorique, à l’enthymème (Rhétorique I.2.8 - 2.11). Il est constitué de deux phrases dont la seconde affirme ou nie ce qu’indique la première. En plus de désigner le syllogisme, Συλλογισμός peut aussi se traduire par « déduction ». (Larose 2021).↩︎

  11. ἢ τίς ὁ καὶ τεύξας
    ὑμνοθετᾶν στέφανον;
    ἄνυσε μὲν Μελέαγρος, ἀριζάλῳ δὲ Διοκλεῖ
    μναμόσυνον ταύταν ἐξεπόνησε χάριν.

    « qui donc, pourrais-je dire encore, a tressé cette couronne de poètes ? Celui qui l’a faite, c’est Méléagre ; et c’est à l’illustre Dioclès qu’il adresse ce souvenir, c’est pour lui qu’il a composé cette magnifique offrande »(Waltz et al. 1928)↩︎

  12. « et beaucoup d’autres fleurs encore, mais, celles-là, inédites » (Waltz et al. 1928)↩︎

  13. ἀντανέπλεξα τοῖς Μελεαγρείοις ὡς ἴκελον στεφάνοις (4.2 vv. 3-4)
    « et j’en ai à mon tour tressé une couronne, pareille à celle de Méléagre. » (Waltz et al. 1928)↩︎

  14. ἕτερος στέφανος Φιλίππου Θεσσαλονικέως, ὃν ἐποίησεν κατὰ μίμησιν Μελεάγρου
    « c’est une autre couronne, celle de Philippe de Thessalonique, qu’il a fait en imitant Méléagre » (notre traduction)↩︎

  15. Il faut dire que ces limites sont délimitées de façon arbitraire. Bien sûr, l’origine archaïque des épigrammes est un consensus parmi les chercheurs ; par contre, stipuler la limite finale comme l’ère byzantine est un choix que nous avons fait. Comme le Byzantin Céphalas est vu comme l’anthologiste primaire de l’Anthologie Palatine, on a choisi l’Empire byzantin comme limite temporelle.↩︎

  16. Dans l’AG, les livres dédiés aux épigrammes votives et funéraires sont respectivement les livres VI et VII.↩︎

  17. Du grec, formé par le préfixe ἐπί — sur, dessus — et le verbe γράφω - écrire, graver↩︎

  18. Εἰς τὸ κιβούριον τῆς ἁγίας Σοφίας Scholion 1.1.1↩︎

  19. Présente, par exemple, dans l’épigramme 5.5 et dans toute la microanthologie de la « Lampe qui témoigne de l’amour ».↩︎

  20. Comme les 76 hexamètres de l’épigramme 1.10 ou dans le distique élégiaque 1.13↩︎

  21. Les épigrammes 9.713-42 et 9.793-98.↩︎

  22. Comme le souligne Squire (2010), cette attribution est manifestement erronée ou frauduleuse, puisque chronologiquement Anacréon est antérieur à Myron.↩︎