Compte-rendu critique du chapitre 6 : « Wiki, boîte à outils ou de Pandore? »
Sandrine Julien
Département des littératures de langue française
2104-3272
Sens public 2019/10/31

Introduction

Le sixième chapitre du collectif Expérimenter les humanités numériques traite de la technologie wiki. Les deux auteurs de « Wiki, boîte à outils ou de Pandore? » sont des maîtres de conférences et des enseignants chercheurs qui s’intéressent au traitement de l’information et au numérique. Dans ce texte, ils présentent le wiki, non pas comme un simple espace d’écriture collaborative, mais comme un outil efficace pour la recherche en sciences humaines et sociales. Chagnoux et Humbert montrent que le wiki peut dépasser les fonctions auxquelles il est habituellement associé et jouer un rôle crucial dans le travail des chercheurs. Les auteurs illustrent leurs propos à l’aide d’exemples, de descriptions des outils du wiki et de témoignages de membres du projet Publictionnaire.

Propos de l’ouvrage

Thèse de l’ouvrage

Le texte présente les outils wikis comme des moyens de production et de gestion performants et utiles au travail des chercheurs. Les auteurs annoncent qu’ils ne présentent ni une histoire du wiki, ni le mode d’emploi des outils, ni les théories soulignant les avantages d’une activité collective. Ils souhaitent plutôt démontrer que la structuration, les interfaces WYSIWYG et le suivi des modifications facilitent le travail et la circulation sur le wiki et font de lui un outil nécessaire.

Thèmes abordés et sources

Les divers éléments expliqués dans le chapitre décrivent tous le wiki et permettent aux lecteurs d’avoir une vue d’ensemble sur les outils servant au travail des chercheurs. Chagnoux et Humbert se servent de Publictionnaire (http://publictionnaire.huma-num.fr/) pour donner un exemple de projet basé sur la technologie wiki et de ses rédacteurs pour recueillir des témoignages. Le texte décrit les trois principes fondamentaux du wiki1, c’est-à-dire la création et la modification, la structuration ainsi que la gestion du contenu et annonce en quoi ces actions sont facilement réalisables par les utilisateurs. Les deux auteurs s’intéressent aussi à la typologie propre à la mise en place des wikis exposant ainsi la variété des options s’offrant aux utilisateurs (wikis de bureau, fermes de wiki, applications hébergées, logiciels institutionnels, etc.). Tous les sujets abordés et les notions définies servent donc à montrer que les usages des outils wikis permettent de structurer la recherche en sciences humaines et sociales. Les entretiens en fin de texte présentent certaines craintes des utilisateurs et les bénéfices, tels qu’une complémentarité des contributions et une meilleure gestion du temps et de l’espace, qu’ils ont retirés à travailler sur un projet géré et édité par un wiki. Les auteurs, conscients de ne pouvoir faire qu’un portrait général des usages de la technologie wiki, citent plusieurs articles et guident ainsi les lecteurs vers d’autres textes traitant, entre autres, du wiki comme instrument de coopération et comme objet dans la découverte des espaces2 ainsi que de l’écriture collaborative3.

Structure de l’ouvrage

Méthodologie

Au début du chapitre, Chagnoux et Humbert annoncent leurs intentions en faisant une présentation générale du wiki et en soutenant la nécessité de dépasser la vision classique que plusieurs personnes ont de celui-ci. Les auteurs délaissent plusieurs thématiques pour mettre l’accent sur le fait qu’il s’agit d’un outil, et non pas uniquement d’un objet ou d’un instrument. Ils annoncent ensuite ce qu’ils feront et les sujets qu’ils éviteront dans le texte. Ils laissent donc de côté l’histoire du wiki et les théories qui lui sont associées pour se concentrer sur ses principes, son langage et sa structuration. La plasticité, la relative technicité et l’espace vierge que représente un wiki demandent certaines connaissances qui sont expliquées dans leurs paragraphes respectifs. Chaque section du texte est introduite par un sous-titre présentant un aspect important du wiki en lien avec son usage comme outil de recherche. Le caractère réversible, la possibilité de visionner les différentes versions grâce à l’historique, l’espace de discussions et l’accès à diverses ressources sont décrits comme des avantages servant au travail scientifique réalisé par plusieurs collaborateurs4. Les entretiens avec les participants du dictionnaire encyclopédique concluent le chapitre et donnent l’occasion aux lecteurs de découvrir d’autres points de vue que celui des auteurs sur cette technologie.

Objectif

L’intention des auteurs du chapitre « Wiki, boîte à outils ou de Pandore? » est clairement annoncée dès le début du texte. Ils veulent montrer que l’utilisation des « wikis permet de disposer d’un outil polyvalent qui répond parfaitement aux différentes facettes du métier de chercheur en SHS » (Chagnoux et Humbert 2018, 64) et que l’emploi du wiki va au-delà d’un travail d’édition collaboratif.

