« Mais étaient-ce des signes ? »[^1]
Réflexion sur les intimités entre texte et image
Margot Mellet

L’origine

Outre les spéculations sur le modèle humain à l’origine de la création et les hypothèses sur l’incomplétude du tableau, L’Origine du monde de Courbet (1866) se définit comme une œuvre qui associe autant le mot, l’image que la mise en scène. Décrite par ses premiers commentateurs avant son exposition au public comme un tableau de petite taille caché derrière un voile vert1, cette création ne semble pas pouvoir se départir de la dimension déterminante de son titre : provocation au voyeurisme ontologique, L’Origine du monde n’est pas seulement la représentation du nu dans toute la symbolique qu’on peut lui assigner mais bien le cas d’une impossible dissociation entre le texte et l’image. Si l’audace du pinceau de Courbet, qui montre ce qu’une peinture académique s’évertuait à cacher et participe ainsi – avec Manet notamment – d’une révolution picturale, est une composante indéniable du tableau, c’est qu’elle permet de se questionner sur la fonction du peintre (dans sa définition lacanienne de livrer à la vue le fantasme enseveli2) ou la fonction du spectateur (qui voit autant qu’il est vu par la peinture). Or les lettres assignées au tracé font de la contemplation – qui sinon relèverait davantage d’un voyeurisme – une quête : l’image puise la violence et certainement la beauté de son sens dans les mots qui l’intitulent. Ce sentiment d’être chacun·e visé·e dans sa condition humaine et de découvrir notre origine – et le premier voile sert à nous interroger sur les possibilités graphiques d’une telle origine – est moins du fait de l’image ou du texte que de leur embrassement. L’origine du monde se trouve en effet dans cet entre-deux, entre la représentation de ce que l’on ne montre pas et le titre qui l’érige au rang d’universel. Tout le geste du dévoilement, qu’incarnait le premier voile vert, est alors un geste de compréhension d’une relation entre deux registres de signes3.

L’entrée en matière par l’origine introduit un trio (texte, image, installation) que rejoue aujourd’hui l’écran moderne avec une nouvelle vivacité et une fluidité des frontières en instanciant des caractéristiques de mouvement et de luminosité4. L’intrication de ces états du signe peut donc être appréhendée moins en terme de supports ou de média qu’en terme de pensées et perspectives sur les espace d’inscription. Au-delà des distinctions image/texte qui, si elles servent aux théories et analyses pour délimiter une expertise, reportent un regard sur la question d’une institution, se noue une recherche de l’être dans ce qui le lie au monde. Si les pensées de l’interartialité se sont accordés sur une certaine porosité entre pratiques artistiques (interagissant par des processus d’absorption, de passage, d’appropriation ou de recyclage5), la question déployée ici est moins celle de nommer des phénomènes – qui n’ont de plus pas attendu le concept ou même l’époque moderne pour émerger – par un principe d’hybridité ou d’interdisciplinarité mais plutôt d’évacuer leur dissociation. La quête de l’origine se mène en dépassant la distinction des registres d’inscription, c’est du moins ce que nous souhaitons ici étudier au travers de plusieurs exemples de créations qui, loin de représenter à eux seuls une exhaustivité des rapports entre image et texte, lèvent le voile sur plusieurs aspérités de l’être dans son geste d’expression.

L’invention de la surface

Image et texte, régime du visible et du lisible sont communément distingués – parfois jusqu’à l’opposition – comme deux domaines d’expression, justifiant ainsi deux institutions et expertises : les Études littéraires et les Beaux-arts. Les schémas majoritaires de la mise en relation texte/image héritent en quelque sorte de cette démarcation. Caractérisés par un principe de subordination, ces schémas idéalisent la présence de l’un au profit de la disparition de l’autre : l’illustration place l’image en complément d’une idée du texte tandis que la légende fait du texte un composé descriptif ou informel mais bien secondaire. Lettrines, calligrammes et arts graphiques de la lettre sont justement à comprendre comme des dépassements d’une hiérarchie texte-image pour instaurer un modèle de cohabitation. Par ces « belles » lettres s’affirment au moment de leur apparition des pratique de création volontairement en résistance à un certain académisme. Leur revandication parce qu’elle embrasse la dualité évacue la question « qui du texte ou de l’image doit être saisi en premier ? » pour se concentrer sur le signe à l’origine. Les perceptions d’une hiérachie texte/image sont peut-être moins le fait direct de modes opératoires des institutions artistique qu’un symptôme d’une distinction plus profonde, d’un a-priori de la trace qui affirme que écriture et image ne s’accordent pas sur le même principe et constituent même deux généalogies : « [L]’écriture est née de l’image […] l’image elle-même était née auparavant de la découverte – c’est-à-dire de l’invention – de la surface : elle est le produit direct de la pensée de l’écran6. »

