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Projet de recherche

Pragmatique, pratique et politique de l’interprétation littéraire algorithmique

Si vous êtes inscrit à un programme de doctorat, vous devez : - [x] préciser le niveau actuel de vos études supérieures; - [x] préciser où vous en êtes dans la préparation de votre thèse/projet de recherche; - [x] donner le nom du directeur de vos études de doctorat, s’il y a lieu; - [ ] fournir un aperçu du sujet de votre thèse/projet de recherche, y compris : - [ ] les questions sur lesquelles portera la recherche, - [ ] son contexte, - [ ] ses objectifs, - [ ] sa méthodologie, - [ ] son importance et - [ ] sa contribution prévue à l’avancement des connaissances; - [x] préciser ce que vous espérez réaliser pendant la période de validité de la bourse et les étapes qu’il vous restera à accomplir.

Je débute cette session mon doctorat en littérature - option humanités numériques, avec l’opportunité de prendre un rôle de leadership dans un projet phare de la Chaire de recherche sur les humanités numériques. Je serai donc au coeur du développement du projet Anthalgo qui cherche à définir formellent le concept littéraire de la variation à l’aide de méthodes algorithmiques. Ce sujet est proche du sujet de mon mémoire dans lequel j’ai défendu l’idée que l’herméneutique n’est pas limitée à la cognition humaine en créant des parallèles entre la lecture et la modélisation, puis entre l’interprétation et l’inférence. Plus précisémment, j’ai d’abord considéré la lecture humaine et la lecture algorithmique comme deux formes de modélisation, dont les outils et la forme différèrent entre la cognition et la computation, mais qui sont tout de même capable de générer des représentations non-textuelle des écrits littéraires. J’ai ensuite réduit certaines formes d’interprétations littéraires humaines à la des inférences inductives et à l’abduction, deux méthodes logiques ayant leurs équivalents numérique sous la forme de l’inférence bayésienne et de l’induction logique formelle. Mon mémoire m’a amené à dire que l’interprétation littéraire numérique est possible, bien que des différences intrinsèques entre la cognition et la computation, et entre la sémiotique et la cybersémiotique nous forcent à considérer que les découvertes de l’algorithme ne soient pas du même registre, paradigme ou domaine que les découvertes de l’être humain. Cette distinction entre le savoir humain et celui généré à partir de méthodes, d’outils, de présuppositions et de dynamiques computationnelles, loin de me décourager, m’amène à me demander quels savoirs qui excèdent les limites de la cognition ou existent dans un domaine qui nous est complètement Autre peuvent ainsi être découverts. C’est ce sujet même que je compte explorer au cours des prochaines années, d’abord par la définition formelle de concepts littéraires comme dans le cas d’Anthalgo, puis dans l’exploration de corpus que je maîtrise à l’aide de techniques d’analyse du discours dont les fondations sont des présuppositions mathématiques et qui permettent une modélisation Autre du texte. L’approche ici proposée ne retire pas le chercheur du processus d’interprétation, mais lui permet d’analyser le texte de façon nouvelle, c’est-à-dire de voir une réduction dimensionnelle du texte, tout en étant en contrôle de celle-ci : l’interprétation littéraire algorithmique est une fenêtre nouvelle sur le texte. Ce travail théorique m’apparaît comme un cadre solide pour la poursuite de mes études au niveau doctoral que je poursuivrais sous la direction de Marcello Vitali-Rosati (Chaire de recherche sur les humanités numériques) et de Dominic Forest (École de bibliothéconomie et des sciences de l’information) : de l’idée d’une interprétation littéraire numérique doit naître une pratique concrète. Une telle tâche demande une expertise à la fois computationnelle et littéraire, c’est donc avec plaisir que j’aurai l’occasion de travailler avec la Chaire de recherche sur les humanités numériques sur leur projet Anthalgo. Je prendrais à l’automne un rôle de leadership dans cette collaboration entre chercheurs en études classiques et en humanités numériques dans un effort pour définir formellement à l’aide de méthodes numériques le concept de variatio dans l’Anthologie Palatine qui rassemble quelques 4500 épigrammes. Cette expérience sera la première dans mon effort pour investiguer la production de sens à partir d’algorithme, les prochaines années m’amèneront à appliquer le cadre théorique de ma maîtrise sur quatre corpus pour lesquels mes compétences littéraires (et celles de mes collègues dans le cas de l’Anthologie grecque) se mêleront à mes compétences computationnelles :

  1. Définition : variatio dans l’Anthologie Palatine ;
  2. Classification : nouveau paradigme de division des pièces de Shakespeare ;
  3. Partition : étude des archétypes de genre par aggrégation (clustering) dans les corpus Eighteenth Century Collection Online et Contemporary Novel Data Set : une approche comparatiste.
  4. Exploration algorithmique libre : Espace, langue et vêtement dans le Montréal d’Heather O’Neill

Une pratique Digital Criticism est intrinsèquement liée à des enjeux politiques et épistémologiques ; chaque étape–la sélection du corpus, la modélisation, la conceptualisation, les inférences, l’analyse, l’interprétation…–est intimement interrelié à des notions d’éthiques et d’épistémologie que je n’ai pas eu le temps d’aborder durant mon mémoire. Mon projet de thèse s’appuiera ainsi sur la pensée que j’ai pû développer au cours des deux dernières années tout en ouvrant plusieurs avenues de recherche qui importe autant pour moi que pour ce nouveau champ d’étude de l’interprétation algorithmique.

J’espère finir ma scolarité à la session d’été 2023 et accomplir mon examen de synthèse au début de l’hiver 2024 ; mon travail sur le projet Anthalgo me servira de tremplin pour effectuer d’autres expériences de Digital Criticism au cours des années 2024 et 2025. La pratique, en conjonction avec mes choix de cours et des congrès auquels j’aurai la chance de participer (ou même d’organiser dans le cadre de la chaire, de la Société Canadienne pour les humanités numériques et d’autres initiatives étudiantes) me permettra de compléter une théorie complète de l’interprétation littéraire algorithmique, ce qui incluera une section sur l’éthique des études de corpus et de la fouille de texte, ainsi que sur les limites pragmatiques et épistémologiques de l’interprétation littéraire algorithmique. Je suis particulièrement heureux de pouvoir dire que la plupart de mes projets m’amèneront à collaborer avec d’autres acteurs du champ des humanités numériques, un domaine dans lequel la figure du chercheur solitaire tient pas.

Hayles, N. Katherine. 2019. « Can Computers Create Meaning? A Cyber/Bio/Semiotic Perspective ». Critical Inquiry 46. The University of Chicago.
Ramsay, Stephen. 2011. Reading Machines. Champaign: University of Illinois Press.