Critique

Une réponse au titre

Le chapitre est introduit par une question à laquelle les auteurs tentent de répondre tout au long du texte. Il est donc pertinent de s’intéresser au choix qui s’offre à ceux qui consultent cette section du collectif quant à savoir si le wiki est un ensemble d’outils efficaces ou un instrument inutilement complexe qui nuit au travail des chercheurs qui s’en servent. L’importante dichotomie entre l’idée de boîte à outils et celle de Pandore encourage les lecteurs à percevoir comme pertinents et nécessaires les usages du wiki. L’aspect désastreux associé à l’expression « boîte de Pandore » aiguille ceux qui lisent le chapitre à opter pour la première option qui leur est proposée dans le titre. Travailler avec les outils wikis ne déclenche certes pas une série d’événements catastrophiques et n’amène pas une multitude de malheurs, mais il n’en demeure pas moins que certains entretiens témoingnent d’inquiétudes face à l’utilisation de cette technologie. Dans son livre portant sur Wikipédia, le philosophe français Foglia soutient que « les chercheurs expérimentés pensent que l’outil encyclopédique peut faire partie de la culture générale, mais ne le considèrent jamais comme source primaire » (Foglia 2008, 118). Une méfiance face à l’aspect collaboratif et libre du wiki lui semble donc indissociable, d’autant plus que, comme tout outil, il demande un certain savoir technique. Les connaissances nécessaires sont clairement présentées et elles demandent une période de temps avant d’être acquises. Cependant, une fois les outils wikis maîtrisés, ceux-ci, comme le montrent Chagnoux et Humbert, deviennent pertinents pour le travail des chercheurs en SHS. Malgré la réticence de quelques personnes à utiliser cet instrument, le wiki s’est révélé être un outil de production et de gestion permettant aux spécialistes en sciences humaines de travailler avec le numérique.

Les témoignages

Les entretiens avec les participants de Publictionnaire, dirigé par un collègue ne contribuant pas au projet, donnent de la crédibilité au texte puisqu’ils appuient les propos tenus par les deux auteurs. Il s’agit d’un moyen pour Chagnoux et Humbert de montrer que les craintes des utilisateurs sont pratiquement toutes liées à une peur de l’inconnu. Les témoignages n’apportent aucune nouvelle notion, mais ils permettent de rendre compte de l’expérience d’utilisateurs et de donner de l’autorité à la thèse fondée par les auteurs en fournissant des exemples concrets aux lecteurs. De plus, en incluant des commentaires d’usagers incertains de la pertinence du wiki, les deux enseignants chercheurs semblent faire preuve d’impartialité, ce qui indique une certaine rigueur dans leur méthode. Leur discours ainsi que les témoignages présentent donc le wiki de la même manière, c’est-à-dire tel un outil numérique auquel les utilisateurs doivent s’adapter, mais qui permet un travail de gestion et de production de contenus qui dépasse la simple édition.

Conclusion

Finalement, le chapitre intitulé « Wiki, boîte à outils ou de Pandore? » montre que le wiki est un outil répondant à un besoin en sciences humaines et sociales. Il permet de gérer et créer du contenu en collaboration avec d’autres chercheurs et plusieurs fonctions, telles l’accès à l’historique des versions et la possibilité d’ajouter des liens, facilitent le travail effectué. Chagnoux et Humbert terminent leur texte en venant à la conclusion que le wiki ne contient peut-être pas une multitude d’outils, mais que ce serait lui, en tant que tel, qui est un méta - outil efficace et multifonctionnel.

1299 mots

Bibliographie

Caby-Guillet, Laurence, Samy Guesmi, et Alexandre Mallard. 2009. « Wiki professionnel et coopération en réseaux. Une étude exploratoire ». Réseaux 154 (2). https://doi.org/10.3917/res.154.0195.
Chagnoux, Marie, et Pierre Humbert. 2018. « Chapitre 6. Wiki, boîte à outils ou de Pandore ? ». In Expérimenter les humanités numériques : Des outils individuels aux projets collectifs, édité par Étienne Cavalié, Frédéric Clavert, Olivier Legendre, et Dana Martin, 63‑79. Parcours numérique. Montréal: Presses de l’Université de Montréal. http://books.openedition.org/pum/11112.
Delacroix, Jérôme. 2005. Les wikis: espaces de l’intelligence collective. M21 Editions.
Flower, Linda, et John Hayes. 1981. « A Cognitive Process Theory of Writing ». College Composition and Communication 32. https://doi.org/10.2307/356600.
Foglia, Marc. 2008. Wikipedia, média de la connaissance démocratique?: quand le citoyen lambda devient encyclopédiste. FYP editions. https://books.google.ca/books?id=l-IAAz91zysC.
Simondon, Gilbert. 1958. Du mode d’existence des objets techniques. Paris: Aubier et Montaigne.

  1. Voir (Delacroix 2005)↩︎

  2. Voir (Simondon 1958)↩︎

  3. Voir (Flower et Hayes 1981)↩︎

  4. Voir (Caby-Guillet, Guesmi, et Mallard 2009)↩︎