Spécialiste de l’histoire de l’écriture et des relations entre texte et image, Christin parle ici d’écran au sens large, soit comme l’espace où l’inscription et la diffusion coexistent. Comme elle le souligne dans son ouvrage L’image écrite, plus qu’une cohabitation au hasard des créations, texte et image sont intimement et génétiquement liés puisque la puissance et la structure de l’écriture proviennent de la valeur graphique du support7. Le signe est d’abord une question d’incarnation matérielle avant d’être celui d’une registre d’appartenance. Dépasser la hiérarchique antagonie entre image et écriture implique de dépasser une certaine recherche de l’esthétique : ce qui ne signifie cependant pas, autre dualité infernale qui détermine et normative nos analyses, que la quête est alors celle du vrai. Refusant la thèse de la raison graphique, notamment représentée par les travaux de Goody8, Christin critique le principe de filiation verbale de l’écriture qui a eu pour conséquence de condamner une approche heuristique du signe :

[la thèse de filiation verbale] a entraîné pendant des siècles l’occultation quasi complète des fonctions graphiques du système, au point qu’elle a empêché les théoriciens les plus récents qui tentaient de dégager l’écriture de ses apriorismes linguistiques de conduire leur démonstration jusqu’à son terme.9

Le pendant d’un conditionnement de l’image est également souligné par la sémiologue en référence à l’idéalisme de Leroi10 participant à reproduire un préjugé de la philosophie occidentale : au XVIIIe siècle, lors de la formation de la notion d’esthétique, la Renaissance a institué la peinture comme cosa mentale, menant à la conception de l’image comme principe de matière et donc à la distinction entre Littérature, comme art du temps, et Arts plastique, comme arts de l’espace11.

La raison dans cette approche du signe est déconditionnée (ou serait dédomestiquée dans la perspective de Goody) non seulement pour remettre en question une supériorité de l’écrit et de ses structurations (comme la liste ou le tableau), sur laquelle une tradition humaniste s’est fondée, mais également un modèle culturel qui dématérialise ou idéalise un principe de connaissance.

Au cœur des travaux de Christin se trouve sans étonnement un intérêt pour les dynamiques de synergie qui permet de comprendre l’écriture dans l’épaisseur du visible et dans une pluralité d’instances.

Défendre l’origine iconique de l’écriture n’est pas éliminer de sa genèse le langage, bien au contraire : c’est s’opposer seulement à la thèse selon laquelle cette origine ne serait due qu’à un agent unique, c’est défendre le caractère fondamentalement double de ses sources.12

Par l’étude des relations entre écriture alphabétique et écriture idéo-picto-phono-graphique, Christin définit le texte hors d’un figement dû à un régime d’inscription. L’écriture comme l’image sont un mouvement de la trace qui évolue entre détermination du support, logique visuelle et organisation de l’espace. Ce sol commun est justement ce qui transparaît du parcours artistique de Michaux, allant de l’écriture au tracé, puis du signe au trait.

La lecture des signes

Oscillant entre la lettre et l’esquisse, la marque de Michaux a rencontré le support dans une recherche non d’une interdisciplinaire mise en relation de deux registres d’inscriptions (à l’instar du calligramme) mais en quête d’un élément bien plus fondamental : le mouvement. Le déploiement du geste correspond dans sa pratique à une progressive délivrance, d’abord vis-à-vis de l’aliénant impératif du discours (ou celui d’une raison graphique), ensuite vis-à-vis d’une logique productiviste du tracé en lui-même. Au prémisces de ce parcours, passage peut-être obligé de la libération du poignet, c’est tout d’abord une forme de référentialité – entre ce qui a été dessiné et ce que l’on peut en dire – que l’on rencontre13. Le poème « Dessins commentés » a en ce sens un statut particulier au sein du recueil La Nuit remue14 : commentaire et prolongement de dessins, il établit une association entre deux modes d’expressions qui sont, dans la création de Michaux, moins à comprendre comme des antagonistes en compétition que des tâtonnements conjoints. La Plume – personnage inventé (Un certain Plume, 1930) et instrument réel – constate sa propre disparition au travers d’une description qui est autant moqueuse de sa propre imprécision qu’elle invoque une ekphrasis.

Cet amas de têtes forme plus ou moins trois personnages qui tremblent de perdre leur être ; sur la surface de la peau les yeux braqués brûlent du désir de connaître; l’anxiété les dévore de perdre le spectacle pour lequel ils vinrent au-dehors, à la vie, à la vie.15

Dans ce poème-commentaire, le lien établi entre les écrits et les traces n’est pas uniquement symbolique ou thématique mais est inhérent à une recherche de ce qui produit le mouvement du corps (pour ne pas dire de l’âme): « [t]el est mon dessin, tel il se poursuit. »16.

Si Michaux tourne le dos au/du papier pour acquérir une liberté de mouvement, cela n’implique pas que les signes dans son système de tracé ne cultive pas une intimité forte avec un récit. Dans Portrait de A. (1930), Michaux développe un signe-image qu’il résume par un unique mot : « boule ». Moi roulé sur lui-même, cercle parfait – qui n’est pas sans évoquer justement un tableau sur papier à l’encre de chine daté de 1970 – le rond ou la ronde est le principe de composition d’un idéal où les mots peuvent tisser des liens véritables entre eux tout comme le trait d’union – qui sera un motif très important dans la dernière période de l’artiste – est ce qui relie l’individu au monde.

De la naissance à la mort, un trait

modèle universel.

Du matin à la nuit

de l’unicellulaire à la baleine

de la cueillette à l’industrie

Traits irréductibles de l’élémentaire,

sans alarmes sans ornements

premier début et dernière des traces

de la tribu à la Société

de la main à l’empire des bureaux

Des traits plus petits que les plus petits, partout

bâtonnets infimes qui échappent à la vue

des traits infiniment savent se répandre, se multiplier

au-dedans des corps humains impuissants

Maîtres des maladies.17

Sa fuite du verbal, qui ne cessera cependant pas de l’accompagner même durant ses années de peinture, est à comprendre comme une invention de signes dont son voyage en Chine de 1931 (Un barbare en Asie) influencera grandement la forme. Les compositions idéographiques trouvent une logique formelle dans la tradition de la calligraphie. Déployant un art du geste, le dessin est un mi-chemin entre silhouette et racine qui d’abord expose l’individu ou un groupe restreint d’individu pour ensuite saisir le mouvement de leur communion.

Michaux, Sans titre, 1960

Dans cette recherche de l’origine du signe, ni le discours ni la ligne ne suffisent tout à faire à saisir le mouvement du corps sans le contraindre à certains impératifs de structure. Poésie et peinture, si elles permettaient de penser une libération, se révèlent finalement être des systèmes analogues d’agression dans la mesure où elles conditionnent à des pratiques et des mécanismes de présence. Essayant d’échapper au figement, la trace rejoint une conscience du signe (Mouvements 1951). La quête des tracés transparaît dans Parcours (1967) où les lignes amorcées progressivement manœuvrent vers leur propre destructuration sous la forme de signe dansants qui eux-mêmes finiront par s’abroger et s’abréger dans le principe du trait.

La progressive densité qui semble se manifester dans le tracé de Michaux peut évoquer justement un détachement vis-à-vis d’une commune logique de l’image ou de l’écrit : celle d’une productivité ou d’un emplissage de la page. Si les premières peintures insistent beaucoup sur la tête ou le visage (termes qui semblent interchangeables pour lui), ce sont principalement des espaces pleins et « hermétiquement noirs »18. Ce noir invasif des premiers temps, comme la dimension bavarde des poèmes, laissera la place au vide, espace qui participe autant du mouvement qu’il est immobile. La dernière composition de Michaux, Par des traits (1984) est un état de l’aboutissement dont l’automatisme a saveur de déclaration surréaliste19. Le geste ayant pris désormais suffisamment d’aisance pour ne plus noicir les lieux par conditionnement de la plume ou du pinceau, peuvent désormais recouvrir une liberté de mouvement et non-mouvement. Cette économie ou épuisement du geste a valeur d’arte povera dans ssa conception du savoir-faire plutôt que de la production.

Ce qui peut apparaître selon les catégories historiques comme une régression dans l’écriture, en passant par le travail de la valeur graphique du signe pour saisir sa substantifique invention, évoque un travail de sémiologue : Michaux comme Christin parviennent à une analogue conclusion, la déraison graphique, celle de considérer le tracé comme une unité élémentaire à partir duquel s’invente le signe. Les multiples plasticités des créations créent ce jeu de l’invention de l’écran au regard de ceux.celles qui observent : « le tableau se fait tablette »20.

Ce qui sera décrit comme « l’invention de l’écran »21 apparaît ainsi comme la condition d’émergence de la différenciation entre trace du visible et du lisible. Par l’entremise de la question de l’outil ou de l’instrument, Michaux comprend le geste comme une conjoncture de son environnement de création. Que l’on considère dans le projet-Michaux la danse du poignet pivot, la musique du pinceau ou la performance du tracé, les catégories artistiques et leurs héritages – même l’influence pourtant déterminante de la calligraphie chinoise – sont mises en suspens au profit d’une recherche du phénomène du signe et qui, par extension, amène à une ré-invention de la page.

Le détournement du lieu

La recherche d’une délivrance de Michaux s’accorde avec l’orientation poétique des calligrammes et notamment ceux du Glossaire de Leiris22 qui souhaite « délivrer les mots de leur mémoire factice – étymologique ou culturelle – et les réinvestir par celle, hasardeuse mais nécessaire à sa création et à sa vie, de celui qui les prononce »23. Si les créations de Leiris rompent avec un héritage qui est celui d’Apollinaire, car il ne s’agit pas comme Corrège d’affirmer « [et] moi aussi je suis peintre »24, c’est que l’auteur se reconnaît davantage dans l’approche mallarméenne de l’écriture qui consiste à réinventer un espace poétique pour en faire le lieu de tous les commencements possibles.

Retour à une essence graphique de l’écriture, le projet littéraire de Mallarmé, et tout particulièrement Un Coup de dès jamais n’abolira le hasard (1897)25, est une restitution du « processus de l’écriture primitive »26 qui aura marqué son siècle par « un mouvement profond de réévaluation et de recréation de la lettre »27. Impacté moins par une poétique littéraire que par l’exploration typographique des journaux papiers, amenant à distendre la page et à jouer de la mesure graphique du signe28, et autres affiches à visée publicitaire composées autant de vides que de traces, Mallarmé invente l’écran sur le papier. Placer l’écriture en liberté implique de se distancier de l’impératif poétique de l’énonciation, figé dans l’imprimé et dans une grammaire littéraire, pour ranimer l’épaisseur du trait et reconstituer son rapport avec ce qui l’entoure dans la page. Les vagues qui assaillissent le récit mallarméen ne trouvent pas leurs mouvements dans les descriptions mais dans les mots et leurs agencements au sein d’un espace de blanc et donc de respiration autant que de quête de lecture : dans un environnement du signe, plus proche du Radeau de la méduse que de La Traversée d’Apollinaire, la progression du poème est déterminée par une disposition qui relève du tableau. Le blanc mallarméen est en ce sens une donnée visuelle du poème : « Les “blancs”, en effet, assument l’importance, frappent d’abord […] [l]e papier intervient chaque fois qu’une image, d’elle-même, cesse ou rentre, acceptant la succession d’autres »29. Christin analyse le poème sur le modèle du ciel, comme une double page ouverte invoquant une lecture divinatoire des signes et procédant à l’invention de la page par la donnée graphique blanche, lieu donc où l’œil interroge la surface et le mouvement des signes.

Dans cet même horizon poétique, Leiris développe dans son Glossaire30 une perspective graphique de l’écriture par la disposition de ses composants. Le mot demeure au centre de la poétique de Leiris mais constitue une donnée plastique, il vise à saisir le support pour faire du geste d’écriture un processus architectural ou, terme plus proche de nos modèles de pensées actuels, un design du signe.

Car le mot seul fascine Michel Leiris. C’est pour en évaluer les prestiges qu’il s’est essayé à l’incarner sous les deux espèces que l’écriture mettait à sa disposition, celles du discours et de la figure.31

Le geste d’écriture, comme dans la conception mallarméenne, est alors un double mouvement : négation de la phrase et investissement du blanc, soit exhiber une forme simple, un dessin évident dans son signifié tout en dissimulant la motivation d’un texte.

Les commentateurs du Glossaire ont tous considéré les calligrammes comme des exercices gratuits. Analysant longuement le volume, Gérard Genette, dans Mimologiques, ne fait jamais allusion à eux. Mépris ? Méprise ? Les deux à la fois sans doute. Et si l’aspect plastique de ces textes est certainement la cause du mépris que manifestent à leur égard les analystes littéraires, Michel Leiris est lui-même, dans une certaine mesure, responsables de la méprise. Ces calligrammes qui ne « commencent » pas et qui ne sont donc pas des phrases (et encore moins des phrases de dictionnaire) peuvent en effet s’interpréter comme de véritables images parce qu’ils comportent des titres. Or l’on sait bien à quoi sert le titre d’un tableau : à rendre possible un discours à son sujet. Il constitue la preuve implicite du fait que le document qu’il commente n’appartient pas à l’ordre du langage mais à une pensée visuelle, à une divagtation muette, à un imaginaire de la matière… Le titre doit permettre d’ancrer l’étrangeté de l’image dans le monde verbalisable. Le titre dit que l’image est hors de lui.32

Les titres de Leiris (comme Fronde et Hache) désignent une forme plastique qui se traduit par une disposition éditoriale : là est la différence entre Apollinaire, le calligramme de Leiris n’est pas une transposition du linguistique vers le graphique mais une recherche de connivence plastique sans visée picturale. L’approche du texte est alors une réinvention de ses principes, autrement « qu’à travers ses conditions de parole »33. Le calligramme Le roc dans l’urne dans le cercle vicieux dans le mur raviné par la double ÉCHELLE34, articule comme une poupée-russe forme et glose. À la différence de l’éparpillement des autres calligrammes comme L’écartelé, la création se déploit tout en demeurant enclose sur elle-même utilisant cinq corps de caractères (lorsque généralement deux à trois étaient présents). L’image est ici une pensée écrite.

Chaque lettre valorisée dans la valeur graphique de son signe devient un mot, l’inscription devenant image, devenant mot. La lecture est ici question de profondeur de l’image

Nous ne lisons pas le mot nous le voyons. […] nous abandonnons à travers lui notre mode de lecture lettre à lettre pour retrouver celui qui apparatient à l’écriture idéographique : cet amour ressemble à ce qu’il dit.35

Marquant les étapes de lectures et donnant la direction, de l’intérieur vers l’extérieur de la composition sémiotique, le titre instaure avec un ton définitionnel ou actant la figuration de chaque lettre. Écrivain visuel, Leiris ne se fait pas peintre, il ne transpose pas, sa poésie demeure dans le signe en détournant la nature jeu graphique de la lettre.

Autre détournement qui fait de l’écriture un support de la donnée graphique, A Humument est un projet de l’artiste britannique Tom Phillips débuté en 1966 qui se présente comme une réédition invasive de A Human Document, roman déjà paru de W. H. Mallock36. L’espace des mots est investi par Phillips pour des compositions graphiques qui, si elles recouvrent au fil des rééditions, de plus en plus de l’espace lisible du roman37, laissent intact quelques mots par page pour recomposer la poétique du récit premier à partir de la matière d’origine.

Nommé « livre altéré »38, le projet ne fonctionne pas tant par cut-ups que par une recherche d’une iconisation de l’écriture car, à la manière d’un palimpseste où « a trace always remains »39, la première inscription participe à la charge graphique du détournement et fait de la page une co-présence de deux valeurs du signe par l’entremise d’un geste de recréation de la page écrite. Réécriture par le tracé et de le dessin, A Humument se présente comme une œuvre d’épaisseur. Les consonnances du titre avec le terme « humus » sont des échos d’ailleurs à un progressif travail du signe et de sa porosité dont les états sont rendus disponibles sur le site de l’auteur40. L’origine de Humument est un principe d’intervention qui tire sa structure autant de l’hybridité de deux modèles d’expression que de leur réunion dans un lieu qui devient alors la scène unique d’une rencontre inter-référentielle. Ce principe de la référence à même le référencié introduit une dynamique de reconnaissance entre modèles de signes ou d’intertextualité : lorsque la littérature cite la peinture (Le portrait ovale de Poe mais la figure de l’ekphrasis) ou que le cinema cite la littérature (Vivre sa vie de Godard), le lien est une mise en scène de la transmission et donc une réflexion sur l’origine des possibles de la relations entre les signes et le monde.

La transmission de l’intime

« [L]orsqu’une écriture est encadrée, elle devient une image »41

Adaptation à l’écran d’une création de mots, The Pillow Book de Greenaway (1996) est une composition qui tisse le thème de la transmission par une exploration des textures et porosités de l’inscription. Adaptation libre de Notes de chevet de Sei Shônagon (œuvre de la littérature japonaise écrit au environ de l’an mille)42, le film de Greenaway opère le transfert d’une poétique du fragment à une structure de l’image en mouvement moins par un respect narratif que par un principe de montage pour réinventer l’écran en fonction d’une histoire des signes. Les notes d’origine (près de 300), que Shônagon rédige à la mort de sa maîtresse, l’Impératrice Sadako, sont l’une des premières manifestations dans la littérature japonaise d’un genre qui sera célébré par la suite : celui des zuihitsu ou « écrits au fil du pinceau ». La dimension énumérative (noms de montagnes, de mers, de rivières, de palais) et l’enchaînement pêle-mêle des notes (récits de choses vues, de courtes scènes sur le vif), ce qui constitue l’essence de l’œuvre de Shônagon mais également d’un genre littéraire à sa suite43. C’est justement cette dimension du fil et du tracé que Greenaway va retravailler à l’écran. Si les notes de Shônagon dans leurs traductions anglaises se retrouvent dictées et représentées directement à l’écran, elles sont surtout mises en relation avec le roman intime d’une autre femme, Nagiko, fille de calligraphe jusqu’à amalgame par transparence entre les deux indvidus (jusqu’à leurs noms) et les deux récits.

Le transfert d’une poétique de l’écriture à une structure de l’image en mouvement n’a pas été opéré dans le cas de The Pillow Book par un respect narratif puisque le scénario est une histoire inédite, mais par un principe de montage de l’écriture d’origine pour réinventer l’écran en fonction d’une histoire des signes. Le flou entre image et texte provient en premier lieu de la thématique visuelle principale du film qui choisi de conter l’épopée d’une recherche calligraphique44 :

Dans tout le film domine l’écriture chinoise : soit en tant que pages que l’on peut penser issues du Pillow Book ; soit en tant qu’inscriptions sur le visage de Nagiko faites par son père, puis, le jour de la mort de ce dernier, par l’éditeur ; soit en tant qu’inscriptions faites par ses amants sur son corps avec un mélange de calligraphies, puis, finalement sur les treize hommes que Nagiko envoie à l’éditeur comme les treize chapitres d’un livre dont le dernier signe la mise à mort de l’éditeur avec son consentement (le film se termine aussi par Nagiko écrivant sur le visage de sa fille nouveau-né). Le jeu de l’écriture sur la toile renvoie au jeu de l’écriture sur les corps et vice versa45.

La poétique du geste calligraphique est justement transmise à l’écran par un principe de superpositions des cadres pour faire de l’écriture une donnée de la contemplation et de l’image une donnée de la lecture :

Dans ces plans, le point de vue, en se multipliant, s’affirme en une répétition formelle et signifiante qui confère à l’image un espace concentrique. Cette forme visuelle […] fonctionne en « couches » superposées, [et] provoque […] un réel décentrement de la perspective visuelle. Cedécentrement s’accompagne d’une ambiguïté du sens, par surcharge, qui déjoue nos habitudes delecture tout en étayant puissamment la narration.46

D’un point de vue thématique autant que structurel, la calligraphie définit le personnage principal et détermine le montage des signes à l’écran : demeurant intraduits linguistiquement bien que le film se destine à un public franco-britannique, les inscriptions calligraphiques sont transmises par un travail de mise en scène de l’image :

Dans une interview, il disait, en effet, regarder l’idéogramme comme une synthèse complexe de textes et d’images : une unité minimale de cet agencement. L’idéogramme a une valeur plastique et graphique et attire par sa forme visuelle.47

À l’écran, l’inscription est autant une donnée graphique que linguistique et cette dualité devient une matière non seulement érotique pour le cinéaste britannique déjà habitué de l’interartialité48 mais également pour poser la question de l’origine du signe dont le mythe japonais nous sera conté dès le début du film :

When God made the first clay model of a human being, He painted the eyes…, and the lips… and the sex. And then He painted in each person’s name lest the person should ever forget it. If God approuved of His creation, He breathed the painted model into life by signing His own name.

Le rapport de l’humain au monde, c’est donc le principe d’inscription :

Pao Xi, dans les temps anciens, régnait sur le monde. Il contempla les figures dans le ciel, puis les phénomènes sur la terre. Puis il créa les huit trigrammes afin de pouvoir commencer à communiquer avec le pouvoir de l’Efficience Infinie. Donc, à l’origine des choses est le wen, le signe écrit dans la civilisation chinoise. La surface – j’insiste sur ce terme – de l’apparence demeure le lien initial de l’homme avec le monde.49

L’histoire de passation qui introduit le récit (le leg du talent de calligraphe du père à sa fille) est au fond un miroir d’un récit génésiaque et c’est à partir du geste d’inscription que se noue dans les deux cas une déclaration de l’être puisque le père est montré dès la scène d’exposition du film en train d’inscrire son nom sur la nuque et le visage de sa fille pour célébrer sa naissance :

Picture in the mirror […] and text on the screen. The screen is a mirror. The mirror is ascreen. Yet the image of the girl’s face in the mirror is texted and the text on the screen is shaped likethe mirror. […] Here is a complexity hovering that makes separate text and separate image clumsyand redundant.50

Le geste est ici un rituel bien précis : il est le dispositif permettant une transition et une transmission d’un individu à un autre, d’un âge à un autre, d’un mode d’être à un autre, d’un récit à un autre mais aussi une reconnaissance de l’autre donc une connaissance de soi. Peinte de rouge dans l’image gardée de noir et blanc, l’inscription japonaise bénéficie d’une traduction affichée en sous-titrage qui permet autant de la lire que de la voir51. Fil rouge de la narration, le rituel de l’être et du signe deviendra l’obsession de Nagiko devenue adulte. Le développement du personnage est une quête du parfait accord entre art du geste et érotisme (à la recherche notamment du parfait amant et calligraphe) pour resoumettre son corps au rituel de l’origine la menant finalement à calligraphier le visage de sa fille.

L’érotisme du geste est une donnée qu’institue l’art de la belle écriture apposée sur la peau humaine car le support d’inscription principal sinon exclusif de l’œuvre est celui du derme et c’est la relation du tracé avec le corps humain qui donne toute le sens à un discours poétique du monde. La quête de l’art du geste correspond dans le récit de Nagiko à un processus d’invention du corps poétique puisqu’elle fera de ses amants des hommes-livres, vivants supports qui sont autant l’incarnation d’un geste que les messages d’un rapport au monde52. L’art du geste est incorporé jusque dans les arcanes de la fabrique du texte. L’amant traducteur de Nagiko qui, ayant trouvé la mort, devient l’homme-livre 6 est exhumé par l’éditeur qui souhaite en faire son livre de chevet personnel. Le processus éditorial est alors montré à l’écran : le dépeçage ou l’extraction de la peau sur le support vivant ; l’ébourrage qui consiste à réduire la peau au derme en ôtant les poils et les lambeaux de chair qui n’avaient pas été éliminés lors du dépeçage ; les multiples bains : le travail de rivière afin de nettoyer la peau de ses dernières impuretés dans l’eau, un bain ensuite composé d’eau et de chaux vive pour être ensuite tendue sur un cadre et travail multiple de ponçage et de reliure53.

The Pillow Book, en plus de remédier le livre sous une nouvelle forme et plasticité54, compose avec la profondeur de plusieurs signes et surtout sur leurs réciproques inter-pénétration55, reconduit ainsi un principe d’invention mais aussi d’intimité de l’écran :

[L]e mystère ne se situe plus seulement à l’extérieur de l’image, il ne se résout pas non plus dans l’énigme de son affleurement […], il est présent à sa surface même, il est le principe moteur de l’association des figures56

Le geste à rebours

Jusqu’à ces mots, le mouvement déployée par notre réflexion a été d’une rigoureuse chronologie procédurale allant de l’invention à la transmission. La question des intimités entre texte et image – malgré l’artificialité de la distinction qui a pu être discuté précédemment, les deux catégories ont en réalité servis de repères pour discuter les enjeux de plasticité – a, dans les quelques cas d’étude présentés, impliqué une réflexion à rebours, menant à la quête de l’origine des signes pour comprendre comment le geste peut opérer l’hybridité. Enquête sur le geste, la page ou la belle écriture, le processus de création se déploit comme entreprise de recherche, mettant à disposition l’inscription, sa donnée graphique et sa structure médiatique pour saisir la fabrique d’un rapport au monde.

Bibliographie

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  1. DU CAMPS, Maxime, Les Convulsions de Paris 2, Épisodes de la Commune, Paris, Hachette, 1878, pp. 189-190.↩︎

  2. LACAN, Jacques, Le séminaire : Les quatres concepts fondamentaux de la psychanalyse, Paris, Le Seuil,(XI, 1973, p. 93.↩︎

  3. Les adaptations du tableau qui suivront, si elles se saisiront de l’articulation entre force du mot et impact du visuel, oublieront quelque peu le rôle de la première mise en scène, laissant de côté le voile de pudeur pour se concentrer sur ce que l’image peut révéler d’une mythologie humaine par son intitulé : le pendant masculin et phallique (L’Origine de la guerre d’Orlan, 1989) est une déclinaison du lien entre exhibition visuelle et éloquence textuelle.↩︎

  4. BONACCORSI, Julia, Fantasmagories de l’écran, Thèse d’HDR, Celsa, Université Paris Sorbonne, 2012. [En ligne : https://hal.archives-ouvertes.fr/tel-01322308]↩︎

  5. MOSER, Walter, « L’interartialité : pour une archéologie de l’intermédialité », in Marion Froger et Jürgen E. Müller (dir.), Intermédialité et socialité : histoire et géographie d’un concept, Münster, Nodus Publikationen, coll. « Film und Medien in der Diskussion », vol. 14, 2007, p. 69-92.↩︎

  6. CHRISTIN, Anne-Marie, Poétique du blanc : vide et intervalle dans la civilisation de l’alphabet, Peeters-Vrin, 2000, p. 8.↩︎

  7. CHRISTIN, Anne-Marie, L’image écrite ou la déraison graphique, Flammarion, 2009.↩︎

  8. La donnée graphique naît elle-même selon le chercheur de l’écrit, ce qui place l’écriture au début de tout, voir GOODY, Jack, et al, La raison graphique : la domestication de la pensée sauvage, Les éditions de minuit, 1986.↩︎

  9. Ibidem, p. 16.↩︎

  10. Notamment présent dans LEROI-GOURHAN, André, Le geste et la parole, Paris, 1964.↩︎

  11. Parce que le temps relève de l’invisible, l’espace du visible, voir LESSING, Gotthold Ephraim, Laocoon ou Des frontières respectives de la poésie et de la peinture (1766-1768), trad. fr. Paris, Klincksieck, 2011, coll. « L’esprit et les formes ».↩︎

  12. CHRISTIN, L’image écrite ou la déraison graphique, op. cit., p. 33.↩︎

  13. Les textes de Michaux associés à sa peinture pour la majorité datent de la période 1935-1951 : Entre centre et absence (1936) ; Peintures (1939) ; Arbres des Tropiques (1942) ; Exorcismes (1943) ; Labyrinthes (1944) ; Meidosems (1948) ; Mouvements (1951).↩︎

  14. MICHAUX, Henri, La Nuit remue, Paris, Gallimard, 1935.↩︎

  15. MICHAUX, Henri, BELLOUR, Raymond et TRAN, Ysé, Œuvres complètes I, Paris, Gallimard, 1998, pp. 436-437.↩︎

  16. Ibidem.↩︎

  17. MICHAUX, Henri, BELLOUR, Raymond et TRAN, Ysé, Œuvres complètes III, Paris, Gallimard, 2004, p. 1252.↩︎

  18. MICHAUX, Henri, BELLOUR, Raymond et TRAN, Ysé, Œuvres complètes I, Paris, Gallimard, 1998, p. 706.↩︎

  19. Si la méfiance de Michaux envers les mots peut recouvrir des airs d’automatisme, l’association entre Michaux et projet surréaliste ne pourra être menée plus loin.↩︎

  20. HUANG, Bei, « Henri Michaux et l’aventure du geste », Littérature, 175(3), 2014, pp. 106‑122. https://doi.org/10.3917/litt.175.0106↩︎

  21. CHRISTIN, L’image écriture, op. cit.↩︎

  22. LEIRIS, Michel, Glossaire j’y serre mes gloses, suivi de Bagatelles végétales, Paris, Gallimard, 1939.↩︎

  23. Ibidem, p. 261.↩︎

  24. Ibidem, p. 261.↩︎

  25. MALLARMÉ, Stéphane, PAPP, Tibor, Un coup de dès jamais n’abolira le hasard (édité par M. Ronat). Change errant, 1981.↩︎

  26. Terme ici à comprendre dans le sens de la recherche sémiologique de Christin : les principes primitifs de l’écriture sont les caractéristiques plastiques de l’image.↩︎

  27. Ibidem, p. 260.↩︎

  28. Mallarmé, s’il préférera le Garamond (dans l’édition de Gallimard) au Didot (dans l’édition de 1980), accorde cependant une importance secondaire à la typographie, n’étant pas « le véhicule exclusif du sens » (CHRISTIN, ibidem, p. 221).↩︎

  29. Mallarmé cité par CHRISTIN, ibidem, pp. 215-216.↩︎

  30. LEIRIS, op. cit.↩︎

  31. Ibidem, p. 261.↩︎

  32. Ibidem, pp. 264-265.↩︎

  33. Ibidem, p. 267.↩︎

  34. Op. cit., p. 83.↩︎

  35. CHRISTIN, L’image écriture, op. cit., pp. 273-274.↩︎

  36. MALLOCK, William Hurrel, A Human Document, London, Chapman & Hall, 1892.↩︎

  37. PHILLIPS, Tom, A Humument. La première édition a été publiée en 1973 par Tetrad press, la dernière en 2016.↩︎

  38. GERVAIS, Betrand, « Imaginaires de la fin du livre : figures du livre et pratiques illitéraires », dans Fabula-LhT, n° 16, « Crises de lisibilité », dir. Jan Baetens et Éric Trudel, January 2016. [En ligne : http://www.fabula.org/lht/16/gervais.html]↩︎

  39. BATTLES, Matthew, Palimpsest: A History of the Written Word, W. W. Norton & Company, 2016.↩︎

  40. Tom Phillips Official Website, section Humument : https://www.tomphillips.co.uk/humument/slideshow/1-50.↩︎

  41. KRAUSS, Rosalind, The optical unconscious, MIT Press, 1993, p. 284 (traduction de l’auteure).↩︎

  42. SHÔNAGON, Sei, Notes de chevet, Paris, Gallimard, 1985.↩︎

  43. KRISTEVA, Tzetana, « The pillow hook: the pillow book as an “open work” », Nichibunken Japan review: bulletin of the International Research Center for Japanese Studies, 5, 1994, pp. 15‐54.↩︎

  44. « I thought that if I could look at the notion of the Oriental ideogram as a completely synthesised notion of text and image that here would be a good template for cinema » Peter Greenaway cité par LEHMAN, Peter, « Being Naked Playing Dead: The Art of Peter Greenaway », Film Quarterly, 52(1), 1998, p. 266.↩︎

  45. ERMOLIEFF, Anne, « Pillow Book ou l’expression de deux fascinations sans limites : la chair et la calligraphie », Savoirs et clinique, n° 15(1), 2012, pp. 151‑156.↩︎

  46. SAN MARTIN, Caroline, BOUCHY, Karine, « Surface, coprésence : circulations. The Pillow Book de Peter Greenaway », Lignes de fuite, 02, 2016, p. 3.↩︎

  47. Ibidem.↩︎

  48. The Draughtsman’s Contract (1982), The Belly of an Architect (1987) comme Nightwatching (2007) sont des films où l’œuvre d’art est au centre de la structure narrative et participe de l’identité visuelle du film.↩︎

  49. ERMOLIEFF, op. cit.↩︎

  50. GREENAWAY, Peter, « Body Talk. Peter Greenaway on his film The Pillow Book », Sight & Sound, 11, 1996, p. 16.↩︎

  51. SAN MARTIN & BOUCHY, op. cit., pp. 2-3.↩︎

  52. Parmi les 13 hommes-livres (The First Book of Thirteen [I], The Book of the Innocent, The Book of the Idiot, The Book of Impotence, The Book of the Exhibitionist, The Book of the Lover, The Book of the Seducer, The Book of Youth, The Book of Secrets, The Book of Silence, The Book of the Betrayed, The Book of False Starts, The Book of the Dead), l’homme-livre du silence est un messager qui a été écrit sur la langue, l’homme-livre de l’impotence est un vieil homme courant dans les rues, l’homme-livre des secrets est un moine qui a été écrit dans les endroits cachés, et enfin le dernier homme-livre est un sumo envoyé à l’éditeur pour l’assassiner.↩︎

  53. Jusqu’aux « chutes » du support qui sont également montrées.↩︎

  54. MELLET, Margot, « Défaire et remédier le livre. Analyse de la figure-écran du livre dans The Pillow Book de Peter Greenaway », Études du livre au XXIe siècle, Ex-Situ, 2021. [En ligne : https://projets.ex-situ.info/etudesdulivre21/liv2/mellet/]↩︎

  55. « Alors le montage de The Pillow Book ne serait pas uniquement un montage alterné, et l’utilisation de la couleur et du noir et blanc une tentative de différencier ; il s’agirait plutôt d’une juxtaposition qui met en relation des segments filmiques qui se questionnent et se répondent l’un par l’intermédiaire de l’autre. Peter Greenaway propose une manière singulière de concilier discontinu et continu, où le continu et le discontinu s’échangent, changent de place, sortent de leurs catégories habituelles et a priori. » SAN MARTIN & BOUCHY, op. cit., pp. 2-3.↩︎

  56. CHRISTIN, Poétique du blanc, op. cit., p. 66.↩︎